Les 24,25 et 26 septembre 2021, les sages-femmes – libérales et hospitalières – étaient en grève. Le samedi 25 septembre, elles sont descendues dans les rues un peu partout en France. C’était la cinquième fois cette année. Ces derniers rassemblements font suite aux annonces du 16 septembre par Olivier Véran, ministre de la Santé, concernant les mesures prises pour aider la profession.
Ainsi, dès janvier 2022, les sages-femmes travaillant à l’hôpital recevront une prime de 100 euros net ainsi qu’une augmentation de salaire de 100 euros brut par mois. Trop peu aux yeux des professionnelles. De plus, la demande d’un statut « sur-mesure » pour cette profession a été refusée. Les sages-femmes garderont, pour le moment, leur « statut médical au sein de la fonction publique hospitalière », a expliqué le ministre de la Santé, Olivier Véran.
Entrevue avec l’une d’entre elles : Anna Roy, sage-femme en Ile-de-France et autrice du livre La vie rêvée du post-partum (avec la collaboration de Caroline Michel, Ed. Larousse). En novembre 2020, elle interpellait déjà les pouvoirs publics en dénonçant le manque flagrant de moyens dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux et accompagnée du hastag #jesuismaltraitante.
Marie Claire : pouvez-vous revenir sur les raisons de cette nouvelle grève ?
Anna Roy : Il y a plusieurs choses. Les conditions de travail sont devenues intolérables. Les sages-femmes sont amenées à prendre en charge beaucoup trop de patientes eu égard à l’importance des actes qu’elles posent. Les patientes vivent les moments les plus importants de leur existence, et elles n’ont pas l’accueil et les soins nécessaires.
Quand on parle de conditions, on parle aussi d’effectifs, qui sont décidés par les décrets de périnatalité. Il faut absolument les revoir, car il n’y a pas assez de sages-femmes.
Sans paranoïa, on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est parce qu’on est des femmes au service des femmes.
La question salariale est absolument intolérable. On nous a donné 100 euros de plus, c’est presque insultant. C’est vraiment ‘On vous donne trois miettes, on espère qu’avec ça vous serez contentes et vous vous tairez’. C’est tellement injuste quand on se dit qu’on gagne 1 700 euros pour tout ce qu’on fait.
Ensuite, la question du statut. Je ne sais pas pourquoi on en discute, cela devient ridicule. Tout le monde sait qu’on est une profession médicale depuis toujours. On ne comprend pas pourquoi ce n’est pas encore reconnu dans les textes et dans les faits. Sans paranoïa, on ne peut pas s’empêcher de penser que c’est parce qu’on est des femmes au service des femmes.
Quelles sont vos revendications ?
On aimerait une amélioration des conditions de travail avec augmentation des effectifs, une augmentation de salaire et un statut qui reconnait enfin notre statut médical qu’on a depuis toujours.
1 femme = 1 sage-femme est toujours une de mes revendications et cela vaut pour beaucoup d’autres sages-femmes. Mais aussi pour beaucoup de femmes. Ce n’est pas délirant, j’insiste. Sur le plan économique, si les Anglais l’ont fait, on peut le faire.
Je sens qu’il y a une grande colère et une grande détermination chez les sages-femmes.
Actuellement, on s’occupe de 3 à 4 femmes avec plus ou moins d’urgences. Nous sommes dans la priorisation de nos actes en permanence. Quand vous avez à choisir entre quelqu’un qui vient d’avoir un bébé, une femme qui accouche sans péridurale et l’autre qui accouche avec péridurale mais qui a perdu son père la veille, cela a des conséquences dramatiques.
Un accouchement, quand il se passe bien, cela donne un sentiment de puissance et de joie tellement intense, qu’il est vraiment dommage que toutes les femmes ne puissent pas en bénéficier. Or, on voit que la plupart sont ‘dézinguées’ par leur accouchement. Elles sont trop seules, elles ne connaissent pas les gens qui les accouchent…
Je sens qu’il y a une grande colère et une grande détermination chez les sages-femmes et je m’en réjouis. On est vraiment décidées à ce que les choses changent.
La crise sanitaire a-t-elle empiré vos conditions de travail ?
Il y a eu une période très dure. Cependant, je voudrais que l’on se calme sur ce sujet, car ce sont les services d’urgence et de réanimation qui ont le plus trinqué.
Quand on a vu la Covid arriver dans le reste de la France, on a eu peur, on s’est demandé ce qui allait nous arriver. On a fait des erreurs. On a laissé mourir des gens seuls, c’était une grave erreur. On a laissé des bébés naître seuls, c’était une grave erreur aussi. Mais dans le cadre de la naissance, on a rectifié tout cela assez vite. Il faut remettre les choses dans leur contexte : c’était une situation exceptionnelle. Mais c’est sûr que cela n’a pas amélioré nos conditions de travail. Nous étions épuisées.
Un appel à la grève et à la manifestation a été lancé par les organisations syndicales de sages-femmes, le 7 octobre prochain.
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