- Le 7e épisode de la 5e saison de Skam France sera disponible ce vendredi à 18 heures sur France.tv Slash.
- Cette saison suit le destin d’Arthur, un adolescent confronté à l’apparition d’une « surdité brusque ».
- Niels Rahou, directeur de collection de Skam France, explique à 20 Minutes, les secrets d’écriture du teen-drama.
C’est l’homme de l’ombre. On lui doit en grande partie le succès de Skam France, dont les quatre premières saisons cumulent plus de 100 millions de vues. Après deux saisons de rodage, la série de France TV Slash, l’offre numérique du groupe public dédiée aux jeunes adultes, a vraiment décollé en saison 3 lorsque l’écriture a été supervisée par Niels Rahou. Après avoir adapté deux saisons de la version originale norvégienne, le scénariste français est le premier à développer une cinquième saison complètement originale. Cette saison, dont le 7e épisode est diffusé ce vendredi à 18 heures sur France TV Slash, suit le destin d’Arthur, un adolescent confronté à l’apparition d’une « surdité brusque ».
20 Minutes a pu découvrir les coulisses de la salle d’écriture de Skam France.
Niels Rahou y officie en tant que directeur de collection, c’est-à-dire qu’il est une sorte de scénariste en chef. Les saisons de Skam France s’écrivent par deux. L’écriture des saisons 5 et 6 de Skam France a commencé « fin avril » 2019. « J’ai eu un peu plus de quatre mois et demi pour écrire deux saisons », raconte Niels Rahou. Des délais très courts qui obligent à une écriture collective comme dans les writing rooms anglo saxonnes. Ici, on dit « atelier d’écriture », précise l’expert, qui travaille pour chaque saison avec une équipe de quatre auteurs. « J’ai toujours fait le choix sur Skam France de choisir des auteurs jeunes, qui étaient plus ou moins en phase avec le public visé », explique-t-il. L’équipe de scénariste autour de Niels Rahou a donc entre 25 et 30 ans. « Certains sortent de la FEMIS, mais pas que, certains sont des autodidactes », détaille-t-il.
« De quoi on va parler cette saison ? »
« J’ai la chance de pouvoir m’occuper d’une saison après l’autre je ne suis pas obligé de cross border comme David », le réalisateur, explique le scénariste. La première mission du directeur de collection est de définir « de quoi on va parler cette saison ? Quelle est l’arche générale de la saison ». Le réalisateur David Hourrègue est impliqué dès cette étape. Niels Rahou rédige ensuite une proposition qui doit être validée par la NRK, la chaîne norvégienne qui a lancé le format, Banijay Studios France, la maison de production de la série et France Télévisions.
Une fois l’arche générale de la saison validée, le travail en atelier commence : « De façon assez soutenue, cinq jours par semaine. D’abord, on “breake” la saison en 10 épisodes. Ensuite, on “breake” chaque épisode en séquences », raconte le scénariste. Une fois que le séquencier est terminé, les quatre auteurs et Niels Rahou repartent chacun de leur côté avec deux épisodes à écrire. « Chaque auteur écrit les continuités dialoguées chez lui », explique le scénariste. Une fois que le directeur de collection a récupéré toutes les copies, il va relire l’intégralité des 10 épisodes et tout « relisser », c’est-à-dire harmoniser. « L’homogénéité de la saison est ainsi plus simple à obtenir », estime-t-il. Le directeur de collection va ensuite soumettre les scénarios au réalisateur, à la maison de production et à la chaîne. « Ils vont me faire des retours, des remarques, des suggestions et je vais les intégrer dans les scénarios. L’objectif final est d’arriver à une version qui convienne à tout le monde », résume-t-il.
Sur Skam France, comme le réalisateur est impliqué à chaque étape, « 90 à 95 % de ce qu’on écrit se retrouvent à l’écran », salut le scénariste. « Après, on fait avec les impondérables. La saison 5 a été écrite au départ en incluant le personnage de Manon, mais comme Marilyn Lima n’était finalement pas disponible, on a dû faire des modifications de dernière minute. J’ai réécrit en une nuit toute la saison en enlevant son personnage mais aussi toutes les occurrences liées à son personnage et les conséquences de ce que son personnage avait pu dire ou faire », se souvient le directeur de collection.
« Dramatiser a minima des séquences de la vie quotidienne »
« Il y a trois manières de regarder Skam. On peut regarder clip par clip, épisodes par épisode ou binger une fois que la saison est achevée », résume le scénariste. Le dispositif de diffusion très particulier de Skam France, « en temps fictif réel » est « forcément pris en compte » au moment de l’écriture. « Chaque saison, chaque épisode, chaque séquence doit avoir son propre rythme », estime Niels Rahou. Autre défi : « Il faut réussir à dramatiser a minima des séquences de la vie quotidienne pour donner envie de voir la prochaine séquence », note le directeur de collection.
Les spectateurs qui suivent Skam France ne savent pas quand la prochaine séquence va être diffusée. « C’est hyperintéressant en tant qu’auteur d’intégrer cette dimension. On en joue dans la narration, mais pas de manière artificielle. Si on fait dire à un personnage : “on se voit vendredi à la crémaillère de Lucas et Eliott”. Le spectateur se doute que vendredi sera diffusée une séquence au moment de la crémaillère. Mais si un rendez-vous donné est annulé, cela plonge le spectateur dans le flou et offre une nouvelle expérience de visionnage. »
Arrière et premier plan
Comme chaque spectateur a son personnage préféré, « l’enjeu, en tant qu’auteur, est de ne pas céder à la facilité. Si naturellement des personnages sont appelés à être là, il ne faut pas les enlever, mais il faut trouver un équilibre en fonction de l’histoire que l’on raconte », rappelle le scénariste. « Le plus important reste l’histoire du personnage principal de la saison. On ne va pas faire un clip qui sera vu des centaines de milliers de fois, en montrant Lucas et Eliott ensemble par exemple, si cela n’a rien à voir avec le scénario. »
Pour jongler entre personnages principaux et personnages secondaires, Niels Rahou a une autre astuce. « Nous sommes aidés par le dispositif transmédia. Chaque personnage a un compte Instagram. Du coup, si on voit moins tel ou tel personnage durant un épisode voire une saison, il peut continuer à exister par le biais de ses storys et post sur instagram. Par exemple, à la crémaillère de Lucas et Elliot, Imane est avec Sofiane. Après, elle a posté sur Instagram un message disant : “Ne dites pas que ma mère l’adore”. Cela laisse supposer que Sofiane a rencontré la mère d’Imane. Du coup, cela permet de voir les personnages évoluer en arrière-plan. »
Les fêtes, nombreuses dans Skam France, permettent aussi de retrouver les héros des saisons passées, mais les auteurs sont aussi soumis à des contraintes techniques et budgétaires. « 10 épisodes d’une vingtaine de minutes, c’est peu », souligne Niels Rahou. Et de poursuivre : « Entre une soirée avec 10 comédiens et une soirée avec 20 comédiens, Cela fait 10 cachets supplémentaires ».
« Frais et moderne mais aussi s’assurer de ne pas être daté dans six mois »
Si Skam France est un aussi grand succès, c’est parce que le public visé, celui des jeunes adultes, se reconnaît dans les histoires qu’on lui raconte. Une attention toute particulière est accordée aux dialogues qui doivent sonner juste. « Parfois, on se rend compte en tournant que quelque chose ne fonctionne pas. J’ai la chance, d’avoir un réalisateur qui fait très confiance aux auteurs et qui m’appelle dans ces cas-là », applaudit le scénariste.
Ce ton qui sonne juste, on le doit aussi « aux ajouts des comédiens, encore plus jeunes que les scénaristes, à qui on donne la possibilité de s’approprier le texte. Ils ont la possibilité de dire exactement la même chose mais peut-être de manière plus actuelle », déclare l’auteur qui salue la « formidable capacité d’improvisation » de Robin Migné, qui campe Arthur en saison 5. Seule limite à l’exercice : « Quelque chose de très actuel, frais et moderne aujourd’hui, peut être très vite daté dans cinq ou six mois. S’il peut y avoir des expressions comme “schlag” dans le premier épisode de la saison 5, généralement, on essaie d’avoir des expressions pas trop datées 2019. Le langage des jeunes évolue beaucoup. » La série Skam, premier
teen drama français salué à l’étranger, est donc prête à entrer dans l’histoire de la fiction française.
Source: Lire L’Article Complet