Entre Cardin et Lacoste (le village), c’était « Je t’aime moi non plus »

Pierre Cardin a-t-il été un peu maso quand, après avoir racheté, en 2001, le château du Marquis de Sade, il a multiplié les acquisitions immobilières à Lacoste ? Le couturier envisageait de transformer ce village du Luberon en «Saint-Tropez de la culture», sans que les habitants du coin soient vraiment très chauds à cette idée. 

L’histoire avait bien commencé. Lorsque le grand nom de la mode, décédé ce mardi à 98 ans, s’est offert les ruines du château du XIe siècle, «ça ne gênait pas vraiment les gens [car] personne n’avait l’argent pour l’acheter et le restaurer», déclarait en 2017 à l’AFP Anne Gallois, qui vit dans la commune. «C’est à partir du moment où il a acheté à tour de bras des maisons à l’intérieur du village que ça s’est corsé», ajoutait celle qui a écrit Du côté de chez Sade, histoire d’un village vendu.

Au fil des ans, le couturier a donc multiplié les acquisitions dans le bourg, déjà prisé en leur temps par André Breton, Max Ernst, Pablo Picasso, Henri Cartier-Bresson ou René Char. Il voulait pouvoir loger ses invités, ouvrir des résidences artistiques, en un mot «construire» expliquait-il en 2008 au Monde.

La résistance s’est organisée

Au sein du village, l’opposition s’est organisée, a convoqué les médias, tagué les murs de messages hostiles. En vain: le couturier a séduit de nombreux propriétaires en proposant des prix d’achat «trois fois supérieur à celui du marché», affirmait Anne Gallois. Une dizaine de boutiques, plusieurs galeries, et une quarantaine de maisons (le plus souvent vides en dehors de la période estivale) ont progressivement vu le jour.

Cela a désespéré les habitants, mais cela a attiré des touristes curieux d’admirer les monts du Luberon et les oeuvres de Pierre Cardin… présentées dans des magasins illuminés jour et nuit, dont les portes sont constamment closes.

La fièvre acheteuse et rénovatrice du couturier a aussi permis de créer des emplois, au moins pour un temps, et d’irriguer l’économie locale. «Pierre Cardin a toujours fait appel à des entreprises locales pour mener les travaux, employant au passage énormément de gens», concédait  Anne Gallois.

La résistance a fini par s’étioler. Cyril Montana, écrivain et journaliste, avec des attaches familiales à Lacoste, a tiré de cette histoire un documentaire acide sorti en 2020, Cyril contre Goliath.

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