Food shaming : une diabolisation de certains aliments qui met à mal notre santé mentale

  • Le food shaming, une restriction cognitive
  • Aliments diabolisé et troubles du comportement alimentaire
  • Comment se défaire du food shaming ?

Féculents, aliments gras ou sucrés. Nombreux sont les produits qui sont pointés du doigt car vus comme incompatibles avec une alimentation équilibrée. 

Cette diabolisation a même un nom, le food shaming que l’on pourrait traduire par la « culpabilisation » de la consommation de certains types de nourriture. 

Une tendance qui est personnelle – suivant l’éducation que l’on a reçue et l’environnement dans lequel on évolue – mais qui fluctue également selon l’époque et la pensée commune. 

“Dans les années 80 on diabolisait les glucides avec le fameux régime des sans ‘3p’ – pomme de terre, pâtes, pain -, c’était la chasse aux féculents. Dans les années 90 c’était la guerre au gras et aujourd’hui, on s’attaque au sucre”, affirme Karen Demange, psychologue clinicienne et coach en nutrition. 

“L’idée  de diaboliser certains aliments et de les interdire dans une alimentation n’est pas nouvelle. Généralement, on se trouve un nouvel ennemi quand on prouve que celui que l’on pointe du doigt n’est pas tout noir. Par exemple, on a pu montrer que les matières grasses étaient essentielles à la santé”, illustre Marie Anne Talleux, diététicienne-nutritionniste chez WW. 

Le food shaming, une restriction cognitive 

Malgré tout, ce n’est pas parce que les discours sont moins tranchés et que les preuves scientifiques viennent « déculpabiliser » la consommation de certains aliments décriés qu’ils ne restent pas négativement connotés. 

« On parle surtout des produits riches en sucre, gras, sel. Typiquement la nourriture ultra-transformée ou dite ‘de grignotage' », précise Marie Anne Talleux.

Si une alimentation entièrement composée de ces produits est, en effet, délétère à notre santé, il ne convient pas de s’interdire d’en manger dans le cadre d’un régime alimentaire équilibré. La diététicienne-nutritionniste parle ainsi d’un « rapport détraqué à la nourriture, induit par des restrictions cognitives ». 

« L’exclusion devient déraisonnable, plutôt que d’être vigilant, on exclue directement. On ne sait plus ce qu’on a le droit de manger, ni ce qui est bon pour nous« , complète Karen Demange.

Aliments diabolisé et troubles du comportement alimentaire

D’autant que ces interdictions que l’on s’impose parce que la société les dicte, peuvent être à l’origine, chez certaines personnes, de troubles du comportement alimentaire.

« Forcément, une restriction peut s’accompagner d’une surconsommation. On peut observer plus de ‘craquages’, ce qui induit bien l’idée que l’on s’est retenu, à cause du stress émotionnel. La culpabilité et les pensées négatives associées à certains aliments encouragent le grignotage », prévient la spécialiste de WW.

« Ce sont des tendances qui rendent les gens malades. Il y a quelques années, on n’entendait pas parler d’orthorexie », souligne, de son côté, la psychologue spécialiste de la nutrition.

D’autant que cette culpabilisation peut même se répandre à des « repas entiers ». Ainsi, on parle également de « goûter shaming« , comme le dénonçait la nutritionniste Isa Robinson auprès de Stylist en 2021.

Comment se défaire du food shaming ?

Alors, pour éviter de tomber dans une alimentation où la culpabilité est reine, il convient de se réconcilier avec le contenu de nos assiettes.

« On ne le répétera jamais assez, mais tout est une question d’équilibre sur la semaine. Il faut manger en pleine conscience et profiter de chaque bouchée pour s’écouter. Une alimentation variée c’est : nutriments, vitamines, minéraux et plaisir« , rappelle Marie Anne Talleux.

De son côté, Karen Demange recommande également de passer à l’alimentation intuitive, mais nuance. « C’est difficile de dire ‘faites vous confiance’ à des personnes qui sont dans un rapport conflictuel avec l’alimentation. Quand on a perdu toute notion de ce qui est bon pour nous ou non, c’est complexe. Il faut redonner confiance, et parfois, ça passe par un accompagnement. On va se demander : ‘est-ce que ça a du sens pour moi de manger ça ?' », complète-t-elle. 

D’autant qu’au-delà de se (re)faire confiance, il faut aussi se détacher du regard de l’autre, généralement à la source de la culpabilité.

« Les autres nous jugent pour tout : tu n’es pas raffinée si tu manges un kébab, tu n’es pas viril si tu manges une salade, tu n’es pas écolo si tu manges de la viande… Le plus compliqué, c’est se défaire du jugement d’autrui qui nous stigmatise par l’alimentation. Aujourd’hui, ce qu’on mange est presque devenu notre identité. Alors que cela doit avant tout être un choix personnel », termine la psychologue. 

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