En Tunisie, un billet de banque honore la première femme musulmane médecin du Maghreb

Fin mars, la banque centrale de Tunisie (BCT) a mis en circulation un nouveau billet de dix dinars illustré pour la première fois dans ce pays par le portrait d’une femme : Tawhida Ben Cheikh, la première femme musulmane médecin du Maghreb.

Depuis le 27 mars, le portrait de Tawhida Ben Cheikh orne le nouveau billet de dix dinars paru en pleine crise du coronavirus. Il faut dire que cette dernière est la première femme musulmane du Maghreb à avoir exercé comme médecin. «La docteure Tawhida Ben Cheikh a été choisie il y a un an pour lui rendre hommage et aussi pour rendre hommage à la femme tunisienne, particulièrement dans le secteur scientifique», a souligné Abdelaziz Ben Said, un haut responsable de la BCT, sur une radio privée. La mise en circulation de cette coupure, qui vaut environ 3 euros, est aussi l’occasion de «saluer les médecins et tout le corps médical en Tunisie», alors que le personnel soignant est en première ligne dans la crise sanitaire liée au Covid-19.

Née en 1909, Tawhida Ben Cheikh a marqué l’histoire contemporaine de la Tunisie. Première Tunisienne à avoir obtenu le baccalauréat en 1929, elle est envoyée en douce par sa mère à Paris pour étudier la médecine. «Personne dans la famille, côté paternel, n’était d’accord pour envoyer ma mère seule à Paris. Alors ma grand-mère, pendant que le conseil familial se concertait, a fait prendre à Tawhida une calèche pour qu’elle file depuis Hammam Lif jusqu’au port de La Goulette, où le bateau allait partir», raconte sa fille, l’archéologue Zeïneb Benzina, au Monde.

En vidéo, 10 femmes qui ont marqué l’histoire des sciences

Une femme engagée

En 1936, la jeune pédiatre rentre au pays et ouvre son cabinet près de la médina de Tunis, avant de se spécialiser en gynécologie. «On la surnommait « le médecin des pauvres », car elle exerçait dans un quartier très populaire et ses patients vivaient dans des conditions difficiles. A l’époque, les femmes venaient souvent la voir pour accoucher. C’est ainsi qu’elle est devenue obstétricienne puis gynécologue», poursuit sa fille.

De 1955 à 1964, elle dirige le service de maternité de l’hôpital Charles-Nicolle puis, jusqu’à sa retraite en 1977, celui de l’hôpital Aziza Othmana, les deux principaux établissements de santé publique de Tunis. Après s’être battue pour les orphelins ou les personnes ayant perdu leur logement durant les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, Tawhida Ben Cheikh a défendu l’accès aux soins des plus défavorisés et le droit à l’avortement (légalisé en 1973). La médecin a d’ailleurs contribué à la mise en place du Planning familial, dont elle est devenue la directrice en 1970. Décédée le 6 décembre 2010 à l’âge de 101 ans, Tawhida Ben Cheikh a ouvert la voie à toute une génération de femmes engagées et désireuses de faire carrière dans la santé.

Source: Lire L’Article Complet