Hasard ou coïncidence, lors de l’appel à témoins concernant ce sujet, nous n’avons eu que très – très – peu de réponses. À croire que ce n’est pas un sujet, le sexe pendant les règles. Et pourtant, en creusant un peu, on se rend compte que ce mutisme d’apparence cache en réalité une gêne inexplicable.
Si la parole tend à se libérer autour des menstruations, la sexualité en pleine période de règles est encore trop rarement abordée. Elle semble même être taboue pour de nombreuses personnes.
L’amour pendant les règles face aux légendes urbaines
“Dans un nombre non négligeable de peuples primitifs, des questions religieuses et/ou sociales conduisent à une abstinence pendant les règles”, débute la sexologue et psychiatre parisienne Dr Anne-Marie Lazartigues. “Cette interdiction semble fondée sur l’idée que ce serait effectivement “sale” de faire l’amour à ce moment-là, voire que ça ne serait pas bon pour la santé. » Certains encore y voient une manière de doper la fertilité du couple : « le fait de ne pas avoir de rapport sexuels pendant les règles pourrait, selon la légende, permettre d’augmenter la quantité de spermatozoïdes contenus dans le sperme et ainsi optimiser les chances de concevoir lors des rapports suivants, ceux qui vont avoir lieu pendant la période d’ovulation”, complète la professionnelle, qui souligne des croyances sans fondements scientifiques ainsi que l’absence de dangers ou de contre-indications à pratiquer le sexe pendant les règles.
“Votre vagin est en réalité plus ouvert et réceptif à cette période. C’est même le moment de tenter des positions qui ne fonctionnent pas très bien habituellement !”, argumente Carlen Costa, sexologue américaine dans un article de Glamour.com.
D’autres experts, comme Emily Morse, la fondatrice du podcast Sex with Emily, avancent que, pour des raisons hormonales, il serait plus simple d’atteindre l’orgasme lors de la pénétration ou de la masturbation pendant nos règles. Une (très) bonne raison de se laisser tenter et de transcender les préjugés, à laquelle s’ajoute tout un tas de bénéfices trop souvent sous-estimés. Et pour cause, qui dit sexe, dit plaisir, contribuant à la libération d’hormones venant elles-même adoucir les désagréments menstruels. “L’orgasme va venir stimuler votre production de substances chimiques “feel good » comme l’ocytocine, la dopamine et les endorphines qui sont des anti-douleurs naturels pouvant nous soulager des maux de ventre et sensations de ballonnements », continue Carlen Costa dans le même article.
Des tabous hérités et intégrés par les principales concernées
Mais avec autant de bienfaits répertoriés, comment se fait-il que le sexe menstruel soit si peu pratiqué ? “D’après mon expérience, ce sont souvent les femmes qui refusent de faire l’amour pendant leurs règles”, avance le Dr Anne-Marie Lazartigues. “La plupart des hommes que j’ai vu en consultation n’ont pas d’a priori dans ce domaine et passeraient outre bien volontiers…”, poursuit-elle.
Un constat que tendent à confirmer les différents témoins masculins que nous avons interrogés. “Les freins je les ai toujours eu côté femmes. Jamais de mon fait”, lance, par exemple, Jérémy*. “Avec mon ex, par exemple, nous sommes restés ensemble deux ans et demi et elle n’a jamais voulu : elle avait mal au ventre d’une part – ce que je peux tout à fait comprendre bien entendu – mais elle avait aussi une gêne plus générale vis-à-vis de ses règles que j’avais du mal à cerner”, ajoute-t-il.
Romain – célibataire endurci et adepte assumé des relations d’un soir – note de son côté que les femmes ont tendance à lui demander l’autorisation pour aller plus loin lorsqu’elles sont “indisposées”. “Une fois, une fille m’a dit qu’elle avait très envie de moi et m’a demandé si le fait qu’elle ait ses règles me dérangeait. Comme par politesse. Elle semblait vraiment mal à l’aise”, se souvient-il.
Une gêne qui semble héritée de situations culpabilisantes, avec d’autres partenaires moins ouverts sur la question, puis intégrées comme normales. Elodie, 28 ans, explique dans un article de l’Express avoir été confrontée à des partenaires peu enclins à faire l’amour pendant ses règles. “À chaque fois, j’ai eu le droit à sa mine de dégoût, ce qui n’était pas franchement agréable », raconte-t-elle après avoir eu quelques rapports sans savoir que ses règles allaient arriver à ce moment-là.
Avant tout une question de confort et d’envie
Si les injonctions intériorisées apparaissent comme une part importante de la non pratique du sexe menstruel, d’autres raisons émergent. Quand on demande aux intéressées -les personnes qui ont des menstruations-, pourquoi elles n’ont pas de relations sexuelles pendant leurs règles, c’est bien la question du confort et de l’envie qui ressort.
“De mon côté, c’est une période dans laquelle je veux prendre du temps pour moi, me sentir à l’aise dans mon corps. Pas vraiment un moment où je cherche à me sentir désirable. C’est une période où je ne veux pas me confronter au regard de l’autre”, confie par exemple Melissa*, 30 ans. Un besoin de se centrer sur soi que partage Johanna, 34 ans. “Durant cette période et même un peu avant j’ai trop mal au ventre, je suis trop fatiguée et je n’ai aucune libido. C’est vraiment la dernière chose qui me donnerait envie. Dans ce contexte, il est vraiment compliqué d’envisager quoi que ce soit”, abonde la trentenaire.
C’est une période dans laquelle je veux prendre du temps pour moi, me sentir à l’aise dans mon corps. Pas vraiment un moment où je cherche à me sentir désirable.
« Moi je n’ai jamais fait l’amour pendant mes règles, parce que de manière générale, j’en ai vraiment pas envie. D’une part, je suis souvent dans un mood « bien qu’avec moi-même » et d’autre part – je sais c’est bête – je n’ai absolument aucune envie de devoir changer les draps, etc. Ma charge mentale menstruelle est suffisamment forte pour que je n’ajoute pas une dose de sexe par-dessus ! », confie à son tour Emma, 33 ans.
Puis c’est au tour de Lucille*, 32 ans, d’ajouter sa pierre à l’édifice : “Pour moi, le sexe pendant les règles, c’est ni oui, ni un non définitif. C’est au feeling surtout. Par contre, aucun dégoût ni de mon côté, ni de celui de mon partenaire, qui se charge généralement de m’acheter mes protections hygiéniques quand il fait les courses. Pas de tabou entre nous à ce sujet, c’est naturel. C’est donc venu tout aussi naturellement le jour où l’envie s’est présentée en même temps que mon cycle. Surtout qu’à l’époque, j’avais une libido exacerbée pendant mes règles. Aujourd’hui, je préfère être seule avec moi-même à cette période”. La trentenaire se souvient toutefois avoir demandé à son partenaire, au début de leur relation “si ça ne le dégoutait pas ».
Preuve qu’il est bien ancré dans nos esprits que les règles sont trop souvent perçues comme quelque chose de sale, par les hommes d’une part mais aussi par beaucoup de femmes. Le travail de déconstruction des idées reçues concernant les menstruations reste donc d’actualité. Et une fois accompli, nous pourrons enfin être libres de dire si oui ou non, on a envie de faire l’amour pendant nos règles.
Seule précaution à prendre avancer de sauter le pas ? Utiliser un préservatif, le sexe pendant les règles pouvant conduire à une grossesse non désirée ou à l’apparition d’une infection/maladie sexuellement transmissible, y compris dans le cadre d’une relation de couple sérieuse et engagée. Une mesure d’autant plus importante à prendre que la muqueuse utérine est, en temps de règles, particulièrement vulnérable aux agressions extérieures.
Pour le reste, on vous laisse prendre le soin d’oser… ou d’y renoncer, si le cœur n’y est pas. En matière de sexualité, nous ne le répèterons jamais assez : il ne faut pas se forcer, mais bel et bien s’écouter.
* Tous les prénoms ont été modifiés
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