Témoignages. – Après des années à s’aimer, ils ont décidé de mettre fin à leur couple. Aujourd’hui, ils font face à une nouvelle épreuve : vivre le confinement ensemble malgré la séparation.
«L’ambiance dans notre couple varie au gré du confinement : c’est soit le silence radio, soit « fuis moi je te suis, suis moi je te fuis ».» Pour Salomé*, la quarantaine imposée pour endiguer la pandémie a un goût amer. Si la France est confrontée à une crise sanitaire sans précédent, cette trentenaire doit, elle, gérer une crise de couple en plus des événements actuels. En février, son mari l’a quittée après plus de dix ans d’idylle. Son épouse est, selon lui, trop jalouse, trop possessive. Les semaines défilent tandis que la contagion de Covid-19 se propage en Italie, en France puis dans le monde entier. L’Europe devient l’épicentre de la pandémie et le confinement total des Français est décrété. Et voilà désormais presque trois semaines que Salomé est recluse chez elle avec son mari et leurs deux enfants, âgés de six et neuf ans.
«La situation est très compliquée. Je subis de plein fouet la rupture et à aucun moment, je ne peux me changer les esprits. J’y suis confrontée 24 heures sur 24. À cela s’ajoutent les corvées ménagères, les devoirs aux enfants, les professeurs qui me bombardent de mails tous les matins, l’ordi qui rame… C’est catastrophique», admet Salomé. Le quotidien est d’autant plus pénible que la jeune femme évite de trop solliciter l’aide de son époux. «D’habitude, c’est un homme qui met volontiers la main à la pâte mais depuis l’annonce de la séparation, son comportement et son rythme ont changé. Il écoute beaucoup de musique, fait du sport excessivement, mange à n’importe quelle heure.» De nature anxieuse, Salomé aime que tout soit carré. Avec elle, les repas sont pris à heure plus ou moins fixe, et la maison est ordonnée. La séparation a tout envoyé valser. «L’un des motifs de rupture était que je l’étouffais trop, que j’étais trop rigide. Alors, j’essaie de lâcher prise. Je veux lui prouver à travers ce confinement que je peux être moins dans le contrôle. Et tant pis si mes filles font le cirque !», lâche la maman qui espère pouvoir recoller les morceaux.
« Je pars plus vite dans les tours »
À l’image de Salomé, Clémentine*, 49 ans, vit un drôle de confinement. L’an dernier, elle et son compagnon ont décidé de se séparer après presque trente années passées ensemble. En cause : des différends irréconciliables. Ces derniers mois, les parents de trois enfants avaient déjà tout prévu : la vente de la maison de famille pour déménager ailleurs, chacun de son côté, d’ici le début de l’été. L’épidémie du nouveau coronavirus a chamboulé tous les plans. Le coup dur pour Clémentine. «La séparation avait calmé le jeu. Le fait d’avancer dans mon projet m’apaisait mais le confinement l’a stoppé net. Les visites de la maison sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. C’est difficile pour moi de ne plus avoir d’objectifs et le futur m’angoisse. Va-t-on finalement être contraints de garder la maison ?», s’interroge cette responsable de formation, encore en période d’essai dans un nouvel établissement.
Qui plus est, Clémentine doit supporter la présence de son ex-mari en permanence. De quoi raviver les tensions. «Depuis le confinement, j’ai plus d’angoisses, je suis moins résistante et c’est vrai que je pars plus vite dans les tours», confirme Clémentine. Quand les choses risquent de tourner au vinaigre, s’éloigner reste la meilleure des solutions. «Ça m’est déjà arrivé de prendre mon assiette et de partir m’isoler. Heureusement, on a la chance d’avoir une grande maison et d’avoir chacun notre espace de travail», relativise-t-elle.
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Le confinement, un test pour les couples ?
Pour Marie Anaut, psychologue clinicienne et professeure à l’Université Lyon-II, la quarantaine est une période difficile pour de nombreux couples, séparés ou pas. «Le confinement risque d’exacerber les tensions qui existent déjà au sein d’un couple. Chez certaines personnes, on observe néanmoins que ce type d’événements peut être l’occasion de se redécouvrir», indique la thérapeute. C’est ce qu’espère Salomé. Malgré la séparation, elle a retrouvé quelques instants de complicité avec son mari. «Il avait déjà entamé les démarches pour divorcer mais j’espère qu’à l’issue du confinement, il reviendra sur sa décision», confie-t-elle. En attendant, Salomé prend sur elle et cherche à contenir son chagrin autant que possible.
Quant à Clémentine, elle en est persuadée : son couple appartient au passé. «Ce confinement confirme qu’on a fait le bon choix en décidant de se séparer», soutient-elle. «Mais j’imagine le pire. Je stresse déjà à l’idée de devoir continuer à cohabiter ensemble dans la même maison, à cause d’une potentielle crise économique et monétaire», poursuit la quadragénaire. Surtout que l’activité de son ex-conjoint est sur la sellette.
Pour vivre au mieux le confinement, Marie Anaut recommande de respecter le territoire de l’autre. Et cela vaut aussi pour les couples qui s’entendent bien. «C’est important de garder un petit coin à soi, même si ce n’est géographiquement pas possible. Cela peut prendre plusieurs formes : regarder une série, s’accorder une pause lecture, se pomponner…», détaille l’experte, qui a codirigé l’ouvrage La Résilience, de la recherche à la pratique (1) avec Boris Cyrulnik. «Enfin, quand on ne se supporte vraiment plus, il faut faire une trêve et tout simplement éviter les sujets de discorde.»
(1) La Résilience, de la recherche à la pratique, Odile Jacob, 120 pages.
*Le prénom a été modifié.
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