- Faire la différence entre les types de réseaux sociaux et choisir où accepter qui
- Multiplier les comptes pour échapper au partage sous surveillance
- "J’ai peur que mes boss se disent ‘elle passe son temps sur les réseaux’"
- De "l’obligation" de répondre aux messages, même en dehors des horaires de travail
- Comment dire à un collègue qu’on ne veut pas l’accepter sur un réseau social ?
“J’ai presque des micro crises de panique quand je reçois les notifs fatidiques”, ironise d’entrée Mélina*, 27 ans et salariée dans l’hôtellerie-restauration.
Cette notification redoutée, c’est celle d’un.e collègue ou d’un.e supérieur.e qui nous demande en ami.e sur les réseaux sociaux, vitrine de notre vie personnelle généralement seulement accessible à nos proches.
Pourtant, selon les résultats d’une étude Regionsjob (2019), 64% des Français ont leurs collègues sur Facebook et/ou Instagram. Mais ces connexions sont-elles faites par politesse ou par envie ?
“Oui, j’ai quasi tous mes collègues sur les réseaux, mais je ne suis amie qu’avec deux d’entre eux dans la ‘vraie vie’. Les autres, c’était surtout pour ne pas avoir à justifier une demande refusée”, nuance Lili*, 25 ans et journaliste en presse locale.
Sauf qu’à force d’accepter toute sa boîte sur ces plateformes, une énième partie de notre vie personnelle se retrouve partagée avec notre clan professionnel. Un accès en “off” qui devient parfois la porte ouverte à certaines dérives. Mais quelles limites mettre et surtout, comment les instaurer sans qu’une gêne s’installe ?
Faire la différence entre les types de réseaux sociaux et choisir où accepter qui
Pour Mélissa Pangny, psychologue du travail, la marche à suivre est pourtant simple. “Si l’on est ami.e avec la personne qui demande à rejoindre notre réseau personnel, il n’y pas de problème. Pour les autres, il faut que ça s’arrête aux plateformes professionnelles”, résume-t-elle.
En effet, cliquer sur “accepter la demande” sur Instagram et sur Linkedin n’a pas le même enjeu, quand la request provient d’une personne avec qui l’on travaille, de près ou de loin. Néanmoins, cela dépend principalement de notre rapport aux différents réseaux et de notre activité professionnelle.
On ne comprend pas que je dise oui sur Twitter, qui reste une vitrine pro pour moi et non sur Insta ou pire, Snap.
“Dans ma boîte, on ne comprend pas que je dise oui sur Twitter, qui reste une vitrine pro pour moi et non sur Insta ou pire, Snap”, se désole pourtant Lili. “Souvent, ce ne sont même pas des personnes avec qui je travaille étroitement, mais des supérieurs qui m’ont croisé quelques fois et qui pensent que dès qu’on tombe dans leurs recommandations, il faut demander à rejoindre nos plateformes”, résume-t-elle.
L’idéal, selon l’experte, serait alors d’aborder ces demandes en se posant la question : « est-ce que je leur parlerais de ce que je partage sur ces plateformes au bureau ? ». Car si l’on ne dit pas tout de notre vie personnelle à nos collègues, pourquoi voudrions-nous qu’ils aient accès à la version illustrée sur Instagram ou Facebook ? Mais bien souvent, rattrapé.e par la gêne, nous acceptons d’ouvrir une partie de notre intimité à ceux qui partagent notre vie pro.
Multiplier les comptes pour échapper au partage sous surveillance
Un dilemme qui remet en question notre rapport aux réseaux sociaux et à ce qu’on y poste. Voilà pourquoi nombreux sont celles et ceux qui, aujourd’hui, multiplient les comptes.
“Personnellement, j’ai trois comptes Instagram. Un professionnel, un semi-pro / perso et un très personnel”, avoue Rose*, 31 ans et freelance dans l’audiovisuel.
“L’une de mes anciennes cheffes en boîte de prod était très portée réseaux sociaux. Elle demandait à la CM (community manager, ndlr) de récupérer les noms d’utilisateur de tous les nouveaux membres de l’équipe pour nous taguer sur ses posts et ses stories. Cela entretenait le côté ‘famille’ de la boîte. Mais dans la vraie vie, elle ne connaissait pas la moitié de nos prénoms”, témoigne-t-elle.
Je ne voulais pas que Jean-Yves de la compta me voit en maillot.
D’autant qu’à partir du moment où la cheffe “tague” toute l’équipe, c’est aussi le reste de la boîte qui envoie des demandes à la jeune femme. “Comme c’était mon compte privé qu’elle taguait, j’ai eu une vague de demandes que j’ai acceptées pour ne pas faire de différence. Comme je me sentais piégée et plus vraiment libre de poster ce que je voulais, j’ai créé un nouveau compte, sous un pseudo. Je ne voulais pas que Jean-Yves de la compta me voit en maillot l’été suivant”, illustre-t-elle.
“C’est vrai qu’on se sent un peu obligé de dire oui, sauf pour les personnes qui n’ont pas de problème avec la vérité crue. Alors, on en vient à modifier ses comportements, à se créer un autre compte ou même à quitter les réseaux sociaux”, commente Mélissa Pangny.
« Nous sommes des êtres qui compartiment. On a différents groupes d’amis, on ne mélange pas ses collègues et ses proches… Donc, sur les réseaux sociaux, c’est parfois plus simple d’avoir des comptes séparés pour les différents groupes de nos vies. C’est devenu le moyen acceptable de gérer notre style de vie et de rester dans nos limites », appuie un article de Stylist UK.
« J’ai peur que mes boss se disent ‘elle passe son temps sur les réseaux’ »
Alors, comme Rose, beaucoup se sentent « coincés » dans le partage de leur contenu. De peur de paraître moins “pro” – alors même que l’on se trouve dans un espace virtuel personnel – ou de voir certaines informations partagées mal-interprétées et utilisées contre nous.
Mélina explique user régulièrement de la fonction “amis proches” sur Instagram, “mais c’est long de faire les listes et puis j’ai toujours peur d’avoir oublié de masquer quelqu’un”, partage-t-elle.
Mais « le pire », c’est qu’elle s’empêche désormais d’utiliser son compte comme elle le voudrait. “Quand je suis en arrêt maladie par exemple, je ne vais rien poster, même si ce n’est qu’un partage de meme ou une photo de mon chat, j’ai trop peur que les gens se disent ‘elle n’est pas vraiment malade, elle passe son temps sur les réseaux’”, avoue-t-elle.
Laisser une personne de son entourage professionnel avoir accès à une partie de sa vie en dehors du bureau laisse la porte ouverte à certains risques.
“Les personnes se restreignent par peur d’être surveillées. Laisser une personne de son entourage professionnel avoir accès à une partie de sa vie en dehors du bureau laisse la porte ouverte à certains risques. Certains peuvent répéter et déformer nos intimités”, réagit Mélissa Pangny.
Un ressenti qui se traduit dans les chiffres. Selon une étude américaine, relayée par Forbes, plus de la moitié des travailleurs interrogés (51%) craignent que leurs profils sur les réseaux sociaux ne soient utilisés contre eux, au travail.
De « l’obligation » de répondre aux messages, même en dehors des horaires de travail
Et quand ce n’est pas s’interdire de poster, c’est se sentir obligé.e de répondre à des messages, même en dehors des horaires de travail. Notamment quand ils proviennent d’un.e des supérieur.es.
“Ma patronne vient de découvrir les reels de décoration sur Instagram. Elle m’envoie souvent des inspirations pour le pliage des serviettes de bain par exemple”, soupire Mélina, qui ajoute que sa supérieure a même créé un groupe de discussion sur le réseau social, entre elle et ses employées.
“Je pense qu’elle croit que c’est ok de nous écrire, même quand on est en repos, limite qu’on est toutes des copines. Et je me dis que si je ne réponds pas, je vais être mal vue. Parfois, je culpabilise même un peu de ne pas avoir vu la notification avant”, poursuit-elle.
Une nouvelle charge mentale que la psychologue du travail critique fortement. “À partir de là, une ligne est franchie et il ne faut pas hésiter à poser des limites. Et si l’on n’ose pas le dire ouvertement, on se fait un compte professionnel dont on se déconnecte sur les jours de congé”, recommande-t-elle.
Comment dire à un collègue qu’on ne veut pas l’accepter sur un réseau social ?
Mais d’après la spécialiste, la meilleure des choses à faire reste de dessiner des frontières, dès la réception des premières invitations non-appréciées. Et également de ne pas hésiter à recadrer poliment, quand un.e collègue trop insistant.e nous demande pourquoi nous n’avons toujours pas donné suite à son invitation.
“Finalement, ce qui est gênant, ce sont ces relances et ces demandes incessantes. Il faut surtout que la personne à l’origine de ces dernières se pose la question. Pourquoi demander en ami quelqu’un avec nous ne sommes pas vraiment en lien dans la vraie vie ?”, illustre-t-elle.
Alors, n’hésitez pas à user de paroles telles que : « mes comptes sur les réseaux sociaux sont destinés à mes amis et à ma famille, et j’aime les séparer de ma vie professionnelle, à l’exception de ceux avec qui je suis ami en dehors du travail. Je suis sûr que vous comprenez », comme le recommande Stylist UK.
Ou bien, à opter pour une solution plus radicale, comme l’a fait Lili. « J’ai supprimé toutes les personnes que je n’avais plus envie de voir me suivre et j’ai changé ma photo de profil et mon username. La plupart n’a pas remarqué ou s’en fiche et aux quelques questions que j’ai eues, j’ai répondu que j’ai quitté les réseaux sociaux pour préserver ma santé mentale. Depuis, j’ai la paix », confie-t-elle.
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