« Je ne suis pas un roman » clame la romancière iranienne primée Nasim Vahabi

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  • Aujourd’hui, « Je ne suis pas un roman » de Nasim Vahabi, paru le 9 septembre 2022 aux Éditions Tropismes et lauréat du prix des étudiants de Sciences po.

Marceline Bodier, bookstagrameuse et contributrice du groupe de lecture 20 Minutes Books, vous recommande « Je ne suis pas un roman » de Nasim Vahabi, paru le 9 septembre 2022 aux Éditions Tropismes et lauréat du prix des étudiants de Sciences po.

Sa citation préférée :

Comme le dit Khayyam : « Sachant qu’un jour le Temps fera couler notre sang, Versons celui du flacon dans la coupe de l’ivresse. » A la vôtre, ma chère Dame.

Pourquoi ce livre ?

  • Parce que « Je ne suis pas un roman » vient d’obtenir le prix littéraire des étudiants de Sciences po, qui « récompense un roman francophone traitant d’un sujet de société de façon engagée ». Et quel roman ! En digne successeur de dystopies à la 1984, il plante le décor dans un bureau de la censure, où des fonctionnaires sont payés pour dire ce qui est publiable ou pas. Mais en bon roman contemporain engagé, ce n’est hélas pas une dystopie, mais le reflet de ce qui se passe dans le pays d’origine de l’autrice, l’Iran.
  • Parce qu’un roman qui s’appelle « Je ne suis pas un roman » n’est pas n’importe quel roman : c’est celui de l’autrice dont on fait la connaissance au premier chapitre. Cette autrice n’est pas Nasim Vahabi, mais cette dernière lui a prêté sa voix pour nous raconter ce que le pays d’Omar Khayyam fait à la littérature aujourd’hui. « Mon père était convaincu que les censeurs considèrent la littérature comme une menace », apprend-on. De fait, la censure y va de l’autocensure au classement dans des chemises bleues… en passant par une étrange cendre grise dans la salle des manuscrits.
  • Parce que si ce n’est pas un roman, ça y ressemble quand même beaucoup : il y a des personnages, il y a une histoire d’amour délicate et passionnée, il y a du sang et des larmes. Et il y a une merveilleuse plume, qui nous prend par surprise avec, au cœur de l’histoire, une longue conversation WhatsApp lue en en remontant le fil, comme on le ferait sur un smartphone lorsqu’on s’offre la poignante mélancolie de la relecture d’anciens échanges qui ressuscitent un temps heureux, mais disparu. A la clé, un roman engagé qui nous offre aussi un tourbillon d’émotions fortes.

Nasim Vahabi, pourquoi avez-vous traduit vous-même votre livre en français ? A-t-il été publié en Iran, en avez-vous des retours de lecture ?

Je voudrais que le lecteur ou la lectrice soit intrigué par la mention « traduit par l’autrice » et pose la question « pourquoi auto-traduire ? ». En effet, je l’ai traduit puisque ce texte (dans sa version originale) est interdit de publication en Iran. Cette « auto-traduction » s’approche plutôt d’une réécriture en français. Mais cela fait partie du message que le roman souhaite transmettre. Par ailleurs, il sera bientôt publié en version persane, mais par un éditeur en diaspora.

Vous avez reçu le prix littéraire des étudiants de Sciences Po. En quoi est-ce important d’être lue par de jeunes adultes en France ?

La censure est un sujet sociétal et même dans les pays libres, la liberté d’expression est parfois encadrée sous différents prétextes. J’ai eu plusieurs rencontres avec les jeunes et les étudiants sur le thème principal de mon roman et nos échanges sur la notion de la « liberté encadrée » étaient très intéressants. Il faut avoir le regard vigilant et l’esprit curieux pour ne pas tomber dans les pièges qui menacent la liberté d’expression et surtout la liberté de pensée.

Vous n’êtes « pas un roman », mais votre livre, lui, l’est : et que peut un roman contre un système qui les censure ?

Les censeurs ne cherchent qu’à isoler et intimider les écrivains et artistes, car ils ont peur de la littérature et de l’art. Donc il faut résister et continuer à travailler.

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. C’est une tragédie en huit parties, chacune centrée autour d’un personnage : l’autrice, l’éditeur, la dame, elle, lui, eux, la fille, le jeune homme. Aucun n’est un roman, vous l’aurez compris, mais chacun est guetté par la censure. Pourtant, l’amour est possible : qu’en restera-t-il ?

Les personnages. Ce n’est pas un livre, mais un auteur, qui nous dit « Je ne suis pas un roman ». Et si l’auteur n’est pas un roman, ce n’est pas la moindre des tragédies du livre : parce qu’avec le temps, le roman, lui, sera peut-être sauvé… même si cela doit faire de son auteur un simple personnage.

Les lieux. Un service des manuscrits (interdits) qui renouvelle l’imaginaire de ce lieu de manière terrifiante, avec ses trois couleurs de chemises, sa poussière grise dans les coins et sa lourde porte en métal, dans « un brouillard de silence épais ». « Par où commencer, monsieur ? dit le jeune homme »…

L’époque. Il n’est pas anodin que le livre de Nasim Vahabi soit sorti exactement une semaine avant la mort de Mahsa Amini. L’autrice a dédié son prix littéraire à la liberté d’expression, et en Iran, aujourd’hui, sa privation n’est hélas pas un roman, mais la réalité.

L’auteur. L’autrice est iranienne, censurée en Iran mais publiée en France, où elle vit : « Je veux tout préserver. Des romans, des manuscrits, comme des messages. C’est notre mémoire, et il ne faut jamais céder à la tentation de les effacer, sinon on aura bien joué le rôle qu’ils rêvent pour nous. » Son prix des étudiants de Science po, Nasim Vahabi l’a dédié « aux Iraniens et Iraniennes qui risquent leur vie pour réclamer la liberté » et souhaité « partager cet espoir, cet encouragement, avec tous les écrivains qui essaient de contourner la censure. »

Ce livre a été lu avec la jubilation du paradoxe : « Je ne suis pas un roman » est un merveilleux roman. « Il faut être vraiment fou pour s’entêter à publier de la littérature dans des conditions pareilles », dit un personnage : j’ai adoré être folle avec l’éditeur et sa Dame, dont l’histoire m’a bouleversée.

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