« Il faut qu'on continue à être ensemble, à vivre ensemble » plaide Jarry

  • Jarry joue son deuxième spectacle, Titre, sur la scène de L’Européen, à Paris, jusqu’au 4 janvier. Il partira ensuite en tournée.
  • Le chant tient une place importante dans ce show. « C’est quelque chose que l’on peut partager », explique à 20 Minutes l’humoriste très attaché à la notion de « vivre ensemble ».
  • Jarry évoque aussi dans son spectacle des aspects de sa vie privée est familiale. « J’ai hésité au départ et j’ai fini par me dire que, de toute façon, si on est sincère, les gens sont bienveillants », raconte-t-il. « J’évoque mes enfants parce que je suis tellement fier d’être papa », ajoute l’artiste qui est « un des premiers à parler sur scène d’un couple homoparental ».

Il paraît qu’en France, « tout finit par des chansons ». Si la conclusion du Mariage de Figaro de Beaumarchais est parfois sortie de son contexte, elle colle parfaitement à Titre, le deuxième spectacle que joue Jarry à L’Européen (Paris 17e) jusqu’au 4 janvier,
avant de partir en tournée. Et pour cause, en plus d’une heure de show, l’humoriste, par ailleurs
« enquêteur » de Mask Singer sur TF1, n’hésite pas à allier son grain de voix à son grain de folie entre deux vannes. Rencontre avec un artiste prompt à mettre spectateurs et spectatrices au diapason.

Ce spectacle, où l’on vous découvre chanteur, est bien différent du précédent, « Atypique », où vous jouiez à la princesse…

Pour Titre, j’avais envie de m’éloigner de tous les thèmes que j’avais abordés dans le premier spectacle, pour que les gens puissent vraiment être surpris. Je ne voulais pas tomber dans la facilité. Maintenant que les gens me connaissent, je souhaitais parler de choses qui me tiennent à cœur.

Qu’est-ce qui vous a poussé à chanter ?

Le chant est le fil conducteur parce que c’est quelque chose que l’on peut partager. On s’en fout de savoir d’où l’on vient, si on est riche ou pas, quelle est notre religion, notre couleur de peau… Le chant, c’est très populaire, c’est une valeur importante pour moi.

C’est pour cela que vous insistez beaucoup, dans le spectacle, sur le « vivre ensemble » ?

Aujourd’hui, que ce soit les politiques, les médias, les gens s’engouffrent tout le temps dans ce qui nous oppose, dans ce qui pose problème, dans le communautarisme… Je n’ai pas envie de ça, je veux résister et dire aux gens : « On s’en fout, ne tombons pas dans ce piège-là ». Il faut qu’on continue à être ensemble, à vivre ensemble, à rire ensemble. Parce que c’est ça le plus important.

Vous faites un sketch sur la Manif pour tous, vous vous imaginez en « stage » au sein de Daesh… Ce n’est pas ce qu’il y a de plus consensuel.

Non, et en même temps, c’est une manière de dédramatiser des choses qui, pour moi, sont hallucinantes. Quand je vois que la Manif pour tous manifeste pour interdire l’avortement en France, je me demande comment on peut perdre son temps à se mobiliser pour retirer un droit. La démarche est tellement dingue. Ces gens devraient prendre du temps et de l’énergie pour trouver des projets qui nous réunissent. Et puis Daesh… Tous ces attentats ont marqué ma vie. J’ai voulu dire aux gens qu’il faut voir dans tout ça quelque chose de fort, qui nous renforce et nous rapproche, et non qui nous fait peur, nous éloigne et nous enferme chacun dans nos maisons.

En assistant à votre spectacle, on peut constater que votre public est varié…

Je dis tout le temps que le public est ma plus grande fierté parce que toutes les tranches d’âges, les catégories sociales, les couleurs, les religions… sont représentées. N’en déplaise à certains qui aimeraient que je n’aie que des homosexuels dans ma salle parce qu’ils aimeraient m’enfermer dans ça. Et bien non, dans mon public, j’ai de la responsable des achats, des personnes âgées, des enfants de 10 ans… C’est ça l’humour, c’est quelque chose à vivre ensemble.

Selon vous, qu’est-ce qui vous a fait connaître ?

Les gens me connaissent des émissions de télévision dans lesquelles ils m’ont vu ces dernières années. Il y a aussi énormément de bouche-à-oreille puisque je fais beaucoup de dates un peu partout en France, les gens parlent entre eux : c’est ça qui a fait ma carrière et continue de remplir les salles. Je pense que les gens savent que s’ils viennent me voir, ils vont vivre une histoire et que je ne suis pas la star inaccessible, qu’ils vont pouvoir me voir après le spectacle, m’embrasser, me parler… Et comme le spectacle est très interactif, ils savent qu’à chaque fois ce sera différent. C’est une manière de mettre en valeur les gens aussi.

Vous mettez aussi le public à contribution. Il faut être un « masochiste volontaire » pour venir vous voir ?

Non, je dirais que ce sont des gens qui ont compris qu’on peut rire de tout, quel que soit le sujet et que, quelquefois, il faut être un peu malmené pour sortir de ses croyances, de nouveau écouter, de nouveau entendre des choses. Et puis, on ne sadise que ceux qu’on aime. Ma mère la première.

Vous parlez de votre mère, mais aussi de vos enfants [nés par GPA, gestation pour autrui] et d’autres pans intimes. Vous avez hésité à évoquer ces aspects de votre vie privée ?

J’ai hésité au départ et j’ai fini par me dire que, de toute façon, si on est sincère, les gens sont bienveillants. Mon histoire est aussi celle de plein d’autres personnes. J’avais envie de leur dire que, parfois, on a l’impression qu’on ne peut pas aller plus loin, qu’on ne peut pas réaliser ses rêves mais que, quel que soit l’endroit d’où l’on vient, tout est possible. Il faut travailler, y croire. Je voulais aussi dire que derrière ce mec rigolo, qui crie par moments, se cache aussi quelqu’un qui doute, qui a eu le sentiment pendant des années d’être totalement différent des autres et se demandait pourquoi il avait l’impression d’être un brouillon de plein de choses.

Vous êtes l’une des rares personnalités françaises à évoquer le fait d’être gay et papa…

Je crois que je suis un des premiers à parler sur scène d’un couple homoparental. J’évoque mes enfants parce que je suis tellement fier d’être papa. Un papa qui est confronté aux mêmes problèmes que n’importe quel autre. Je trouve ça génial car ça m’amène à échanger avec les gens de la vie de tous les jours. Aujourd’hui, on accorde aux questions de la
PMA (Procréation médicalement assistée) et de la GPA une importance qui n’a pas lieu d’être. On a l’impression que c’est quelque chose qui va remettre en cause le fonctionnement du pays alors que pas du tout. C’est encore une fois se demander comment on traite l’information et ce qu’on décide de dire de cette information.

Cela ne vous expose-t-il pas à des réactions hostiles ?

J’ai de la chance car les gens sont vraiment gentils avec moi sur les réseaux sociaux. Souvent, s’ils ne le sont pas, j’engage une discussion pour comprendre pourquoi je peux générer de la haine. Parfois, les gens ont des réactions sans réfléchir à l’histoire. C’est vrai que ça me prend beaucoup d’énergie, mais je tiens à ce que les gens connaissent mon histoire avant d’exprimer un jugement. Se cultiver, c’est aussi important pour faire des choix et prendre des décisions. Evidemment, si j’avais été un humoriste hétérosexuel, je ferais une plus grosse carrière. Je pense qu’il y a encore des gens qui ne voient que ma sexualité et pas du tout qui je suis en tant que personne pour venir me voir en spectacle. Souvent, ce sont les femmes, qui ne sont pas dans les clichés ou les caricatures, qui amènent leurs maris avec elles à mon spectacle. Et ces maris me disent en sortant qu’ils sont agréablement surpris, qu’ils ne s’attendaient pas à ça.

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