Flanagan, nouveau maître de l’horreur avec « The Haunting of Bly Manor »

Au petit jeu du titre de « maître de l’horreur », un nom revient toujours, presque immédiatement : Stephen King. L’écrivain s’est imposé en littérature bien sûr, mais également au-delà, dans l’imaginaire collectif, sur les petit et grand écrans. Côté cinéma pourtant, d’autres noms viennent à l’esprit : John Carpenter en premier, mais également
Dario Argento, Wes Craven, George A. Romero… Ils se sont d’ailleurs retrouvés, pour certains, le temps d’une série anthologique, la bien nommée Masters of Horror.

Aujourd’hui, plusieurs réalisateurs, et trop peu de réalisatrices (mais la nouvelle génération arrive), peuvent prétendre au titre de nouveau maître de l’horreur, du festif James Wan (Conjuring) au politique Jordan Peele (Get Out) en passant par Mike Flanagan, dont la série The Haunting of Bly Manor, suite spirituelle de Hill House, débarque sur Netflix vendredi.

Adoubé par Stephen King

Le nom de Mike Flanagan n’est pas encore identifié par le grand public, mais le cinéaste américain de 42 ans impose sa marque sur le genre depuis une décennie, avec une constance impressionnante (un film ou une série par an), et une croyance dans l’horreur qui force le respect et fait la différence. Il n’a ainsi pas eu (trop) peur de s’attaquer non seulement à Stephen King mais aussi Stanley Kubrick avec Doctor Sleep, la suite de Shining. « J’étais tellement angoissé à l’idée de me planter qu’il m’est arrivé d’en vomir, confiait-il
à la sortie du film en 2019. J’ai expliqué à King ce que je comptais faire avec les scènes de l’hôtel Overlook et il m’a approuvé. » Des scènes qui reprennent le film de Kubrick à l’identique, ou presque. « Ces références étaient intimidantes, mais indispensables. »

Si Stephen King a adoubé Mike Flanagan sur Doctor Sleep, c’est aussi parce que ce n’était pas la première fois que le réalisateur adaptait l’écrivain, avec Jessie, un huis clos avec son héroïne attachée à un lit, longtemps réputé inadaptable. Pas pour MIke Flanagan qui s’en sort avec les honneurs et les félicitations de King, qui a, c’est vrai, le compliment facile : « hypnotique, horrible, formidable ». Jessie est une exclusivité Netflix, et c’est une autre spécificité de la carrière de Mike Flanagan, sa relation privilégiée avec la plateforme de streaming.

Ne garder que l’essence de la peur

Après plusieurs courts-métrages et face à la difficulté de transformer l’un d’eux, Oculus, en long-métrage, Mike Flanagan décide de réaliser son premier film avec les moyens du bord, soit son argent et un peu de crowdfunding (pour un total de 70.000 dollars). Absentia, c’est son titre, sort en direct-to-video aux Etats-Unis en 2011 dans un relatif anonymat, avant d’être racheté et proposé par Netflix, avec plus de succès. Le service de SVOD sauvera également son film Ne t’endors pas, emmêlé dans des histoires de droits. Entre-temps, le réalisateur a réussi à monter Oculus, The Mirror en France, une histoire de vieux miroir maudit qui mêle passé et présent et qui lui permet d’exprimer toute sa maestria.

Mais le film qui représente peut-être le mieux son cinéma est Pas un bruit, toujours sur Netflix, un home invasion où une écrivaine sourde est muette est attaquée par un tueur masqué dans une cabane au fond des bois. Difficile de faire plus cliché, et pourtant, le film déploie des trésors d’inventivité pour maintenir le suspense, et mettre la pression sur les spectateurs et les personnages. C’est la marque de fabrique de Mike Flanagan, dégraisser au maximum l’histoire, les dialogues, les artifices, pour ne garder que l’essence de la peur, et en fait de l’humain. Avec cette approche, il peut réussir l’impossible, comme transcender la suite d’un mauvais film (la préquelle Ouija : Les Origines), ou adapter les maîtres de l’horreur littéraires.

D’après les maîtres de l’horreur et de la littérature

En plus de Stephen King, le réalisateur s’est ainsi frotté au modèle du genre La Maison hantée de Shirley Jackson, et par extension à son adaptation cinéma La Maison du diable de Robert Wise, avec la série The Haunting of Hill House sur Netflix. Une adaptation très libre, une lecture contemporaine, voire un prétexte pour travailler ses propres obsessions, et proposer autant une série horrifique qu’un drame familial. Il opère de la même façon avec The Haunting of Bly Manor, inspirée du chef-d’œuvre Le Tour d’écrou d’Henry James, et donc d’un autre chef-d’œuvre, le film Les Innocents de Jack Clayton.

« Le cœur de la série est pour moi est de savoir ce qu’est un fantôme, explique Mike Flanagan dans une interview fournie par Netflix. Quelles différentes choses peuvent-ils être, comment sont-ils liés à notre passé, et pouvons-nous coexister avec eux ? Bly Manor continue d’explorer ces questions, mais d’un autre point de vue. » Et d’une autre maison. Une vieille maison dans la campagne anglaise, où une nourrice américaine arrive pour s’occuper de deux orphelins alors que la précédente vient de mourir dans d’étranges circonstances.

« The Haunting of Bly Manor » débarque le 9 octobre sur Netflix.

« Nous voulions une beauté trompeuse pour le manoir Bly »

Si Hill House parlait de perte et de deuil familiaux, Bly Manor évoque plus la perte de l’innocence, la difficulté de grandir, la famille que l’on se construit. La maison aussi a changé, plus lumineuse, plus accueillante. « Nous voulions une beauté trompeuse pour le manoir Bly, raconte le créateur et réalisateur. Qu’il soit aussi ouvert que possible, et qu’il se ferme lentement tel un piège à mouches. Il y a cette belle réplique dans Les Innocents : « Ne vous inquiétez pas si votre chambre semble petite. Les chambres sont plus grandes la nuit » ».

Cette saison convoque d’ailleurs d’autres écrits de Henry James et figures du roman gothique. Le résultat est une œuvre, comme toujours avec Mike Flanagan, où fond et forme s’équilibrent à merveille, jusque dans des tours de force comme l’épisode plan séquence de Hill House et son équivalent (chut !) dans Bly Manor.

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