Alors que beaucoup s’interrogent sur les vaccins, la journaliste scientifique Lise Barnéoud* nous aide à faire le point.
ELLE. Se vaccine-t-on pour se protéger ou pour protéger les autres ?
Lise Barnéoud. L’enjeu est la protection collective. Une personne vaccinée transmet beaucoup moins le virus. C’est d’autant plus important à l’hôpital par exemple où le Covid est devenu une maladie nosocomiale.
ELLE. Quel est le vaccin le plus efficace ?
L.B. Les essais cliniques sont incomparables. Ils n’ont pas été menés de la même manière et sur la même population. On va néanmoins bientôt être en mesure de comparer les performances des vaccins sur les patients. Un exercice compliqué en France : les moins de 55 ans vaccinés avec une première dose d’AstraZeneca recevront une deuxième dose de Pfizer ou de Moderna.
ELLE. Les vaccins ont été développés avec une rapidité inédite : doit-on s’inquiéter de leur fiabilité ?
L.B. Ça aurait pu nous inquiéter lors de leur mise sur le marché en décembre dernier. Mais, depuis, des millions de personnes ont été vaccinées et tous les pays ont renforcé leur système de pharmacovigilance. On a finalement gagné beaucoup de temps sur les phases administratives sans faire l’impasse sur les essais cliniques.
ELLE. Pourquoi, en quarante ans, aucun vaccin n’a été développé contre le sida par exemple ?
L.B. Il n’y a pas de recette unique pour les microbes, comme Pasteur l’espérait. L’ampleur de la collaboration scientifique et les moyens financiers au regard de l’épidémie sont sans précédent. Grâce aux nouvelles technologies d’ARN messager [présentes dans le Pfizer et le Moderna, ndlr], des essais cliniques prometteurs sont menés pour venir à bout des autres infections comme le sida.
ELLE. Est-on immunisé dès la première dose de vaccin ?
L.B. Avec la première, on produit des anticorps contre le virus, mais la seconde permet de booster cette production à des taux supérieurs.
ELLE. Pourquoi doit-on maintenir les gestes barrières même après avoir été vacciné ?
L.B. Grâce aux données israéliennes, on sait que les vaccins à ARN messager permettent de diminuer drastiquement le portage du virus. Jusqu’à présent, on n’avait pas ces données, donc on a préconisé le maintien des gestes barrières.
ELLE. Combien de temps les vaccins protègent-ils ?
L.B. Les premiers participants aux essais cliniques de phase III ont été vaccinés en juin 2020, donc nous n’avons même pas un an de recul sur la durée de la protection. On peut s’attendre à une vaccination annuelle comme pour la grippe.
ELLE. Les vaccins actuels sont-ils efficaces face aux mutations du virus ?
L.B. L’avantage des vaccins à ARN messager, c’est qu’on peut les réorienter en mettant une séquence propre au nouveau variant. Il faudra sûrement vacciner à nouveau, à moins qu’il y ait une immunité croisée, c’est-à-dire que les anticorps protègent aussi contre les variants.
ELLE. Combien de personnes devront être vaccinées pour atteindre l’immunité collective ?
L.B. Certaines modélisations indiquent qu’il faudrait cibler les “superpropagateurs”, c’est-à-dire les 30% de la population qui transmettent le plus le virus. D’autres estiment au contraire qu’il faudrait vacciner au minimum 80% de la population.
ELLE. Faudrait-il alors vacciner les enfants ?
L.B. Ce serait aberrant sans les résultats des essais cliniques les concernant [les vaccins Pfizer et Moderna sont actuellement testés, l’AstraZeneca est suspendu, ndlr]. À l’échelle collective, il faudrait vacciner les enfants. À l’échelle individuelle, on peut se demander si les risques du vaccin pris par les enfants sont inférieurs aux risques qu’ils prennent en attrapant le Covid.
* Auteure de « Vaccins, petit guide par temps de Covid » (éd. Premier Parallèle). En librairie le 6 mai.
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