Harcèlement sexuel, outrage sexiste ou encore agressions, les femmes sont victimes de violences quotidiennement. Pour les soutenir et les aider à connaître leurs droits, Alexia Lerond a créé un chatbot capable de les rassurer et répondre à leurs questions.
Chaque année, en moyenne, 201 000 femmes se déclarent victimes de violences conjugales mais elles sont aussi fréquemment victimes de violences au travail, de viols ou d’agressions sexuelles.
Pour leur venir en aide, Alexia Lerond a créé en février 2018 l’association Elle Cætera qui utilise les possibilités offertes par le numérique et les nouvelles technologies afin d’améliorer la prise en charge et l’accompagnement des jeunes femmes victimes de violences. En mars 2019, elle a également lancé un chatbot, Lilabot, via Facebook Messenger qui devient un intermédiaire entre les jeunes femmes qui ont subi des violences et les structures d’aide spécialisées.
Pourquoi ce Chatbot ?
Au quotidien, de nombreuses femmes sont victimes de violences que ce soit dans l’intimité ou dans l’espace public, notamment dans les transports en commun. Face au harcèlement, aux insultes ou même à l’exhibitionnisme sexuel, elles ne connaissent pas toujours leurs droits. De plus, elles ressentent souvent de la culpabilité, de la gêne et de la honte à demander de l’aide ou ne savent tout simplement pas à qui s’adresser pour le faire. C’est pour leur apporter cette aide précieuse qu’Alexia Lerond a créé son chatbot. « J’ai voulu créer un outil unique, adapté à la jeune génération, pour les aider et les accompagner dans leur démarche de demande d’aide. C’est à partir de là que j’ai eu l’idée de créer un chatbot sur Facebook Messenger« , nous révèle-t-elle.
Ce robot est un outil qui sert tout d’abord à identifier l’infraction dont l’utilisatrice a été victime. Pour cela, des questions prédéfinies ont été pensées pour qu’en fonction des réponses, le logiciel puisse définir l’agression. Pour parfaitement correspondre aux besoins des victimes, toute l’arborescence du contenu du chatbot a été réalisée par une assistante sociale qui travaille en milieu scolaire. « Souvent, les jeunes femmes se demandent si c’est vraiment une infraction, si c’est de leur faute, elles se disent : ‘Est-ce que je suis vraiment légitime à demander de l’aide ? Ce n’est peut-être pas si grave’. Le chatbot va alors dire : ‘Tu es peut-être victime d’agression sexuelle’, sans rien affirmer car ça reste un robot, mais en mettant des mots sur la situation et en donnant une définition de l’infraction. Ensuite, il va tout simplement la rassurer en utilisant des termes chaleureux pour lui expliquer qu’elle n’est pas responsable. Puis, on va lui proposer en fonction d’où elle se trouve et d’où elle habite des structures adaptées à sa situation. Ce peut-être des associations généralistes, des centres sociaux, des permanences médicales gratuites, on va donner plein d’informations pour que la jeune femme ait envie d’être accompagnée dans ses démarches de demande d’aide« , nous explique Alexia Lerond.
Des victimes souvent très jeunes
Le chatbot peut évidemment être utilisé par toutes les femmes mais il s’adresse surtout aux plus jeunes car sa créatrice souligne que de nombreuses études démontrent que « les violences sexistes et sexuelles se produisent beaucoup chez les jeunes femmes ». « Par exemple, il y a une agression sexuelle sur trois qui s’est déroulée alors que la victime était âgée de moins de 25 ans. De plus, 20% des violences conjugales concernent les 20-24 ans. »
Les structures spécialisées regrettent de ne pas voir les jeunes femmes de cette tranche d’âge les solliciter. « Au sein des associations, internet ne représente que 7% des modes d’orientation vers les structures spécialisées », précise Alexia Lerond. Il était donc important de créer un outil qui s’adresse à la jeune génération et qui récence toutes les structures spécialisées.
« Le chatbot est facile d’accès car il est implanté sur Facebook Messenger que l’on a choisi car c’est une application que beaucoup de jeunes femmes ont d’ores et déjà sur leur smartphone. Il est accessible via la page de l’association Elle Cætera et directement sur l’application Messenger en tapant ‘Elle Cætera’ dans la barre de recherche ou sur le site internet.« , nous renseigne-t-elle en ajoutant qu’il existe également un lien qui peut facilement être partagé pour avoir accès à l’agent conversationnel.
Rassurer les victimes et libérer la parole
La fondatrice de l’association rappelle qu’« il ne faut jamais forcer quelqu’un qui n’a pas envie de parler à parler » mais qu’ »il faut essayer de lui faire comprendre que c’est important pour elle car elle ne se rend pas forcément compte pour l’instant qu’elle a un traumatisme mais il peut y avoir des traumatismes qui arrivent ultérieurement et le fait qu’en parler directement quand on a subi une violence est très important « . « C’est pour cela que cet outil intervient vraiment en amont d’une prise en charge humaine. On va inciter les jeunes femmes à se rendre au sein des associations qui elles vont proposer un accompagnement juridique, psychologique ou social, il y aura alors un véritable accompagnement de la personne par ces associations mais nous, nous ne sommes qu’un intermédiaire entre les victimes et les structures spécialisées. », indique-t-elle.
Si le mouvement #MeToo encourage la prise de parole des victimes de viol et d’agression sexuelle, beaucoup d’entre elles n’osent pas s’exprimer au sujet des violences qu’elles ont subi. Pour Alexia Lerond, cela peut d’abord s’expliquer par le fait que les femmes ne connaissent pas le véritable nom de l’infraction à laquelle elles ont été confrontées. « Si une jeune femme est à une soirée, qu’elle a un peu bu, qu’elle sait qu’il s’est passé quelque chose, elle ne va pas savoir le qualifier juridiquement. Elle ne sait pas vraiment comment ça s’appelle alors, à partir de là, elle va se dire : ‘Peut-être que ce n’était rien, ça n’a même pas de nom, je ne sais pas ce que c’est donc je ne vais pas demander de l’aide’« , confie-t-elle en ajoutant que le fait d’être jeune peut renforcer la peur de « ne pas être prise au sérieux, de se sentir un peu illégitime, d’avoir un peu honte en se disant que c’est un peu de sa faute à elle aussi ». « Souvent les jeunes femmes qui étaient ivres et qui ont subi des violences sexuelles se disent : ‘C’était un petit peu de ma faute parce que j’avais bu, je n’étais pas dans mon état normal, c’est peut-être de ma faute’, ce qui n’est vraiment pas le cas. C’est pour cela que le chatbot identifie l’infraction, il explique bien la violence avec des termes compréhensibles, non juridiques, toujours en essayant de rassurer la victime.« , poursuit-elle.
Alexia Lerond nous confie que si elle voit une personne qui ne trouve pas les réponses à ses questions via le chatbot, elle prend la main. « J’ai une formation de juriste spécialisée dans l’aide aux victimes alors je l’aide à répondre à ses questions et surtout je la réoriente vers des structures spécialisées qui sauront la prendre en charge », nous dit-elle.
Des violences physiques mais aussi psychologiques
Alexia Lerond rappelle que les femmes peuvent être victimes de violences sexistes, sexuelles ou physiques mais aussi de violences psychologiques et que celles-ci sont encore plus difficiles à détecter. Ainsi, il est encore plus dur pour la victime de demander de l’aide. « C’est un véritable engrenage, c’est un véritable cercle vicieux parce que la personne va lui faire du mal psychologiquement et va se rattraper après en lui disant qu’elle est géniale, qu’il l’aime de tout son cœur et recommencer… C’est pour cela que c’est très difficile de prendre conscience qu’on est victime et ensuite de faire la démarche de demander de l’aide. C’est important de le faire. Maintenant, il y a plusieurs outils qui permettent de prendre conscience de cela. », assure-t-elle en prenant notamment l’exemple du violentomètre de la mairie de Paris, initialement créé en Amérique latine. Cet un outil d’auto-évaluation qui permet aux jeunes femmes d’évaluer la toxicité de leur relation.
Le chatbot vise également à ce que la victime puisse prendre conscience que ce qu’elle vit n’est pas normal. « Il peut y avoir une relation conflictuelle qui peut être normale dans un couple mais il peut y avoir aussi une relation violente et ça, ce n’est vraiment pas normal. Le pas peut être franchi très rapidement et on peut ne pas s’en rendre compte.« , affirme la créatrice du robot.
Une hausse des violences suite au confinement
La distanciation sociale instaurée pour endiguer la propagation du nouveau coronavirus s’avère préoccupante pour les femmes. Suite au confinement, les signalements de violences conjugales ont augmenté de plus de 30% partout en France. De plus, dans les rues désertes et les transports en commun peu fréquentés, les femmes se sentent de moins en moins en sécurité dans l’espace public. Beaucoup d’entre elles ont subi le harcèlement ou des agressions sexistes.
En un an, 300 utilisatrices soit une moyenne d’environ 25 femmes par mois ont eu recours au chatbot d’Alexia Lerond. Cependant, elles ont également été plus nombreuses à l’utiliser depuis le début du confinement puisqu’en un mois et demi, ce sont 46 femmes qui ont utilisé l’outil sur Messenger. Pour aider un maximum de victimes, le chatbot a alors été adapté à cette période de distanciation sociale.
« Malheureusement, il y a beaucoup de structures et d’associations qui ne sont plus en mesure de recevoir les victimes ou de les accompagner alors on a recensé sur notre chatbot toutes les structures qui restent actives en confinement en listant notamment les numéros des plateformes téléphoniques ou les chats en ligne« , nous renseigne Alexia Lerond en déclarant qu’en cette période, il est encore plus difficile pour les victimes de violences conjugales d’appeler une association spécialisée sachant que le conjoint peut les entendre car il peut être juste à côté. « Il y a plusieurs dispositifs qui ont été mis en place, le 114 qui permet d’avertir la police par sms, il y a le chat du gouvernement et grâce à notre chatbot, on peut connaître tous ces numéros et ces plateformes. », explique-t-elle.
Venir en aide aux victimes partout en France
Pour l’instant, le chatbot oriente les utilisatrices vers des structures qui se trouvent en Ile-de-France bien qu’il indique les numéros et les chats nationaux pour que les femmes de tout le pays puissent être réorientées vers les structures spécialisées près de chez elles. Alexia Lerond vise à étendre les compétences du chatbot à toute la France. « On vise à ce qu’il soit en capacité d’orienter les jeunes femmes sur l’ensemble du territoire national. On va commencer par 5 grandes villes à savoir Lille, Lyon, Bordeaux, Nantes et Marseille. On veut continuer à répondre au mieux aux besoins des jeunes femmes. On a aussi étendu récemment l’arborescence du chatbot aux cyberviolences c’est à dire que toute victime de cyberviolences peut venir sur le chat, avoir les réponses à ses questions et être réorientée vers les structures spécialisées. On voudrait ensuite faire la même chose pour toutes les violences faites aux femmes », conclut-elle.
Un signe à faire pendant les appels vidéos si l’on est victime de violences conjugales
Votre navigateur ne peut pas afficher ce tag vidéo.
Source: Lire L’Article Complet