Tel un immense tulle interne, les fascias connectent tout en nous. Une thérapie manuelle agit sur ces membranes conjonctives pour apaiser symptômes et tensions.
Avec Christian Courraud et Nancie Nardone, fasciathérapeutes
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Imaginez une toile translucide, tissée sous la peau, enveloppant et traversant tout notre corps : vous avez une idée de ce que sont nos fascias. Encore récemment, on pensait que ce tissu conjonctif était inerte et inutile. Le corps médical l’ignorait. On découvre aujourd’hui qu’il soutient, protège et permettrait même une forme de communication à l’intérieur de l’organisme. Sensible à toutes formes de stress, il pourrait avoir un rôle dans nombre de nos maux. Un fascia particulièrement tendu serait susceptible de perturber par répercussion le fonctionnement d’un organe, même éloigné. D’autant que l’ensemble des fascias semble ne former qu’une seule et même entité : un organe à part entière.
Certains médecins conseillent désormais d’en prendre soin, à travers le yoga ou le Pilates, par exemple. Pour aller plus loin, il faut se tourner vers la fasciathérapie. Elle utilise de douces pressions sur l’ensemble du corps pour débloquer et rendre à ces tissus leurs propriétés : élasticité, contractilité et plasticité. Un moyen d’éviter que le mal ne s’installe.
Elle pourrait soigner notre dos
L’une des origines du « mal du siècle » pourrait bien être nichée dans les fascias. Dans la zone lombaire notamment, celui-ci est très innervé, « ce qui lui confère des propriétés sensitives probablement impliquées dans la lombalgie, » comme le soulignent de récents travaux. L’association Fascia France mène actuellement une étude clinique sur 180 patients atteints de lombalgie commune chronique. Elle compare l’effet de séances de fasciathérapie à celui de la kinésithérapie et à l’action conjointe des deux techniques. Résultats attendus à l’automne 2023. Déjà, de nombreux soignants ont pris l’habitude de stimuler les fascias, en plus du traitement classique.
Comment ça marche ? Les mains du thérapeute « écoutent » les subtils micromouvements du corps. C’est ce dialogue sensitif qui va guider ses gestes. Objectif : rétablir l’ensemble des fonctions des fascias. « On apprend aussi au patient à travailler l’auto-grandissement et les étirements en général« , précise le fasciathérapeute Christian Courraud.
Elle s’attaque à la fibromyalgie
Cette maladie chronique, complexe, reste largement inexpliquée et mal comprise du corps médical. Les symptômes sont variés, mais douleurs, profonde fatigue, troubles du sommeil et anxiété sont généralement au rendez-vous. Certains chercheurs pensent que l’inflammation des fascias pourrait en être la cause.
Comment ça marche ? Loin d’être une baguette magique, la fasciathérapie peut amener un certain apaisement et surtout une meilleure conscience de son corps et une plus grande confiance. « Le toucher relationnel, centré sur la personne, est perçu comme une aide précieuse pour mieux vivre la maladie« , résume Christian Courraud, qui conseille de pratiquer aussi de la gymnastique sensorielle et de la méditation.
Elle allège le poids des chocs émotionnels
En plus d’être élastique, le fascia serait « intelligent ». « Il gère les informations physiques, psychiques et émotionnelles du corps », explique Nancie Nardone, fasciathérapeute à Nérac (Lot-et-Garonne). Quand on a peur, le ventre se serre : le fascia se contracte pour protéger les organes. « Lorsque le stress passe, le tissu retrouve sa place initiale, mais si le choc est trop important ou répété, il ne se détend plus, le mouvement s’altère. Et c’est le cercle vicieux. Quand ils sont contractés et tendus, les fascias provoquent un raccourcissement de la respiration, ce qui contribue à l’anxiété« , explique le Dr Daniel Fenster, auteur de Libérez vos fascias (éd. Médicis).
Comment ça marche ? « Lorsqu’un choc émotionnel est évoqué, j’entame l’exploration au niveau du thorax : c’est souvent là que les tissus se sont densifiés, indique Nancie Nardone. Ou dans la zone du cou, du cœur, du ventre, voire du crâne. » Ensuite, les mains cheminent, en fonction de la « réponse » du corps, qui va rester mou, s’effondrer ou montrer de la résistance. « Quand le fascia se libère, le corps se détend. La personne ressent une sensation d’étalement« , précise la thérapeute. La fasciathérapie n’efface pas le choc d’origine, mais permet au corps de retrouver davantage d’équilibre.
Elle est efficace mais ne convient pas à tous
Si la fasciathérapie ne peut rien sur l’eczéma ou le psoriasis, elle permet d’apaiser nombre de maux. Cependant, elle fonctionnera mieux sur des personnes actrices de leur santé et sensibles à un travail intérieur. « Quand on ne ressent rien du tout ou que la méthode ne nous parle pas, mieux vaut arrêter, » conseille Nancie Nardone.
Comment ça marche ? Comme pour toute thérapie, le choix du praticien est crucial : il faut que le courant passe. L’association Fascia France référence la majeure partie des personnes formées (fasciafrance.fr). Écoutez le bouche-à-oreille et restez attentive à votre première impression.
Elle est utile en prévention
Lorsqu’on a souffert de douleurs aiguës (dos, sciatique…), il est bon de continuer à entretenir ses fascias pour éviter une nouvelle crise. Un ou deux rendez-vous annuels suffisent. On garde ainsi un contact encore plus profond avec ses sensations internes. Et si quelque chose se bloque, on sera plus réactif.
Comment ça marche ? En plus de la séance de toucher, le thérapeute fait un peu de pédagogie qui améliore notre compréhension et notre attention au corps. On repart souvent avec quelques exercices de maintien à effectuer.
Trois questions à Christian Courraud, fasciathérapeute
Cette pratique est-elle reconnue en France ?
Non. L’ordre des kinésithérapeutes réfute aussi bien l’ostéopathie que la fasciathérapie. À l’étranger, le regard des pairs est très différent. La Suisse, par exemple, l’a reconnue comme une thérapie complémentaire.
Quelle est la différence entre la fasciathérapie et un massage ?
Ici, le toucher est moins centré sur le bien-être physique que sur la personne. On ne manipule pas, on crée des conditions pour que le corps réagisse et, en fonction de ça, on adapte le tonus et la profondeur du geste.
Qui consulte un thérapeute spécialisé en fascias ?
Certaines personnes viennent en prévention, pour entretenir leur vitalité, ou juste pour du bien-être. D’autres consultent pour un problème de santé aigu qui peut généralement être soulagé en quelques séances. Enfin, des malades chroniques (cancer, sclérose en plaques…) peuvent utiliser la fasciathérapie pour accompagner leur traitement. Elle constitue alors un soin de soutien destiné à améliorer leur qualité de vie.
Merci à Christian Courraud, fasciathérapeute, directeur du Centre d’étude et de recherche appliquée en psychopédagogie perceptive (Cerap) et auteur de « Fascias, le nouvel organe-clé de votre santé » (éd. Leduc) et à Nancie Nardone, fasciathérapeute.
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