F-Factor Diet, un régime au coeur de la controverse

Rares sont les régimes et autre méthode minceur qui ne font pas polémique. Pourtant le F-Factor Diet, conçu par la diététicienne américaine Tanya Zuckerbrot et dont le livre explicatif est sorti en 2006, était jusqu’à présent passé entre les gouttes : son concept misant avant tout sur les aliments riches en fibres et en protéines maigres avait convaincu des milliers de personnes, notamment aux États-Unis. 

La promesse : une perte de poids durable, sans effet yoyo, et pas de sensation de faim grâce à des aliments rassasiants. Sans compter que le régime prône une flexibilité importante permettant à celles et ceux qui le suivent de continuer à pouvoir manger à l’extérieur et même à s’autoriser un verre d’alcool de temps en temps, sans faire de sport. Le tout enrobé d’un design vert et blanc, connoté santé et bien-être.

Un tableau trop beau pour être vrai ? Très certainement. 

F-Factor drama 

Régulièrement interrogée en tant qu’experte nutrition à la télévision ou dans les journaux, Tanya Zuckerbrot – qui est également la diététicienne officielle de l’Organisation Miss Univers – a vu son tableau s’assombrir cet été. En cause, des révélations faites par Emily Gellis Lande, une influenceuse new-yorkaise, qui a partagé des messages d’anonymes sur son comptes Instagram, laissant entendre que le régime F-Factor était dangereux pour la santé. Éruption cutanée, douleurs abdominales, saignements dans les selles… autant de symptômes révélés par des anonymes.

Le New York Times, qui a publié un article sur cette affaire fin août, est entré en contact avec certaines de ces plaignantes anonymes, qui ont bien voulu partager leur dossier médicaux ou leur relevé de carte bancaire (certaines clientes ont dépensé près de 20 000 dollars, ndlr), pour étayer leur propos. Car en plus de la philosophie même du régime F-Factor, c’est le marketing fait autour, les produits dérivés mais aussi les poudres et autres barres protéinées qui sont pointés du doigt.

Contactée par les médias, Tanya Zuckerbrot nie en bloc toutes les accusations : selon elle, Emily Gellis Lande n’est pas médecin et sa voix, même en tant que relai d’autres femmes, n’aurait aucune valeur. La spécialiste de la diététique dit ne pas comprendre non plus ces plaintes, alors même qu’elle compte plusieurs centaines de milliers de clientes, et ce depuis de nombreuses années. “Elle pense qu’elle aide les gens et que le style de vie que je prône, empoisonne tout le monde et peut entraîner de l’anorexie. Mais c’est une blogueuse de mode. Elle ne travaille pas pour l’Organisation mondiale de la santé […] Mais il s’agit d’une jeune femme qui n’a aucun diplôme en santé et bien-être ni aucune expérience médicale ou clinique. La fille vend des vêtements pour gagner sa vie », a déclaré Tanya Zuckerbrot dans le New York Times

F-Factor diet : comment ça marche ?

Au-delà de la polémique, le régime F-Factor est une méthode qui semble s’appuyer sur des vérités nutritionnelles. Il se base principalement sur l’absorption de fibres et de protéines, qui sont des éléments rassasiants. Une donnée que valide Florence Foucaut, nutritionniste à Paris. “Les grands principes de cette méthode ne sont pas faux à proprement parler, explique-t-elle. Oui, les fibres sont plus rassasiantes. Oui, les protéines aussi, et les deux ne contiennent pas énormément de calories. Sauf que cela ne suffit pas pour constituer un équilibre alimentaire, loin de là. Sans compter que trop de protéines crée des problèmes au niveau des reins et que les fibres, peuvent être extrêmement irritantes pour le système digestif”, alerte l’experte. 

Pour ce qui est du fonctionnement précis, la méthode est assez opaque : sur le site du programme, il n’existe pas de détails sur des possibles phases ou des menus-types. Seuls sont mis en avant les grands principes du régime, à savoir donc les fibres et les protéines. 

Et c’est sans compter que les grands principes de fonctionnement ne semblent pas être compatibles avec une bonne hygiène de vie. Sur le site de la méthode, on peut lire qu’elle se base sur “quatre principes, qui sont au cœur de F-Factor : Mangez des glucides, Dîner à l’extérieur, Boire de l’alcool, Entraînez-vous moins”. Alors pour les glucides, rien à dire. Pouvoir dîner à l’extérieur, soit, c’est mieux pour la santé mentale. Par contre, pour la partie “plus d’alcool” et “moins de sport”, cela laisse tout de même dubitatif. 

Les limites et dangers du régime F-Factor 

Sans pouvoir avoir une vision globale sur le programme, difficile en réalité d’apporter un jugement précis. Pour autant, certains éléments “publics” peuvent déjà être contestés. 

Première chose, un “régime” qui ne s’adapte pas à la personne pose un premier problème. “C’est important quand on veut réapprendre à manger ou perdre du poids d’être accompagné”, explique Florence Foucaut. L’experte précise qu’un suivi diététique doit se faire en fonction de la physiologie du patient, mais aussi de ses habitudes de vie et fondamentalement de ses goûts. De fait, une méthode proposée par un site internet/livre, qui n’est pas suffisamment flexible, constitue une première limite. 

Ensuite, de manière plus précise, l’abondance des fibres dans cette méthode, peut mettre à mal la santé des intestins. Ainsi Florence Foucaut ne s’étonne pas que certains aient pu avoir des douleurs abdominales ou des saignements : les fibres peuvent être très irritantes, et s’il est important d’en consommer tous les jours, la quantité doit rester raisonnable. Même chose pour les assiettes hyperprotéinées, qui peuvent quant à elles, abimer les reins. 

A l’inverse, le fait qu’il n’y ait pas (ou très peu) de féculents ou de produits laitiers, peut créer des carences et une nette perte d’énergie pour la personne. 

Une éducation nutritionnelle nécessaire

Vient ensuite la question des poudres et barres, vendues sur le site de la méthode F-Factor. Là-aussi, un problème notable se pose : une perte de poids doit se faire avec un accompagnement éducatif à l’alimentation. Le fait de fournir des substituts de cette façon est contre-productif : d’une part, la personne n’apprend pas à équilibrer ses repas, et d’autre part, elle ne sait pas non plus ce qu’elle ingurgite. A noter par ailleurs, que les produits en question étaient également pointés du doigt par la campagne de Emily Gellis Lande, car selon certaines accusations, ils pourraient contenir du plomb. 

Enfin, ce type de méthode pose un dernier problème : la vulnérabilité des patients face aux promesses de pertes de poids drastiques et les risques de troubles du comportement alimentaire inhérents à ces pratiques. Ainsi, le Dr Tom Hildebrandt, chef du Centre d’excellence pour les troubles de l’alimentation et du poids à la Icahn School of Medicine du Mont Sinaï, a déclaré au NY Times, “notre population de patients est particulièrement vulnérable aux régimes avec des promesses hautement marquées. Le message est particulièrement préoccupant lorsque vous l’associez à un régime comme celui-ci qui vous oblige à manger très peu de nutriments et à aborder les aliments d’une manière très réglementée et contrôlée”. 

Une inquiétude que partage Florence Foucaut qui insiste sur l’importance d’accompagner les patients sur le chemin de l’éducation nutritionnelle. “Même si on mange ces barres et que l’on perd du poids, il n’y aura absolument aucune modification des habitudes alimentaires ou du mode de vie. Résultat, on reprendra ensuite, lorsqu’on recommencera à manger normalement. Et c’est évidemment sans compter les carences créées, ni l’impact sur la santé mentale”, explique-t-elle. 

Avant de conclure, “les régimes hypocaloriques de ce type, ce n’est plus du tout comme ça que l’on aborde la question aujourd’hui. Au-delà des dangers qu’ils présentent, ils font aussi l’impasse sur quelque chose de fondamental : le plaisir de manger. Et c’est en prenant en compte ce plaisir que l’on peut vraiment apprendre à équilibrer ses repas et adopter une bonne hygiène de vie, pas en avalant des poudres”. 

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