Géraldine Dormoy : "J'avais tant de mal à rêver mon avenir. Je n'étais pas très copine avec l'adolescente que j'étais"

En se plongeant dans ses propres souvenirs, l’autrice Géraldine Dormoy, également collaboratrice de Marie Claire, a revisité son adolescence. Elle la dissèque dans L’âge bête (Ed. Robert Laffont), récit à la première personne mais à la portée universelle.

Le désir, les petites hontes et les joies immenses, les incertitudes et les après-midi d’ennui : tout y est, tout résonne. Rencontre avec une adulte qui a (enfin) fait la paix avec son ado intérieure.

Marie Claire : L’âge bête démarre à votre entrée en 6e et s’achève quand vous décrochez le bac. Pourquoi avoir choisi d’ausculter l’adolescence ?

Géraldine Dormoy : J’ai toujours eu une tendance à l’introspection. L’idée est venue alors que je sortais de l’expérience de la maladie (un cancer du sein, ndlr) et de l’écriture du livre que j’y avais consacré. J’étais de nouveau en bonne santé et j’ai ressenti le besoin de descendre encore plus dans les profondeurs de mon inconscient, à la façon d’une spéléologue. La maladie a eu ce pouvoir de déclencher une écriture introspective.

Tellement de choses se jouent à l’adolescence et cette période sculpte encore l’adulte que nous sommes.

Comment, justement, vous a-t-elle sculptée ?

J’étais très, très coincée. J’avais l’impression que j’étais la seule à ne pas avoir de relations sexuelles avec des garçons. Je n’ai pu en avoir que très tardivement, vers 25 ans. Cette étape était passée depuis tellement longtemps pour tout le monde que je ne pouvais pas en parler alors j’en ai fait quelque chose de tu.

Pendant des années, cela m’a structurée. Ce n’est que grâce à un travail avec un psy que j’ai pu avancer. Mon mari, je l’ai attendu longtemps… jusqu’à ce que je finisse par comprendre que c’était à moi d’aller le chercher et que je finirais bien par le trouver.

Ce livre a-t-il eu des vertus thérapeutiques inattendues ?

Je me trimballais des mauvais souvenirs, des hontes, des micro-hontes… Je raconte ce cours d’anglais, en 6e . Un fou rire incontrôlable me saisit, je fais pipi dans ma culotte, sur ma chaise. Miraculeusement, presque personne ne s’en est aperçu. Je n’en avais jamais reparlé. Pas même à mon psy. En écrivant, j’ai compris à quel point cet épisode était resté imprégné en moi, un peu comme une empreinte originelle.

J’ai l’impression d’avoir fonctionné de cette manière une bonne partie de ma vie d’adulte : en réussissant à sauver les meubles de justesse mais en ayant peur d’être démasquée et de me couvrir de ridicule.

J’ai également revisité l’amitié fusionnelle que j’avais avec Katia, ma meilleure amie de l’époque. Je l’admirais tant, à en être aveuglée. Saisir ce qui s’est joué avec Katia, que j’ai beaucoup aimée, m’a permis de rééquilibrer certaines amitiés aujourd’hui. L’exercice est délicat mais les lignes ont bougé.

Source: Lire L’Article Complet