"Je n'arrive pas à rompre avec mes beaux-parents"

  • Faire le deuil d’un rôle familial
  • Une rupture qui affecte bien plus que les principaux concernés
  • Une relation post-rupture à hauts risques
  • Quelles frontières mettre en place ?
  • Garder des liens pour préserver sa propre famille

Que celle qui n’a jamais hésité à quitter l’homme ou la femme de sa vie (du moment) de peur de devoir rompre (aussi) avec ses beaux-parents nous jette la pierre ou se taise à jamais.

Car si la belle-famille s’avère plus souvent une source de crispations que de réjouissances durant notre relation, il arrive qu’elle fasse l’objet d’un attachement affectif particulier, que cela soit d’ailleurs un sentiment réciproque ou non partagé. C’est du moins le cas de Sybille*, 29 ans, qui se souvient avoir eu particulièrement du mal à quitter son amour de jeunesse tant elle considérait sa belle-famille comme faisant partie de la sienne.

“J’étais plus proche de son père que du mien. Comme il était prof, il s’intéressait beaucoup à ma scolarité, m’aiguillait dans mes choix de prépa et m’incitait à lire les journaux, à me plonger dans l’actualité”, raconte celle qui, au contact de cet homme qu’elle admirait, fera des choix déterminants pour son avenir.

Alors, quand elle a su au fond d’elle-même qu’elle souhaitait terminer sa relation avec son petit ami, l’idée de ne plus voir ce père d’adoption l’a profondément ralenti dans son passage à l’action. “Je savais qu’en le quittant, je n’aurais pas eu l’occasion de baigner dans cette famille qui me correspondait plus que la mienne. J’y étais vraiment attachée ! Et ayant 18 ans à l’époque, jamais il ne me serait venu à l’idée de maintenir des liens au-delà de ma rupture. Ça aurait été déplacé”, conclut-elle.

Un souvenir qui en dépit de son caractère anecdotique vient rappeler de façon plus générale les différentes facettes de la rupture amoureuse, cette dernière dépassant largement le simple cadre du couple stricto sensu.

Faire le deuil d’un rôle familial

“Lors d’une séparation, il y a plusieurs deuils”, fait remarquer Maïté Tranzer, psychologue clinicienne. “Et effectivement, là, ce que cette jeune femme semble décrire, c’est le deuil de l’environnement. Ça peut être l’appartement, les amis en commun, mais aussi la belle-famille, avec toutes les habitudes que l’on pouvait avoir avec eux”, explique-t-elle.

Des habitudes qui, doublées d’affection et de complicité, conduisent certains hommes et femmes à rester en lien avec leur ex-beaux-parents, aussi incongru que cela puisse paraître. Mais pourquoi garder un lien avec ces parents qui, avant de rencontrer notre ex, n’étaient que de parfaits inconnus ?

“En réalité, dans chaque rupture il y a un enjeu de la place qu’on occupe. Rompre avec son partenaire, c’est perdre la place que l’on avait dans sa vie mais aussi dans celle de sa famille. Or c’est quelque chose auquel il peut être difficile de renoncer”, poursuit la psychologue, qui rappelle que chaque configuration familiale reste différente.

Une rupture qui affecte bien plus que les principaux concernés 

C’est le cas de Maryline, 61 ans, pour qui Sophie, l’ex-partenaire de son fils, était presque devenue comme sa propre fille. “Je n’ai eu que des garçons alors, forcément, pour moi, elle était un peu comme la fille que je n’avais pas eue”.

Quand son fils lui annonce qu’il se sépare d’elle, la sexagénaire le vit comme un choc. “Je trouvais ça trop bête qu’ils se séparent. Puis ça m’a rapidement manqué de ne plus voir Sophie à la maison ou de ne plus partir avec elle en vacances”.

L’ex-belle mère prend alors l’initiative d’envoyer un message à son ex-belle fille et lui proposer un café. Cette dernière accepte et toutes deux tentent de maintenir cette nouvelle amitié (presque) cachée. “Mon fils sait que nous sommes encore en contact, mais je ne lui en parle pas plus que ça”, confie-t-elle. 

Une relation post-rupture à hauts risques

Pour notre psychologue, prendre en considération le partenaire ainsi coincé entre son ex et ses propres parents reste toutefois primordial pour éviter les conflits de loyauté intra-familiaux, notamment si celui-ci souhaite “refaire sa vie” et ouvrir un nouveau chapitre de sa vie amoureuse.

« C’est très important de pouvoir en discuter parce qu’on ne peut pas avoir la même posture que l’on avait en tant que gendre ou belle fille”, conseille la psychologue, qui souligne également que la nature et les raisons de la rupture doivent aussi être ajoutées à la balance.

Une séparation pour infidélité n’aura ainsi pas les mêmes implications qu’un divorce à l’amiable. Par ailleurs, une relation de proximité avec son ex-belle famille peut facilement rendre le deuil de la rupture impossible, aussi bien pour soi-même que pour son ex-partenaire qui pourra par ailleurs éprouver un certain ressentiment pour ses parents qui jouent copain-copain avec leur ex.

“Mon ex était resté en très bon contact avec mon père les mois suivants notre rupture : les deux étaient ingénieurs, les deux passionnés d’échec et les deux ont perdu un parent très tôt”, se souvient Justine, 34 ans. “Du coup, quand j’ai commencé à utiliser les applis de rencontre et avoir de nouveau des “dates”, et que le dimanche midi, mon père me vantait les louanges de mon ex, je me sentais un peu coupable…”, confie-t-elle. Au final, la jeune femme demandera à son père de ne plus voir son ex, ou du moins de ne pas lui en parler.

Quelles frontières mettre en place ? 

Comment, en effet, passer à autre chose lorsque l’on sait que son père va encore voir des matchs de foot avec votre ex ou que votre mère fait du shopping tous les samedis avec celle avec qui vous avez partagé votre vie des années durant ?

Et on ne parle pas de la “nouvelle” ou du “nouveau” venu, qui tenterait vainement d’intégrer une famille qui garde encore une place à la fameuse “ex” sur le plan de table du jour de l’An.

“Il faut d’emblée définir les limites d’une telle relation pour s’assurer qu’elle ne vienne pas heurter qui que ce soit”, recommande la psychologue. “Par exemple, quand l’ex-partenaire rencontrera quelqu’un d’autre, il faudra savoir se mettre à juste distance de son ex-belle famille pour ne pas que cela génère trop de tensions avec leur propre enfant et leur nouveau gendre/belle-fille.” 

Garder des liens pour préserver sa propre famille

Toutefois, cette relation de proximité non-conventionnelle peut se révéler dans certains cas saine et salvatrice, a fortiori lorsque le couple séparé et/ou divorcé est aussi un couple de jeunes parents.

“La présence d’un ou plusieurs enfants change la donne parce qu’il y a un lien de filiation qui maintient une relation de fait entre l’ex-partenaire et les ex-beaux parents”, souligne Maïté Tranzer, qui estime qu’une bonne entente entre tous ne sera que bénéfique pour les enfants.

C’est ce dont s’est rendu compte Carole, 43 ans, qui malgré un divorce difficile, a su naturellement garder un lien précieux avec les parents de son ex-mari, dont ce dernier n’était pas très proche. “Mon ex-belle mère continue de me dépanner quand je ne peux pas aller chercher les enfants à leur activité ou quand l’un d’eux est malade et que je dois les faire garder”, raconte-t-elle. “On n’irait pas jusqu’à fêter Noël ensemble, mais je fais attention qu’elle puisse profiter de ses petits-enfants comme avant. Le fait qu’elle soit consciente que son fils n’a pas été le meilleur des maris et des pères aide aussi à cette entente”, analyse-t-elle.

Finalement moins que d’un jugement de valeur visant à déterminer si elles sont souhaitables, ces relations atypiques requièrent une analyse in fine de leur natures et de leurs enjeux, aussi bien personnels que familiaux. Pour une vie familiale post-rupture sur-mesure, qui se fait moins le reflet de coutumes sociales que de liens de cœur à la force parfois immuable.

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