"Et ça coûterait combien ?" : comment négocier un budget, un poste en plus, un projet qui vous tient à cœur…

Une négociation de budget est un numéro de haute voltige, qu’il s’agisse d’un budget annuel, d’une embauche ou d’un projet particulier. Assurance, clarté et souplesse sont vos meilleures alliées pour convaincre vos supérieurs. Les conseils d’un coach pour obtenir les moyens de vos ambitions.

Négocier un budget annuel, créer un poste ou lancer un nouveau projet… En entreprise, obtenir des moyens financiers est une bataille hautement stratégique. Non seulement le but de votre direction n’est a priori pas de dépenser de l’argent, mais vous n’êtes pas la seule en lice. «Une telle négociation se prépare, et on ne le fait souvent pas assez, met en garde le coach Jean-Michel Boissière, directeur associé du cabinet MC2. C’est pourtant nécessaire pour tirer son épingle du jeu quand on est en concurrence avec d’autres services.» D’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une discussion unique mais de longs pourparlers, égrenés en plusieurs rendez-vous. Des objectifs clairs et chiffrés, une posture dynamique et une langue choisie avec soin sont les clés pour tenir la distance et vous faire entendre.

Des objectifs clairs et percutants

Votre demande doit avant tout être parfaitement alignée sur la stratégie de votre employeur. Ça a l’air d’une évidence, mais cela implique une préparation rigoureuse. «Il faut se renseigner sur l’actualité de l’entreprise, sur les nouveautés et les enjeux à venir», explique Jean-Michel Boissière. C’est en explorant précisément les projets de votre direction que vous trouverez le point d’intersection entre ses objectifs et les vôtres. Ce sont eux qui doivent vous guider, et non pas vos besoins. «Dire ce dont on a besoin ne nous met pas du tout dans la même posture que présenter ce qu’on veut accomplir, précise notre coach. La seconde est bien plus dynamique, donc plus séduisante», explique Jean-Michel Boissière. L’idée n’est pas de susciter la pitié de vos supérieurs, ni d’attirer leur attention sur un manque, mais de leur faire miroiter ce que vous pourriez réaliser, au service de l’entreprise. De les faire rêver, en somme.

Et de quoi rêvent les décideurs ? De projets solides. Votre argumentaire doit donc reposer sur deux ou trois arguments majeurs, clairs et identifiés. Tissez autour d’eux une démonstration précise et factuelle : quels retours sur investissement, quelle valeur ajoutée espérez-vous ? «La présentation d’un budget ne doit pas être un amas de petits avantages, mais un ensemble cohérent», insiste Jean-Michel Boissière. Présenter des chiffres clairs vous aidera à prouver que vous ne naviguez pas à vue. «Une bonne astuce est de se mettre dans la peau d’un startuppeur face à des investisseurs. Comme lui, il faut présenter un pitch concis, percutant et efficace.» Et l’efficacité se mesure à court terme : les résultats que vous promettez doivent être tangibles, tout proches. Concentrez-vous sur le présent et le futur immédiat, parlez d’aujourd’hui et de demain. Non seulement vous prouverez que vous êtes ancrée dans le réel – et pas en train de fantasmer un avenir vague et lointain – mais cela permettra aussi à vos interlocuteurs de se projeter.

Des phrases simples et percutantes

Cette posture passe aussi par votre langue. Pour paraître solide et crédible, privilégiez les tournures actives, grâce auxquelles vous guiderez vos supérieurs sur un terrain que vous maîtrisez. À l’inverse, des phrases passives leur donneront le sentiment que vous subissez une situation désagréable sans savoir comment agir. Les structures simples – une phrase, une idée – sont vos meilleures alliées pour ne pas les noyer sous une masse d’informations. «On avance de manière dynamique, point par point, en maîtrisant son discours. On suit un chemin qu’on a dessiné soi-même», résume Jean-Michel Boissière.

Vous connaissez sûrement l’état d’esprit et la manière de s’exprimer de vos chefs : tâchez de vous y adapter pour parler la même langue qu’eux. Les mots que vous choisissez, comme les idées que vous avancez, doivent être ceux qu’ils ont envie d’entendre. Cela évitera de créer une distance, tout comme les pronoms personnels «je», «vous» et «nous». Utilisés tour à tour et à bon escient, ils vous permettront de maintenir l’attention de votre interlocuteur en changeant régulièrement de registre. Posez-vous en porteuse de projet, interpellez votre interlocuteur et invitez-le à vous rejoindre dans l’aventure professionnelle que vous proposez. Il sera plus susceptible de réagir à vos arguments.

Avoir des plans B

Qui dit réaction dit surtout opposition. Un budget ne se négocie pas en un seul rendez-vous et vos arguments vont fatalement se heurter à ceux de vos supérieurs. «Ces résistances doivent être anticipées en amont, conseille Jean-Michel Boissière. A priori, un manager connaît d’emblée les arbitrages complexes qui s’annoncent. Il doit donc prévoir une marge de manœuvre pour chacun d’entre eux.» C’est stratégique : en présentant deux scénarii, un idéal et un réaliste, vous montrez que vous voyez grand mais que vous connaissez tous les tenants et les aboutissants de votre dossier. L’essentiel est de ne pas se retrouver dans l’impasse face à vos supérieurs, sans aucune proposition à leur faire. Y compris si un élément majeur vous a échappé et que vous êtes tout à coup au pied du mur, sans réponse à portée de main. La meilleure porte de sortie est alors d’admettre clairement que cette information vous manquait, puis d’ouvrir des pistes, même imprécises, pour adapter votre budget. Il sera toujours temps de revenir avec une copie remaniée quelques jours plus tard.

Les contraintes et les oppositions de vos supérieurs ne doivent en tout cas pas vous déstabiliser. «On parle d’argent, de projets, il faut donc garder une certaine hauteur de vue et se détacher du psychoaffectif», avertit Jean-Michel Boissière. Même si le projet vous tient à cœur et que vous êtes convaincu de son bien-fondé, votre affect ne doit pas interférer dans la négociation. «Il faut absolument sortir de la logique « j’ai bien travaillé, je le mérite »», souligne notre coach. Même si les arguments qu’on vous oppose vous semblent injustes, tâchez de vous concentrer sur les chiffres et les objectifs. C’est sur ce seul terrain que jouent vos supérieurs, et c’est là que vous arriverez à les convaincre.

Ne pas relancer trop vite

Une première négociation, même bien menée, n’est souvent qu’un tour de chauffe. Il ne s’agit pas de laisser le sujet reposer trop longtemps, mais de montrer qu’il vous tient à cœur. Sans nouvelles de votre direction, n’hésitez pas à leur demander un retour et à leur rappeler vos marges de manœuvre. «En termes de délai, tout est question de mesure : mieux vaut leur laisser quelques jours, le temps qu’ils se penchent sur votre proposition», conseille Jean-Michel Boissière. Plus tôt, vos supérieurs auront l’impression que vous leur forcez la main et que vous manquez de hauteur. «Avoir l’air désespéré n’envoie pas les bons signaux.» Tâchez de rester sereine, en somme. Ou au moins de faire semblant.

Source: Lire L’Article Complet