Particulièrement prisé en accompagnement des PMA, le yoga de la fertilité fait salle comble. Action anti stress, recul de l’endométriose, rééquilibrage hormonal… la jeune discipline tient-elle ses promesses ?
Ne pas se fier au nom indianisant un brin mystique… le fertility yoga dérive d’une démarche scientifique récente et 100% nord américaine. Avant de le formaliser, la docteur Alice Domar consacre des années à mesurer l’impact des modes de vie contemporains sur la fertilité, main dans la main avec l’école de médecine de l’Université d’Harvard. En couronnement de ses recherches, la psychologue de Boston établit en 2010 le lien décisif entre stress et infertilité.
Elle œuvre dès lors à faire acter cette corrélation par le corps médical. En parallèle, elle montre les bénéfices du yoga sur la fertilité des femmes qui s’engagent dans une FIV (Fécondation in Vitro). D’où son idée d’élaborer un programme spécifique s’adressant au corps et à l’esprit des aspirantes à la grossesse. C’est la naissance du fameux fertility yoga : un mix de postures de hatha yoga assorti d’un régime alimentaire et d’un mode de vie qui favorisent la procréation.
Selon une étude de l’Université d’Harvard, les patientes atteintes de troubles de la fertilité (cycles irréguliers, insuffisance ovarienne, syndrome d’ovaires polykystiques, endométriose, etc) et engagées dans une FIV voient leur chance de grossesse bondir de 32% avec la pratique bi-hebdomadaire de ce yoga. Alors, réel stimulateur de fécondité ou énième placebo ?
Une réponse neuve à la baisse de la fertilité
« Ce n’est pas un yoga originel qu’on faisait sous une tente rouge à la pleine lune quand les femmes avaient leurs règles », plaisante Charlotte Muller, première enseignante à avoir diffusé la pratique en France. Quand l’ancienne avocate et juriste décide d’arrêter la pilule à 26 ans, elle traverse une année d’aménorrhée (absence de règles). Le diagnostic tombe vite : elle est victime d’un syndrome d’ovaires polykystiques (SOPK), un trouble qui frappe de plus en plus de femmes. « Première cause d’infertilité féminine, cette maladie touche 1 personne sur 5… contre 1 sur 13 il y a une dizaine d’années », s’alarme Charlotte Muller.
A terme, cette dernière aura probablement besoin d’avoir recours à la PMA pour avoir un enfant. Après un traitement lourd, les menstrues reviennent, extrêmement douloureuses. En se renseignant sur les techniques naturelles pour alléger les crampes liées aux règles, elle croise le yoga de la fertilité. Convaincue par l’approche, elle se forme auprès des trois seules enseignantes à même de la transmettre : aux Etats-Unis, la professeure reconnue Lynn Jensen ; au Canada, Sue Dumais, ayant enseigné au sein du Alice Domar Fertility Center de Boston et enfin l’Australienne Ana Davis, auteure de l’ouvrage Moving with the moon. Alors qu’en France, un couple sur trois rencontre des difficultés de fertilité et un couple sur dix a recours à une stimulation ou une procréation médicalement assistée, la démarche séduit toujours plus de candidates.
Ouverture des hanches et respiration abdominale
Ses séquences posturales spécifiques favorisent les mouvements du féminin ; ceux qui dirigent l’énergie vitale vers le bassin, améliorent l’ouverture des hanches et harmonisent la communication entre la glande pinéale et les ovaires. Les postures activent la circulation sanguine jusqu’au bas ventre et plus particulièrement les ovaires, grâce à une respiration abdominale.
Basse et lente, cette dernière équilibre le mental et le système endocrinien. Elle booste la sécrétion de sérotonine par l’intestin et active le système nerveux parasympathique, ce qui rend la pratiquante plus résiliente à toutes les formes de stress. « On sort très souvent le ventre gonflé d’un cours de yoga de la fertilité. C’est normal et c’est une bonne chose », décrit Charlotte Muller.
Un yoga qui s’adapte au cycle de chaque femme
Particularité du fertility yoga : il se pratique de manière différenciée en début et en fin de cycle. Les femmes dont le cycle est situé entre J5 et J14, juste avant la période d’ovulation, opteront pour le cours dit dynamique, qui cible une mobilité plus soutenue du bassin. L’autre version, plus douce et méditative, est recommandée en deuxième partie de cycle pour celles qui veulent tomber enceinte ou souffrent de problèmes d’endométriose et de douleur ovarienne. « On n’y pratique ni torsion ni compression. En mettant l’accent sur une respiration très basse, le cours calme le mental et apaise les effets hormonaux », pointe Charlotte Muller.
Très à la mode ces temps-ci, le yoga aide à faire baisser les niveau de stress et favorise l’arrivée d’une grossesse chez les couples qui ne souffrent pas d’une cause organique d’infécondité
Ce cours est aussi très prisé de quelques élèves qui ne sont pas en projet de maternité mais, qui sont par exemple sujettes aux problèmes d’endométriose et de règles douloureuses. « Certaines viennent même uniquement en fin de cycle pour se détendre le bas ventre et réduire les crampes menstruelles », complète la jeune femme. Pour une personne souffrant d’uneabsence de règles ou de cycle irrégulier, les résultats se manifestent généralement en deux ou trois cours dynamiques. En cas de dérèglement hormonal sévère, la pratique seule n’est pas suffisante mais apporte de l’aisance dans le bas ventre.
Idéal en amont d’une FIV
« Il n’est pas question d’arrêter les FIV mais de pratiquer le fertility yoga en complément », cadre Charlotte Muller. D’après une étude menée par l’Université de Florence, l’élève arrive progressivement à gérer son niveau de stress avec des positions propres à la fertilité. Le moment venu, quand les hormones sont difficiles à supporter et que le moral est bas, elles savent respirer, se mettre dans un état d’esprit et une posture où le stress n’a pas de prise. Voilà qui explique qu’aux Etats-Unis, le yoga de la fertilité est désormais régulièrement pratiqué trois mois en amont d’une FIV ou d’une insémination artificielle, afin d’en optimiser les chances.
« Le constat vaut aussi pour celles qui tentent d’avoir un enfant par voies naturelles, malgré un diagnostic alarmant de leur gynécologue, par exemple après 35 ans. Elles tentent ce yoga avant de s’engager dans une stimulation médicalisée de leur fertilité… et tombent souvent enceintes en trois mois », détaille Charlotte Muller. Celle-ci ayant réussi, après plusieurs années de FIV malheureuses, à faire un bébé… en enseignant le fertility yoga. Pour elle, la discipline induit un équilibrage hormonal bienvenu. « Chaque séance se clôt par une méditation ciblée sur la glande pinéale (le fameux troisième œil ou sixième chakra) qui, alliée à la respiration basse, stimule l’énergie au niveau des ovaires mais aussi la production d’hormones ».
Diminuer le stress et augmenter la qualité de vie
Pour le Dr Sylvia Alvarez, le yoga améliore sans conteste le résultat des FIV mais on est loin d’avoir démontré que la seule pratique fait reculer l’infertilité, ou aurait une action hormonale. « Très à la mode ces temps-ci, le yoga aide à faire baisser les niveau de stress et favorise l’arrivée d’une grossesse chez les couples qui ne souffrent pas d’une cause organique d’infécondité », précise la gynécologue obstétricienne qui exerce à la clinique de la Muette. L’experte en infertilité du couple travaille depuis quinze ans sur les modes de vie, en particulier les effets des substances toxiques et perturbateurs endocriniens.
Il s’agit de la rassurer à chaque étape de ce parcours et de ses aléas, qu’elle vit le plus souvent comme une course contre la montre et dans une grande insécurité émotionnelle
« Le tabac, une consommation excessive de sucre, de sel, de cannabis ou d’alcool, le surpoids, le manque de sommeil et même une activité sportive de trop haute intensité diminuent la fertilité », expose Sylvia Alvarez. La professionnelle a dirigé en 2012 une étude majeure du groupe Procréanat sur le sujet. Ainsi des couples en projet de FIV ont-ils accepté d’investir pendant trois mois sur leur qualité de vie en pratiquant acupuncture, yoga et alimentation saine. Résultat : une hausse de 30% des grossesses. « Les pratiques holistiques comme le yoga, l’ayurveda ou l’acupuncture peuvent apaiser les enjeux émotionnels se manifestant souvent pendant les consultations liées à l’infertilité et œuvrer à l’amélioration de la fécondité », dit la gynécologue. On se dirige incontestablement vers l’émergence d’une approche holistique de la fertilité.
S’adresser à nos corps physique, mental et émotionnel
Dans l’ouvrage PMA et médecines complémentaires(Ed. Dangles), Martine Depondt Gadet pousse le raisonnement un peu plus loin, éclairée par 30 ans d’expérience dans l’accompagnement de couples en quête de fertilité. « A l’époque, je pratiquais l’acupuncture et j’ai réalisé que cette branche de la Médecine Traditionnelle Chinoise (MTC) augmente la fertilité mais qu’elle ne créait ou ne renforçait pas forcément le lien mère-enfant », se remémore la spécialiste en échographie obstétrique passionnée par les processus de la conception et de l’enfantement.
Elle se penche alors sur les bienfaits du qi gong de la femme et d’autres médecines complémentaires, précieuses avant, pendant et après la PMA. La PMA : Un terme froid, jargonnant et scientifique, pouvant conduire la future mère à se sentir réduite à un simple ovocyte à féconder, aggravant son sentiment de dévalorisation. Pour la thérapeute : « elle peut se percevoir comme une simple machine à construire du bébé, alors qu’a contrario, les médecines holistiques s’adressent à la fois à nos corps physique, mental et émotionnel ». En diminuant le stress de dévalorisation et de vulnérabilité, elles apaisent la future maman, augmentant le pourcentage de réussite des PMA.
Libérer des infertilités psychologiques et traumatiques
En amont de la PMA, ces approches permettent parfois de l’éviter en levant les barrières psychologiques et les traumatismes qui ont pu entraver sa fécondité de manière psychique. En tête, les IVG ou les abus sexuels. Pendant la PMA, elles permettent au couple d’accepter les contraintes de la prise en charge en lui apportant l’énergie et le mental pour y faire face. Les médecines complémentaires aident aussi la future mère à construire un lien sécurisant avec son bébé, in utero et après la naissance. Martine Depondt Gadet le dit clairement : « Il s’agit de la rassurer à chaque étape de ce parcours et de ses aléas, qu’elle vit le plus souvent comme une course contre la montre et dans une grande insécurité émotionnelle ».
La thérapeute a mis au point un accompagnement inédit qui fait appel à l’acupuncture, l’EFT (Emotional Freedom technique) ou encore l’hypnose ericksonnienne et bien sûr des exercices de qi gong (des bercements synchronisés avec le souffle). Ses publications sur le sujet ont été relayées par l’UNESCO. Les petites méditations proposées sur youtube rendent les futures mères actrices de leur fécondité en leur enseignant à « faire leur nid » via des respirations et des visualisations.
Les mouvements offrent de se réconcilier avec le périnée et, dans le cas d’endométriose, de nettoyer le chakra du bas. Pendant les stages, il s’agit de se réapproprier notre ventre, réchauffer la zone du bassin qui fait peur. Dessins et visualisations font partie intégrante du travail : « redonner de la beauté à ces organes génitaux intérieurs est essentiel. On peut par exemple imaginer un arbre fruitier, reproducteur, avec des beaux fruits (les gamètes), non envahi par le gui (l’endométriose) », illustre joliment la thérapeute. Le pouvoir de l’intention est immense.
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Remerciements à Charlotte Muller, à Martine Depondt Gadet et à la Dr Sylvia Alvarez, présidente de Sampil.
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