C’est une affaire de discrimination au travail qu’a révélé RMC, le 2 mai 2022.
En janvier 2021, Mathilde obtient un poste de conseillère, dans une compagnie d’assurance à Avignon (Vaucluse). Si tout se passe bien les premières semaines, quand un mois après son embauche, la jeune femme apprend qu’elle est enceinte, le comportement de son supérieur change du tout au tout.
Alors qu’elle choisit de lui en parler directement, il a une réaction violente. « Il a buggé pendant deux minutes, il y a eu un grand silence dans le bureau. Il m’a répondu: ‘moi avec ma femme, ce genre de problème on le résoudrait’. Je lui ai demandé de quelle façon, il m’a dit ‘un accident ça se résout’. Je lui ai dit : ‘Donc là, vous êtes en train de me suggérer d’avorter’. Il a continué en disant ‘vous ne vous rendez pas compte, vous me foutez dans la merde’ », se remémore-t-elle, au micro d’RMC.
Encore en période d’essai, elle sera licenciée dès le lendemain.
« J’ai eu la sensation de foutre ma vie en l’air, parce que je voulais garder mon enfant »
Convoquée dans le bureau de son supérieur, à peine quelques heures après lui avoir fait part de la nouvelle, Mathilde est remerciée. Sans explication, on lui demande de ranger ses affaires et de partir sur-le-champ, son patron ayant décidé de mettre fin à sa période d’essai.
Cet épisode, couplé à la réaction traumatisante de l’homme la veille, résonne en Mathilde pendant plusieurs semaines. Elle avoue même à RMC n’avoir pas pu profiter des premiers mois de sa grossesse.
« J’ai eu la sensation de foutre ma vie en l’air parce que je voulais garder mon enfant. Les six premiers mois, j’ai eu beaucoup de mal à me dire que j’allais aimer mon enfant, car ma vie professionnelle était partie en vrille », raconte-t-elle.
Et ces craintes semblent être partagées par beaucoup de femmes. Selon un sondage Linkedin et relayé par Le Parisien lancé en ligne la semaine dernière, auquel plus de 13 000 femmes ont répondu, 74% d’entre elles considèrent que devenir mère a eu un impact sur leur carrière*.
Le chef d’entreprise dit avoir réglé « un problème » en licenciant la future maman
Bien que Mathilde soit persuadée que sa grossesse ait été la cause de son licenciement, son employeur, contacté par la rédaction de RMC, ne l’avoue pas complètement.
Décrit par la journaliste Joanna Chabas, comme « le responsable d’une franchise d’un très grand groupe », l’homme aurait reconnu avoir retenu la grossesse de la jeune femme comme « un des facteurs », qui a causé la rupture de sa période d’essai.
Selon les propos rapportés par la journaliste, il explique s’être retrouvé face à « un problème » et considère avoir agi « en chef d’entreprise », en le résolvant. Par ailleurs, il ajoute, pour appuyer sa décision, que le travail de Mathilde n’était pas assez satisfaisant pour qu’il la laisse terminer sa période d’essai.
Une discrimination courante, difficile à prouver
S’il n’est pas obligatoire pour l’employeur – ou le/la salarié.e – de justifier la rupture d’une période d’essai, il est en revanche illégal d’y mettre fin pour une grossesse.
Malgré tout, le caractère discriminatoire de l’affaire reste délicat à prouver, la jeune maman n’ayant pas de preuves écrites de ce dernier.
Interrogée par la rédaction de RMC, Maître Delphine Lopez, avocate en droit du travail, explique que des recours sont possibles.
« Lorsqu’il y a discrimination, la charge de la preuve pèse essentiellement sur l’employeur. C’est à la salariée d’apporter des éléments qui lui laissent penser qu’il y a discrimination et à l’employeur de prouver, qu’en réalité, cette rupture est liée à une insuffisance professionnelle. Avec ce mécanisme d’inversion de la charge de la preuve, on peut espérer voir aboutir les actions qu’on peut mener devant la juridiction prud’homale », rassure-t-elle.
“Nous rendons encore un nombre trop important de décisions où des femmes ne sont pas embauchées en raison de leur état de grossesse, ne retrouvent pas leur poste au retour de leur congé maternité, ou dont la période d’essai est rompue car elles sont enceintes. C’est sidérant et illégal”, réagit Claire Hedon, Défenseure des droits, interrogée par Linkedin.
Comme le précise Joanna Chabas, si Mathilde décide d’engager des poursuites – ce qu’elle envisagerait – et que son employeur est reconnu coupable de discrimination, elle pourra prétendre à des dommages et intérêts (équivalents à minimum six mois de salaire brut), ou réintégrer l’entreprise, si elle le souhaite.
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*Le sondage est ouvert jusqu’au lundi 16 mai 2022, ndlr
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