Fatigue, lassitude, irritabilité… Êtes-vous au bord du burn out émotionnel ?

Après le télétravail et la fermeture des écoles, la crise économique à venir diffuse l’angoisse et l’incertitude partout. Au bureau, il faut sans cesse s’adapter et accoucher d’idées neuves. Le tout, sans céder à la panique. Pour éviter la surcharge et le craquage nerveux, quelques réflexes s’imposent.

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L’incertitude et le changement permanent semblent être devenus la norme. Comment en douter alors que les derniers mois ont été une longue succession de crises, dont aucune ne semble résolue ? Ce contexte changeant exige de s’adapter en permanence, de redoubler de créativité, d’innover pour rebondir… Mais rester agile, dans des journées en flux tendu où le temps manque pour digérer les rebondissements, peut donner, à terme, la sensation de perdre pied. «La charge affective est comme un réservoir qui se remplirait d’émotions et de pensées, qu’elles soient agréables ou non», explique Charlotte Wils, psychopraticienne, coach et co-auteure de La charge affective : comment éviter le burn-out émotionnel (1). «Selon ce qu’il contient, ce réservoir va colorer notre humeur et nos interactions.» L’annonce d’un mariage, une délicieuse escapade en couple, mais aussi le mot désobligeant d’un collègue ne glissent pas sur nous comme l’eau sur les plumes d’un canard. Ils nous chargent d’émotions qu’il faut apprendre à réguler et à apaiser. D’où le risque de frôler le burn out émotionnel, notamment pour les femmes, qui se sentent souvent responsables du bien-être psychologique de leur famille.

Heureusement, on peut soigner son hygiène émotionnelle, comme l’appelle Charlotte Wils. «Anticiper permet d’éviter que le réservoir déborde, encourage-t-elle. L’idée est de s’observer, attentivement, et de choisir les lieux, les relations, les environnements qu’on fréquente pour privilégier ceux qui nous font du bien.» D’apprendre à se connaître, en somme.

Entendre la saturation

D’une série Netflix à un dîner entre amis en passant par un (grand) verre de vin après une journée difficile, les stratégies d’évitement au quotidien ne manquent pas. Problème : elles ne résolvent rien. «Il est important de se scanner régulièrement, de se demander comment on se sent», explique Charlotte Wils. S’asseoir, mettre la spirale du temps sur pause, et passer ses sensations en revue : une raideur dans la nuque, une boule d’angoisse dans le ventre, un agacement inexpliqué… Au passage, pourquoi ne pas en prendre note ? Écrire ce qu’on ressent est un excellent moyen d’en prendre conscience. «Cela n’a rien de narcissique, c’est une façon de regarder en face les signaux d’alerte d’une surcharge émotionnelle.» Des symptômes qu’on apprend trop souvent à balayer, de peur qu’ils nous ralentissent, et qu’on finit par traîner comme un boulet. L’enjeu est d’apprendre à les observer, mais aussi d’y répondre. Une longue marche pour s’aérer l’esprit ? Un dîner hebdomadaire avec cette amie qu’on voit trop peu ? Un film en solitaire ? À chacune ses clés pour décompresser. L’essentiel est surtout de découvrir les siennes, et de choisir de les appliquer. Prendre le temps d’organiser un dîner entre amis, refuser d’aller à une fête, choisir d’être seule avec un livre… Qu’importe comment, mais faire des choix, pour soi.

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Redescendre dans son corps

Cette introspection est la première étape pour se concentrer sur son corps, sur ce qu’on ressent vraiment et pas sur ce qu’on imagine. Notre cerveau est doué pour écrire des scénarios catastrophes, dans lesquels une petite erreur au travail nous mènerait droit dans le bureau d’une direction furieuse. D’où l’importance de mettre notre turbine interne sur pause. «Nous avons en nous la capacité naturelle à traiter les informations liées à chaque émotion que nous vivons, assurent les Charlotte Wils et Saverio Tomasella, pourvu que nous laissions faire notre corps, sans intervenir avec notre mental, nos idées, nos croyances, nos jugements.» Inutile de se rejouer en boucle une discussion houleuse avec une amie ou de bâtir un bataillon de scénarios catastrophes pour le rendez-vous professionnel du lendemain. Mieux vaut faire avec le réel plutôt qu’avec ses angoisses.

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Changer de perspective

Nos croyances sont souvent ancrées profondément, et à raison. «Elles reposent toujours sur une logique et peuvent être bien utiles», admet Charlotte Wils. Vous êtes persuadée qu’il vous faut travailler 72 heures par semaine pour atteindre vos objectifs ? Tant mieux, cela veut dire que vous saurez vous démener lorsque ce sera nécessaire. Mais ça ne peut pas être un mode de fonctionnement permanent. «S’il ne s’agit pas de se débarrasser de nos croyances, il est important de les assouplir», précise notre spécialiste. Par exemple en apprenant à arrêter de travailler tôt sans angoisser ni culpabiliser. Problème : il n’est pas simple d’aller contre nos convictions profondes tant elles régentent nos choix quotidiens. En tout cas, pas sans suivre une thérapie. «Elle ne sera pas forcément aussi longue et laborieuse qu’on l’imagine. On peut se tourner vers un psychologue mais aussi vers l’art, la danse, le théâtre, la peinture…» Tout ce qui nous permet de changer de perspective. «Les gens en burn-out sont enfermés dans leur propre système, pris au piège de leurs croyances, de leur fonctionnement répétitif, explique encore Charlotte Wils. À force, ils n’ont plus le temps, ou bien sont trop pris par la peur, pour regarder ce qui se passe ailleurs.»

Communiquer autrement

Et l’ailleurs, ce sont d’abord les autres. Collègues, amis, proches… Notre sérénité se construit aussi, si ce n’est d’abord, avec eux. D’où l’utilité de la communication non violente, qui repose sur des réflexes simples pour éviter qu’une discussion se transforme en ligne à haute tension. D’abord, exprimer des besoins plutôt qu’adresser des reproches. «Dire à un collègue « j’aurais besoin que tu clarifies certains passages de ton compte-rendu » plutôt que « c’est incompréhensible, ce n’est pas ce que nous avions convenu »», précise notre experte. Ensuite, toujours dissocier le comportement de la personne. Ce n’est pas parce que votre collègue est arrivé trois fois en retard cette semaine qu’elle est intrinsèquement retardataire – ou en tout cas, rien ne sert de lui dire. Autre point-clé : essayer de comprendre les besoins de l’autre et se demander comment y répondre, plutôt que porter un jugement.

Embrasser le changement

In fine, l’objectif est d’accepter que les moments de doute et d’angoisse sont inévitables… Mais passagers. «C’est la métaphore du homard, illustre Charlotte Wils. Cet animal doit régulièrement quitter sa carapace, devenue trop petite, pour s’en fabriquer une nouvelle. S’il n’en sort pas, il s’asphyxie et meurt.» Nous sommes comme lui : de temps à autre, on a besoin d’un changement. L’identifier et surtout l’aborder sereinement ne s’improvisent pas. Apprendre à changer est un travail de longue haleine, une hygiène quotidienne. «Mais elle est précieuse : on devient alors capable de regarder ce qui ne va pas, on ose l’affronter et faire l’ajustement nécessaire, encourage Charlotte Wils. C’est comme comme ça qu’on évolue au fil de notre vie.» Et qu’on affirme sa liberté.

(1) La charge affective : comment éviter le burn-out émotionnel, de Saverio Tomasella et Charlotte Wils, Larousse, 272 pages, 14,95 €.

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