"Il l'a laissée inconsciente sur le sol" : au procès Weinstein, un nouveau récit glaçant

Le procès de Harvey Weinstein est entré dans le vif du sujet avec le récit du viol présumé subi par l’actrice Annabella Sciorra. Un témoignage qui doit montrer que le producteur déchu était un prédateur avéré.

Il était une fois Harvey Weinstein, un faiseur d’Oscars qui régnait sur le tout-Hollywood. Jusqu’à la chute brutale de son trône en octobre 2017, après avoir été démasqué par le New York Times et le New Yorker. Début janvier, plus de deux ans après les révélations choc qui ont provoqué l’avènement du mouvement #MeToo, le procès tant attendu du producteur déchu a enfin pu démarrer. Et ce mercredi 22 janvier, l’accusation a pris la parole pour brosser le portrait de l’ex-magnat du cinéma américain.

Dans la salle d’audience, la procureure de Manhattan Meghan Hast a fait défiler des photos sur un écran de télévision. L’occasion de voir Harvey Weinstein au sommet de sa carrière sur le tapis rouge à Los Angeles. «Cet homme assis dans le box, ce n’est pas juste un titan d’Hollywood, c’est un violeur», a tenu à souligner la magistrate, comme le rappelle la BBC. Pendant deux heures, cette dernière a raconté comment Harvey Weinstein, qu’elle décrit comme une brute de 135 kilos, a violé, humilié et traumatisé des femmes durant des décennies. Sans jamais hésiter à décrire en détails, parfois très crus, les agressions subies par les trois principales femmes appelées à témoigner lors du procès. À commencer par la plus célèbre d’entre elles : l’actrice Annabella Sciorra, de la série Les Soprano, qui accuse Harvey Weinstein de l’avoir violée, chez elle, en 1993.

En vidéo, l’affaire Harvey Weinstein, le scandale qui a fait trembler Hollywood

« Émotionnellement et physiquement détruite »

C’est au début des années 1990 que Harvey Weinstein rencontre Annabella Sciorra dans un pub irlandais de Lower Manhattan. En fin de soirée, le producteur décide de raccompagner la jeune femme. Quelques minutes après l’avoir déposée chez elle, celui qui est alors le patron des studios Miramax toque à son appartement. L’actrice entrouvre sa porte que le producteur «enfonce», «comme si c’était chez lui et commence à déboutonner ma chemise», se souvenait-elle dans le New Yorker en octobre 2017. «Tu dois partir. Sors de mon appartement», assure avoir dit l’actrice à l’adresse du célèbre producteur. En vain. «Il m’a poussée sur le lit et s’est mis sur moi. J’ai frappé et crié», poursuivait-elle, accusant Harvey Weinstein de lui avoir bloqué les mains au-dessus de la tête et de l’avoir violée avant de tenter de lui imposer une fellation.

Ce jeudi 22 janvier au tribunal de Manhattan, la procureure Meghan Hast raconte la suite de l’histoire. «Malgré les tentatives de la victime pour l’arrêter, Harvey Weinstein a continué et a inséré son pénis dans son vagin pour la violer», a-t-elle décrit froidement, rapporte Franceinfo. «Le cauchemar a continué pour elle. Le prévenu lui a fait un cunnilingus sans son consentement, puis l’a laissée émotionnellement et physiquement détruite, inconsciente sur le sol.»

À la suite de quoi, l’actrice sombre dans la dépression et arrête de travailler plusieurs années. «J’avais tellement honte», se rappelle celle qui a été nommée en 2001 aux Emmy Awards pour son rôle dans Les Soprano. Pour autant, Annabella Sciorra n’a jamais porté plainte, surtout par crainte que Harvey Weinstein ne «détruise» sa carrière. Et pour cause : le producteur n’a cessé de faire en sorte que l’artiste «vive dans la terreur», en lui laissant des messages ou en se présentant dans les hôtels où elle séjournait, assure la procureure Meghan Hast. Une fois, l’actrice s’est même retrouvée face à un Harvey Weinstein en sous-vêtements dans le couloir de son hôtel, un flacon d’huile pour bébé dans une main, une cassette vidéo dans l’autre.

Sur les traces de Harvey Weinstein

Né dans le Queens, à New York, Harvey Weinstein est le fils du tailleur de diamants Max Weinstein. Il étudie à l’université de Buffalo et fonde en 1979 la société Miramax Films, au côté de son frère Robert. (New York, le 21 avril 1989.)

Célèbres dans les années 1980 et 1990 pour leur production de films indépendants – comme ceux de Steven Soderbergh ou Quentin Tarantino – ils remportent leur première Palme d’or en 1990, pour Sexe, mensonges et vidéo. (Avec Robert Weinstein, New York, le 21 avril 1989.)

En 1997, les deux frères raflent leur premier Oscar pour Le Patient anglais, d’Anthony Minghella. Harvey est bien plus présent que Bob sous les feux des projecteurs. (New York, 1994.)

Le tout-puissant Harvey Weinstein est de toutes les soirées mondaines, où se côtoient les grands pontes de Hollywood. (Avec Tom Cruise, New York, le 3 mars 1998.)

Un « serial » violeur ?

Le témoignage d’Annabella Sciorra – même si son agression présumée est trop ancienne pour donner lieu à des poursuites – doit montrer que Harvey Weinstein était un prédateur avéré. L’avocat de la défense Damon Cheronis, quant à lui, met en doute l’histoire de l’actrice. Il souligne entre autres qu’Annabella Sciorra n’a pas été en mesure de fournir aux enquêteurs la date exacte du viol présumé. Qui plus est, toutes les relations sexuelles de son client auraient été consenties, avance-t-il, certaines femmes ayant accepté le contrat tacite avec le producteur de manière à faire évoluer leur carrière.

Alors que plus de 80 actrices, mannequins ou ex-employées, dont des célébrités comme Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie ou Léa Seydoux, ont accusé Harvey Weinstein de les avoir harcelées ou agressées sexuellement, le procès ne concerne directement que deux des victimes présumées : Mimi Haleyi et Jessica Mann. Le procès doit encore durer jusqu’au 6 mars.

Source: Lire L’Article Complet