Derrière le bad buzz, une « école d'influenceur » au système opaque

  • La « première école d’influenceurs » française s’est fait remarquer avec un clip promotionnel sur les réseaux sociaux.
  • Largement moquée sur un ton badin, cette « école » pourrait être une arnaque visant les jeunes internautes.
  • Le programme de formation pour devenir influenceur rémunéré reste très flou, même après une mise au point du créateur de l’école.

« Si vous pensiez avoir tout vu » : sous ce commentaire sur Twitter, une vidéo, si clichée qu’elle paraît presque irréelle. Filles filiformes en maillots de bain, bouteilles de champagne, voitures de luxe, piscines et lieux paradisiaques… Les images s’enchaînent, présentant la « première école d’influenceurs » française, si on en croit la vidéo, qui formule deux objectifs pour ses futurs étudiants : 20 000 followers et 5000 € par mois provenant de l’influence. Cette vidéo promotionnelle postée sur Twitter a été vue plus de 3 millions de fois, et a été repérée sur Instagram et Tik Tok, parmi les publicités proposées par l’algorithme.

Si vous pensiez avoir tout vu pic.twitter.com/Mi5KVY9khh

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De nombreux internautes se sont tout naturellement moqués du caractère superficiel de la publicité pour la pseudo-école d’influence. Beaucoup d’autres ont dénoncé une « société à la dérive », ne comprenant pas comment l’influence pouvait être une carrière souhaitable, blâmant au passage une jeunesse « écervelée » et obsédée par la téléréalité. Des réflexions aux relents de mépris de classe et parfois de misogynie ciblant les jeunes femmes. Mais ce tweet et son ampleur ont aussi été l’occasion pour des enquêteurs du Web (et des journalistes) de se renseigner sur Ambaza, qui se proclame donc comme une formation pour devenir influenceur, et accessoirement gagner gloire et fortune.

Faux site du Cnam, une formation à 1200 € et pas de réseaux sociaux

Première surprise : Ambaza existe bel et bien, et possède son propre site Web, ainsi qu’une chaîne Youtube (qui ne dépasse pas les 50 abonnés) et un profil LinkedIn. Pas de page Instagram ou de compte Twitter à l’horizon : étrange pour une formation censée former au marketing et à l’influence sur les réseaux sociaux. Sur le site d’Ambaza, quelques articles de blog écrits par un certain Martin Dubois, qui expliquent comment susciter de l’engagement sur la plateforme Instagram, et qui incitent fortement à s’inscrire à la formation « influenceur » proposée par la soi-disant école. « Nous visons à former des influenceurs professionnels. Nous les aidons à grandir et leur permettons de gagner de l’argent grâce à leur audience lorsqu’ils sont prêts », peut-on lire en page d’accueil. Aucune mention des professeurs intervenants sur cette formation, ou de l’organigramme de « l’école ». Plus inquiétant : quand on cherche Ambaza sur Google, on découvre un site se faisant passer pour le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) de Haute-Normandie : pourtant, rien à voir avec le véritable site du Cnam, aux couleurs rouges et blanches, qui dépend du ministère chargé de l’Enseignement supérieur.

Une remise exceptionnelle pour le site d'Ambaza

Ainsi, la formation proposée (d’une valeur initiale de 1.200 euros, mais miraculeusement gratuite si votre profil intéresse l’école) se veut intensive : trois jours à peine pour apprendre à développer son audience, la fidéliser et en tirer des bénéfices. Ambaza propose même une plateforme de monétisation, pour faire le lien entre marques et influenceurs. Les critères d’éligibilité de la formation sont simples : être majeur, avoir un numéro de Sécurité sociale français et vouloir se concentrer à temps plein sur sa carrière d’influenceur. Le reste semble accessoire. Sur sa chaîne YouTube, Ambaza partage des témoignages vidéos des premières diplômées : les vidéos se ressemblent, souvent mal filmées, à la manière d’une discussion informelle. Après un rapide tour sur les Instagram respectifs des néo-influenceuses présentées, rares sont celles qui dépassent la centaine d’abonnés.

Une société domiciliée à Malte, un youtubeur expert du dropshipping et du CBD

Au-delà du manque d’éléments sur la formation, il est difficile d’avoir plus d’informations sur la société derrière Ambaza. Le nom de domaine est enregistré aux Bahamas, comme l’ont relevé plusieurs médias. Du côté des mentions légales du site, on découvre qu’il est édité par l’entreprise Consumedias, dirigée par Nicolas Brzustowski, entrepreneur, expert en marketing digital et investisseur en crypto, selon son profil LinkedIn. Cette société est immatriculée à Malte, connue pour sa fiscalité attractive. Dans un long thread sur Twitter, un internaute du nom de@DefendIntelligence, ingénieur en IA, a présenté le résultat de ses recherches sur Ambaza. On y apprend notamment que le site contient du code caché menant à des vidéos Vimeo cachées, dont celle d’un « youtubeur français expert du dropshipping vivant à Malte », ou encore que la société Consumedias opérerait également un site spécialisé dans le CBD. Par ailleurs, le fameux Martin Dubois qui écrit sur le site d’Ambaza ne serait qu’un alias pour Nicolas Brzustowski.

Vous avez du voir passer cette histoire d’ECOLE D’INFLUENCEURS.

Et bien j’ai enquêté pendant plusieurs heures sur l’école. Voici ce que j’ai découvert, c’est pas très propre ⬇️ pic.twitter.com/23B4dm2EYF

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Dans les conditions générales d’utilisation du site, l’équipe derrière Ambaza explique ainsi qu’« aucune garantie quant à l’actualité, l’exactitude, l’exhaustivité, la facilité d’utilisation ou l’adéquation à un certain but du contenu » sur ses plateformes. En bref, il n’y a aucune certitude que les formations proposées fonctionnent et permettent aux futurs influenceurs de vivre de leur compte Instagram et de partenariats avec des marques. Comme le précisent de nombreux internautes, les témoignages présents sur YouTube d’anciennes élèves, face caméra, font partie des astuces habituellement utilisées par les sites d’arnaque pour gagner la confiance des plus jeunes. Depuis plusieurs années, de nombreux influenceurs sur les réseaux sociaux se sont mis à vanter des arnaques se basant sur des systèmes pyramidaux : dans ces schémas, les investissements sont rémunérés par les fonds des nouveaux entrants.

« Twitter veut des réponses ? Ambaza répond à Twitter ! »

Après plusieurs jours de polémique, Ambaza s’est fendu d’un post de blog sur son site, sobrement intitulé : « Twitter veut des réponses ? Ambaza répond à Twitter ! ». Dans cet article, la société entend répondre à plusieurs sujets épineux soulevés par les différents articles de presse et par les internautes. Pourquoi être situé à Malte, connu pour être un paradis fiscal ? « Ambaza est détenue par une agence digitale Maltaise en effet, agence qui paye 35 % d’impôts de société. Certains montages fiscaux permettent d’optimiser ce taux, ce qui n’est pas le cas ici. Pourquoi Malte ? Il fait beau toute l’année et l’ensemble de l’équipe vit là-bas ». Pas de compte Insta ni Twitter ? « Notre start-up n’est âgée que de quelques mois et notre priorité première est la qualité de notre programme de formation et de nos professeurs » . Ambaza, une arnaque ? « Ambaza facilite également l’accès à une formation de 3 jours au métier d’influenceur chez un organisme de formation reconnu par l’État, et permet à ses élèves d’obtenir des financements pour que ces derniers n’aient rien à payer du tout. Quel est notre intérêt ? Nous trouvons de bons profils, nous les aidons à se former, nous les aidons à grandir puis dans le futur, nous gérons leurs partenariats publicitaires. Nous gagnons de l’argent lorsque nos élèves réussissent » peut-on lire. L’entreprise semble avoir réponse à tout.

Le Figaro Étudiant a pu parler à Nicolas Brzustowski, diplômé de l’IAE de Metz. Il a déclaré au média que suite au tweet initial, « il y a eu beaucoup de diffamation. Les gens ont tenu des propos assez crus alors qu’on a un bon taux de satisfaction. On a beaucoup appris, on a mis à jour tout ce qu’il fallait sur le site ». Sur la question de l’identité des enseignants de la formation, le fondateur a assuré au journal : « Nous collaborons avec des entreprises différentes, avec des professeurs en digital marketing, en marketing d’influence, de qualité. Mais nous ne voulons pas les nommer pour éviter qu’elles soient pointées du doigt durant cette polémique ». Des réponses bien huilées qui ne semblent pas éteindre la polémique, bien au contraire.

  • La société Ambaza, qui se présente comme la « première école pour influenceurs française » a beaucoup fait parler d’elle cette semaine
  • Au-delà du bad buzz, la supposée école reste floue sur son fonctionnement, ses enseignements ou son financement
  • De nombreux internautes ont ainsi qualifié Ambaza d’arnaque, ce que nient les fondateurs

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