Elle est brillante, passionnée, mais craint d’être "démasquée" car elle ne se trouve pas assez performante. Les autres, au contraire, lui reprochent d’être "trop" : trop investie, trop exigeante… Éclairage de Monique de Kermadec, psychanalyste spécialisée dans les questions de précocité intellectuelle.
« Double différence, double défi. » Ainsi Monique de Kermadec, psychanalyste spécialisée dans les questions de précocité intellectuelle, a sous-titré son dernier essai, La femme surdouée (édition Albin Michel). Double ? Femme et surdouée. Deux qualificatifs vecteurs de préjugés dans notre société, et qui, une fois reliées par la conjonction « et », en produisent de nouveaux.
Une personnalité empathique, déterminée et exigeante
Les femmes douées de surefficience intellectuelle ne vivent pas leur état de la même manière que les hommes aux Q.I élevés. Parce que leur différence n’est pas reçue de la même manière dans la société. Aussi parce que leurs spécificités féminines n’ont pas été prises en compte : les travaux effectués sur la douance « subissent la loi du masculin qui prévaut sur le féminin », note la spécialiste.
Quelles sont ces spécificités qui permettraient de reconnaître une femme surdouée ? Bien qu’elles soient chacune unique dans leur douance, toutes ces femmes que Monique de Kermadec reçoit dans son cabinet, sont empreintes d’un fort désir de reconnaissance, vibrent dans les débats profonds, passionnés. Elles sont en outre dotées d’intelligence émotionnelle, d’une détermination inébranlable mais d’une confiance en elle facilement cassable… Sans compter leur puissante exigence, envers elle-même d’abord, puis envers leur entourage.
Marie Claire : Dans vos précédents ouvrages, vous vous intéressiez à tous les individus surdoués. Pourquoi désormais écrire spécifiquement sur l’intelligence des femmes ?
Monique de Kermadec : Quand on parle d’intelligence féminine, on pense tout de suite à la sensibilité, à l’empathie, à une capacité de compassion pour l’autre, ou à l’intuition. Mais les études réalisées actuellement montrent qu’il n’y a pas de différences énormes entre le fonctionnement du cerveau masculin et du cerveau féminin. Les différences d’intelligence sont plus liées au contexte social, à l’environnement, ou si, dans leur éducation, les parents ont beaucoup insisté sur le fait qu’une femme doit se comporter d’une certaine manière et les hommes d’une autre façon…
Elles sont sont empreintes d’un fort désir de reconnaissance, vibrent dans les débats profonds, passionnés
On a souvent parlé des surdoués sans faire de distinctions de sexe, or, les femmes ne répondent pas de la même manière que les hommes aux contraintes d’une société dans laquelle les schémas de réussite sont encore imprégnés de sexisme. Il existe de grandes différences entre les hommes et les femmes dans la façon de vivre leur état.
Vous avez par exemple constaté qu’une femme surdouée souffre davantage qu’un homme à haut potentiel. Comment l’expliquer ?
D’abord, il y a des surdoués, hommes ou femmes, qui ne souffrent pas. Parce que dans leur environnement, et dès leur jeune âge, leur différence a été perçue de manière positive. Eux ont eu les conditions favorables pour développer leur talent.
Ceux qui n’ont pas été identifiés, ou ceux qui ont vécu dans des environnements où leur différence a été perçue de façon négative, peuvent être en souffrance. Et les femmes surdouées le sont davantage. Elles vivent leur différence plus intensément que les hommes surdoués. Elles vont chercher à faire plaisir à l’autre, à s’adapter. Pour cela, elles vont se comporter tel que l’autre l’attend, mettre en place une sorte de « faux-self« . Elles vont être un peu à l’écart de qui elles sont vraiment, dans la mesure où elles craignent de ne plus être appréciée en étant elles-même. Ceci les fait bien sûr souffrir.
Vous parlez aussi d’un sentiment d’usurpatrice dont la femme surdouée souffrirait…
Quand une femme est fine, intelligente, elle est particulièrement exigeante envers elle-même. Elle a beau être sur-diplômée, son exigence l’emmène à douter et à perdre confiance en elle. Elle pense ne pas avoir tout ce qu’il faut pour accomplir sa tâche. Elle a aussi peur qu’on puisse percevoir qu’elle n’a pas les compétences pour occuper ses responsabilités.
Elles vont chercher à faire plaisir à l’autre, à s’adapter. Pour cela, elles vont se comporter tel que l’autre l’attend
Hommes et femmes surdoués souffrent-ils des mêmes préjugés ?
Les hommes et les femmes surdouées sont perçus de manière différente. Un homme déterminé est perçu comme un leader, une femme déterminée comme agressive. Un homme est sûr de lui, une femme est arrogante. Un homme est obstiné, une femme est têtue. Un homme « pèse le pour et le contre », une femme est indécise.
Quelles sont alors ses armes pour se défendre ?
D’abord : se connaître. On parle de précocité en France depuis les années 94-95. On a commencé à parler des enfants, et puis, ensuite, des adultes. Les adultes n’ont pas été diagnostiqués lorsqu’ils étaient petits. Parfois ils découvrent qu’ils pourraient être surdoués quand ils font tester leurs enfants.
C’est là qu’ils comprennent ce qui fait leur différence et peuvent enfin mettre un mot sur celle-ci. C’est à partir de ce moment où on pose les mots que l’on comprend mieux le fonctionnement des autres. On ne s’attend pas à ce que l’autre soit comme soi. Et l’on peut alors adapter son comportement. Donc d’abord, se connaître.
Et puis, la confiance en elles. Pour ne plus avoir peur du rejet, ou de ne pas être aimé pour ce qu’elles sont.
La femme surdouée en couple
Comment la femme surdouée gère-t-elle ses relations amoureuses ?
C’est une question qui est souvent posée, parce que l’on se demande si une personne surdouée a besoin d’être avec un autre surdoué pour être heureuse. Le couple, s’il a besoin d’une certaine harmonie, n’a pas besoin d’avoir exactement le même Q.I. Ce qui va le solidifier, c’est avoir les mêmes valeurs, partager les mêmes centres d’intérêts, et pas simplement de savoir est-ce que il ou elle, a plus de points de Q.I que l’autre.
Le couple, s’il a besoin d’une certaine harmonie, n’a pas besoin d’avoir exactement le même Q.I
Il est évident que, malgré tout, les femmes surdouées investissent beaucoup l’échange par la parole. Si elles ont un conjoint qui met peu de mots sur ce qu’il vit, ressent, et ce qu’ils partagent, elles peuvent se sentir frustrées.
Et ses relations sexuelles ?
Pour la femme surdouée, tout, tout, se négocie par la parole. Même le sexe. Pour que le sexe soit bon, il faut qu’il y ait d’abord cette rencontre à travers le langage.
Son exigence personnelle pèse-t-elle sur son couple ?
La femme surdouée est exigeante envers elle-même, elle l’est aussi dans sa relation. Elle perçoit très rapidement ce qui aurait besoin d’être et qui n’est pas là, et ce qui aurait besoin d’être fait, et n’est pas fait. Son conjoint peut alors penser : « La vie est dure avec elle, je n’en fais jamais assez ».
Mais, dans les faits, je constate que beaucoup de ces femmes font part d’intelligence émotionnelle, savent accorder à l’autre le bénéfice du doute, et l’aide à comprendre le fonctionnement d’une femme surdouée.
Comprendre la femme surdouée
Quelles critiques entend-t-elle de son proche entourage ?
La critique qui revient toujours : « Tu es trop« . « Tu es trop sensible », « Tu es trop exigeante »…
Ce qui frappe chez la femme surdouée, c’est l’intensité avec laquelle elle peut faire les choses. Elle peut perdre l’envie de boire et de manger pendant trois jours parce qu’elle se passionne pour un sujet. Elle peut entrer en guerre pour défendre ses valeurs – parce que les valeurs sont fondamentales pour elles. Donc si la personne en face se contente d’une réponse simple, la surdouée va lui rétorquer : « Quand tu me dis ça, ça me fait penser à ça, et quand je pense à ça, ça soulève telle question… » Et à nouveau, on va lui reprocher sa trop grande intensité.
Elle peut perdre l’envie de boire et de manger pendant trois jours parce qu’elle se passionne pour un sujet
Et puis, on reproche à la femme surdouée de ne pas la retrouver la où on l’attend, là où « elle devrait être ». Elle va apparaître comme exigeante, froide, agressive, volontariste… Mais non ! Elle est simplement passionnée pour ce qu’elle fait.
Vous êtes vous-mêmes surdouée. Vous dédiez ce livre « à tous les hommes » de votre vie. Pourquoi ?
Parce qu’ils ont tous été positifs. À commencer par mon père, un vrai allié. Il faut se demander : « Notre père a-t-il cherché à nous enfermer dans certains stéréotypes féminins ? Ou nous a-t-il laissé une liberté ? Nous a-t-il encouragé dès toute petite à faire de longues études ? »
Il y a eu aussi les enseignants, qui m’ont conseillé, tout en me laissant une liberté de choix. Et ensuite, les rencontres amoureuses… Le tout est de voir jusqu’à quel point l’autre respecte qui nous sommes, nous laisse cette liberté de choix qui nous permettra de faire aboutir nos talents.
Qu’elles osent être elles-mêmes. Qu’elles osent ne pas masquer leur talent. Que ce dernier soit lié à leur intelligence cognitive, comme on le voit dans les tests de Q.I, ou qu’il s’agisse d’un talent artistique, créatif, sportif… On ne va pas limiter le fait d’être surdoué simplement à un chiffre de Q.I quand même ?
- Êtes-vous superformante-angoissée ?
- Quelles sont toutes les formes d’intelligence de votre cerveau ?
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