Interview de Julie Bourges : “Ma mission : rendre visible la différence”

Grande brûlée, elle prend la parole pour expliquer comment surmonter l’épreuve.

À son réveil du coma, Julie Bourges aurait aimé lire le témoignage de vie d’un grand brûlé mais elle n’en a pas trouvé. « Nous sommes une quantité négligeable dans notre société et notre premier réflexe est de nous cacher, et ainsi la société ne nous voit pas », explique-t-elle. Avec son livre Chaque jour compte (éd. Marabout), elle tente d’aider ceux qui sont dans cette situation ou qui passent par une épreuve difficile. Sous la forme d’un agenda perpétuel, elle donne ses astuces dans les domaines du sport, de la santé et du développement personnel, tout en racontant sa propre histoire.

Elle avait 16 ans en 2013 quand son costume a pris feu à la fin d’un carnaval à cause d’une cigarette qu’elle venait d’allumer. À son réveil du coma, Julie Bourges a découvert son corps touché par les flammes sur 40 % de sa surface. Aujourd’hui, elle revient sur les difficultés qu’elle a traversées et explique comment une catastrophe peut amener à aimer la vie.

France Dimanche : Qu’est-ce qui vous a aidée à rebondir ?

Julie Bourges : Je suis passée par de grosses phases de dépression avec antidépresseurs, je pleurais et je trouvais la vie injuste. Mais j’étais couverte d’amour par mon entourage qui souffrait autant que moi, sans rien pouvoir faire. Je n’avais pas envie de les décevoir ou de les abandonner. Alors je me suis dit qu’on allait surmonter cette épreuve ensemble, que je n’avais pas survécu aux flammes pour rien.

FD : Comment avez-vous fait pour apprivoiser votre nouveau corps et ses cicatrices ?

JB : Je pourrais passer ma vie sur une table d’opération pour enlever des cicatrices au laser, mais j’ai décidé de les accepter. Aujourd’hui, je ne souhaite plus revenir en arrière. Beaucoup de gens me disent qu’ils n’auraient pas pu s’en sortir à ma place. Mais quand une épreuve te tombe dessus, tu n’as pas le choix, il faut avancer. Les premières années, je me cachais derrière des manches longues, des cols roulés et je portais une écharpe y compris à la salle de sport.

FD : Aujourd’hui vous portez les vêtements que vous souhaitez, quel a été le déclic ?

JB : Une amie avec qui j’allais partir à Séville m’a obligée à acheter et à mettre des shorts et des robes dans ma valise. Là-bas, j’ai osé et me suis rendu compte que les Espagnols étaient réceptifs à la différence. Pour eux, elle n’était pas un sujet, chacun est comme il est. Avec le temps, j’ai compris que c’était une question de confiance en soi.

FD : Comme toutes les personnes dont l’apparence est touchée, vous avez eu longtemps peur du regard des autres, comment y faites-vous face ?

JB : Un jour, j’ai mal interprété le regard de quelqu’un qui me fixait et à qui j’ai demandé des comptes. En fait, il pensait à sa nièce qui était à l’hôpital au service des grands brûlés et il m’admirait… J’ai alors pris conscience qu’il était impossible d’imaginer ce que pensent les autres. En réalité, le seul regard que je tentais de fuir, c’était le mien. Aujourd’hui, j’ose rendre visible la différence. En me voyant en maillot de bain, certaines femmes viennent me dire qu’elles m’admirent car elles n’osent pas faire de même car elles ont des vergetures. Chacun a son échelle de combat et il n’y en a pas de supérieures, je pense que certains souffrent mille fois plus que moi.

FD : Vous dites que les réseaux sociaux vous ont sauvée. De quelle façon ?

JB : J’ai fait le pari risqué de penser qu’ils pouvaient avoir du bon. Sur Instagram, derrière le pseudo « Douze février » (date de l’accident), j’ai pu « mettre des mots sur mes maux ». Bien protégée derrière mon écran, je me suis confiée sur des sujets personnels dont je ne me sentais pas capable de parler de vive voix. C’était ma thérapie. En retour j’ai reçu des messages de malades, de personnes en dépression ou en situation de handicap… C’était un cercle vertueux. Je me suis rendu compte que je pouvais aider les autres.

FD : Vous arrive-t-il de passer par des phases difficiles ?

JB : Au début, je ne montrais que le côté résilient, ce qui allait bien. Mais non, je ne suis pas toujours positive et j’ai réalisé que si je ne le disais pas, les autres pouvaient l’ignorer et se mettre à culpabiliser de ne pas être, eux, constamment positifs. Mon acceptation de moi-même n’a jamais été linéaire et elle n’est d’ailleurs toujours pas terminée.

FD : À quoi ressemble votre vie aujourd’hui ?

JB : J’ai quitté la Côte d’Azur pour les Landes, entre l’océan et la forêt de pins, le vélo et le surf. J’avais besoin de slow life. C’est une vie à 1 000 à l’heure. J’écris du contenu sur Internet, je donne des conférences sur mon histoire, la résilience, l’acceptation de soi. Je suis marraine de l’association Burns and Smile pour les grands brûlés et je voudrais utiliser ma notoriété pour aider à faire bouger les choses au niveau social et politique, peut-être en créant une association.

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Chiffes clés

8 120 : C’est le nombre de personnes qui ont été hospitalisées en 2014 (dernière étude en date) à cause de brûlures, 190 d’entre elles en sont décédées.

Prenez vos précautions

  • Attention aux liquides chauds

Une tasse de thé qui se renverse, une casserole qui déborde, l’eau du robinet mal réglée… Les liquides brûlants sont la première cause de brûlure chez les enfants et les femmes. Des accidents qui pourraient être évités.

  • Détecteur de fumée obligatoire

La loi en impose un dans chaque logement, mais la prudence recommande d’en installer aux endroits stratégiques : un par étage, toujours à 3 mètres d’une source de chaleur ou de vapeur, et un au niveau le plus haut de la maison car les fumées montent. Un sur le palier de votre chambre aura plus de chance de vous réveiller que celui de la cuisine.

En cas de brûlure

  1. Dégagez la victime de la source de chaleur. Coupez le courant électrique si besoin.
  2. Faites couler de l’eau à température tempérée (15 °C) à 15 cm de la zone brûlée pendant 15 minutes et appelez le 15.
  3. Ne décollez pas les vêtements.
  4. Attention, l’absence de douleur ne prédit pas de la gravité de la situation, donc demandez un avis médical.
  5. Évitez les applications de dentifrice, pommes de terre, beurre, glaçons…

Julie BOUCHER

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