La charge mentale ne concerne pas que les adultes. Hyperstimulation, projection, exigence et pression des parents… Les enfants aussi peuvent parfois être épuisés et à bout. Comment cela se manifeste-t-il et quels sont les conséquences ? On fait le point avec la psychologue Aline Nativel Id Hammou, pour savoir réagir et apaiser son enfant.
- Qu’est-ce que la charge mentale chez l’enfant ?
- Signes de la charge mentale chez l’enfant
- Causes
- Conséquences
- Comment réagir ?
Comment se caractérise la charge mentale chez l’enfant ?
Quand on parle de charge mentale, on pense surtout à la charge mentale maternelle. Mais celle-ci existe aussi chez les enfants. La définition de la charge mentale chez l’enfant « est quasi-commune à celle de la charge mentale chez l’adulte », précise Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne spécialisée dans le domaine de l’enfance et autrice de La charge mentale des enfants (éditions Larousse). Les sujets de préoccupation des enfants ne sont pas les mêmes que leurs parents, mais il n’empêche qu’elle va se manifester de la même façon. « Cela va être un ensemble d’opérations mentales qui vont avoir une nature négative, coercive, obligatoire, et surtout qui vont être prenantes, dès le réveil de l’enfant jusqu’à un accompagnement des rêves qui vont devenir des cauchemars. La forme de pensée sera toujours dans l’aspect obsessionnel : « n’oublie pas., « il faut que », « tu dois être », « tu dois correspondre à », explique Aline Nativel Id Hammou.
Charge mentale chez l’enfant : les signes à repérer
La fatigue
Plusieurs signes peuvent révéler qu’un enfant est en charge mentale. « Le premier signe important, c’est la fatigue physiologique, qui est un symptôme très présent. Ses pensées vont avoir un impact sur le sommeil, comme une rumination mentale. L’enfant ne va jamais se mettre sur pause, que ce soit cognitivement, physiquement ou psychologiquement. Il ne va pas s’autoriser à se détendre », précise la spécialiste. Il va donc y avoir des tensions physiques et une rigidité psychologique qui vont se mettre en place, parce qu’il voudra absolument rentrer dans les cases dans lesquelles il pense devoir rentrer, ou dans lesquelles on le force à rentrer, « parce que l’objectif d’un enfant, c’est de faire plaisir à ses adultes de référence ».
L’enfant dit toujours oui à tout
Un autre signe qui doit alerter les parents, c’est si leur enfant dit toujours oui à tout. « C’est normalement peu commun dans le développement de l’enfant. Il y a souvent une phase d’opposition dans le développement de la personnalité. Ces enfants vont donc dire oui à tout, voire anticiper les demandes de l’adulte et toujours se rendre disponibles pour lui », indique Aline Nativel Id Hammou.
Un comportement mécanique, sans plaisir
La charge mentale peut aussi se traduire par un comportement mécanique. « Des enfants en charge mentale vont se comporter un peu comme des robots. Ils vont faire les choses parce qu’il faut les faire, mais il n’y aura aucun plaisir. Par exemple, c’est un enfant qui ne prendre plus de plaisir à faire un câlin à son animal de compagnie, à dessiner, ou même à apprendre. Souvent, il y aura aussi des troubles relationnels avec ses pairs. Cet enfant sera davantage à l’aise avec des adultes qu’avec d’autres enfants ».
La régression
Enfin, un autre des signes les plus fréquents, c’est la régression.« Comme on en demande tellement à l’enfant, comme à un adulte, il va récupérer un peu d’insouciance et de légèreté en régressant jusqu’à un stade de son développement, déjà dépassé. Il y a le phénomène des pipis au lit, voire aussi des selles, un enfant qui va demander beaucoup de câlins, qui va coller ses parents alors qu’il ne le faisait plus, qui va recommencer à avoir des angoisses par rapport au sommeil ou au fait d’être seul », précise la psychologue.
Qu’est-ce qui pousse les enfants à être en charge mentale ?
« Les causes sont différentes en fonction des enfants et des familles, mais ce qui ressort le plus souvent, c’est la transmission des angoisses des adultes face à l’avenir et au contexte de notre société qui n’est pas très sécurisant », explique Aline Nativel Id Hammou. Ce phénomène va prendre une grande importance, avec des « notions de performance, de réussite, de résistance aux événements ». Souvent, peut s’ajouter à cela le mégamorphisme, c’est-à-dire le fait de considérer un enfant comme un adulte. « Il va y avoir un désir qu’il soit autonome et responsable rapidement, voire même qu’il dépasse plus rapidement les stades de développement « normaux » », ajoute la psychologue. La charge mentale des enfants va parfois être en lien avec la pression que les parents mettent sur eux-mêmes pour être de bons parents. « Avec la nouvelle parentalité, les parents vont lire beaucoup de livres, consulter des spécialistes, et finalement il y a aura un trop-plein d’informations, parfois contradictoires », explique la spécialiste.
Il faut aussi parler de l’hyperstimulation qui touche les enfants : les écrans, les activités, l’école… Tout un panel d’activités s’offre à eux, alors même qu’ils sont encore très jeunes. « Les cours d’anglais dès 1 an, les cours de musique, de codage… . Enfin, il ne faut pas oublier non plus les projections parentales. « Ce phénomène touche tous les parents, mais certains plus nettement. Avant et après la naissance, et parfois avant même la conception, ils vont s’imaginer leur enfant, développer des attentes le concernant, que ce soit un « mini-moi » ou un enfant plein d’idéalisme, en tous cas un fantasme qui ne correspond pas du tout à la réalité », explique Aline Nativel Id Hammou. Et comme l’enfant voudra s’y conforter, il risque de se mettre la pression pour coller à ce que ses parents attendent de lui.
Quelles sont les conséquences de la charge mentale chez l’enfant ?
Outre la fatigue ou la régression, la charge mentale peut aussi entraîner des troubles du sommeil, de l’attention ou de l’apprentissage. « Forcément, l’enfant est très fatigué car il sera toujours sur le qui-vive. On peut avoir des enfants qui glissent doucement dans le burn-out infantile, puisqu’il y aura trop de sollicitations. Ce qui va mener au burn-out, c’est aussi l’incompréhension face à certaines injonctions contradictoires : on les considère souvent comme des minis adultes et on attend qu’ils se comportent en tant que tels, mais dès qu’on peut leur rappeler que ce ne sont que des enfants, on le fait. En disant par exemple « ce n’est pas toi qui décide, c’est moi l’adulte ». Ces enfants vont donc se vider, n’arrivant pas à mettre du sens sur ce qu’ils vivent , explique la psychologue. Dans d’autres cas, l’enfant en charge mentale peut connaître un passage dépressif. « Ce sera une dépression masquée. Des troubles du comportement pourront exprimer le niveau de tristesse, mais dans des situations inadaptées. Par exemple, l’enfant va avoir un jouet qu’il demande depuis longtemps, mais au lieu de se réjouir de l’avoir enfin, il va se mettre à pleurer », indique Aline Nativel Id Hammou. -Enfin, les conséquences de la charge mentale peuvent parfois être encore plus graves. Idées suicidaires, notamment chez les 7-12 ans, scarifications… « J’ai déjà reçu des enfants qui s’auto-mutilaient parce qu’ils n’arrivaient pas à exprimer leur souffrance verbalement, donc cela passait par leur corps. Une autre conséquence très négative : les enfants qui vont se masturber très souvent, parce que ce sera le seul moyen pour eux de retrouver un peu de plaisir « .
Enfant en charge mentale : comment réagir ?
Adapter l’emploi du temps de l’enfant
Pour commencer, « il faut faire un check-up complet avec le médecin de l’enfant : sa croissance, son poids… La fatigue physique est très importante et elle peut avoir des conséquences sur le développement », rappelle la spécialiste qui recommande surtout de revoir l’emploi du temps de l’enfant dans son intégralité avec, au maximum, deux activités extrascolaires par semaine. « La plupart des enfants en charge mentale sont trop occupés, trop stimulés. Il n’y a jamais de temps de répit, de pause, d’ennui », explique-t-elle. Pour limiter les activités, comme pour le reste, l’avis de l’enfant compte.
Evaluer la tristesse de l’enfant.
« La plupart des enfants en charge mentale sont tristes, mais ils font tout pour le cacher, comme ils s’épuisent à correspondre à ce qu’on attend d’eux et qu’ils changent ce qu’ils sont », souligne l’experte. Il faut aussi discuter avec l’équipe pédagogique pour savoir comme cela se passe à l’école. « Ce qui compte le plus pour un enfant à l’école, ce n’est pas les notes, mais le fait d’avoir des copains et de se sentir bien dans son établissement. Il faut revoir son enfant comme un enfant et pas seulement comme un élève ». On peut également lui demander de dessiner sa famille pour révéler d’éventuels problèmes. Par ailleurs, n’hésitez pas à vous entourer d’un expert référent. « Cela peut être un psychologue, un pédiatre, un pédopsychiatre, un psychomotricien… L’important est d’avoir des rencontres et un interlocuteur direct, un point de repère pour aider l’enfant et les parents . »
Du côté des parents
La charge mentale de l’enfant pouvant être liée aux angoisses des parents, il faut également travailler là-dessus. « Quand on parle d’études supérieures à un enfant de 6 ans qui n’est qu’au CP, il ne peut pas comprendre, se projeter. Ce n’est pas la même temporalité. Les enfants vivent l’instant présent au fur et à mesure que les choses se présentent, et les adultes doivent le comprendre », souligne Aline Nativel Id Hammou. De la même façon, on peut parler de l’actualité avec les enfants ou des choses qui stressent les parents, mais il faut trouver les bons mots. « Quelques fois, on veut trop intellectualiser auprès des enfants, et on leur demande de maîtriser des choses que nous-mêmes ne sommes pas capables de maîtriser. Il faut savoir employer les bons termes, et surtout se mettre à leur hauteur en prenant le temps de comprendre ce qu’ils perçoivent ». Enfin, si l’angoisse est trop présente chez l’adulte, il ne faut pas hésiter à faire une démarche de thérapie individuelle de son côté.
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Les parents doivent aussi apprendre à dépasser les projections qu’ils ont faites. « Ce n’est pas un mini-vous, c’est un minuscule bout de vous. Pour dépasser cela, on intègre les adultes référents dans la thérapie de l’enfant, c’est un travail d’équipe. Les projections parentales sont logiques, l’enfant lui-même va se projeter sur ses parents pour se construire. Mais il faut laisser faire l’enfant quand il veut s’en détacher, c’est parfaitement normal ! », souligne la psychologue. Enfin, il faut que les parents prennent confiance en eux. « La notion d’être un bon parent est très importante, et c’est normal. Mais il y a beaucoup de parents qui culpabilisent, qui sont perdus, et qui ne s’écoutent plus non plus », indique l’experte. Il faut donc apprendre à relativiser ses angoisses en tant que parent.
La charge mentale des enfants Dans son livre, Aline Nativel Id Hammou revient sur la notion de charge mentale, les causes et les solutions. Elle aborde plusieurs outils à disposition des parents pour faire face à la situation. Par exemple, évaluer la tristesse de l’enfant ou la position qu’il pense avoir dans la famille grâce à Léon Le Lémurien. A la fin de l’ouvrage, on retrouve une boîte à outils avec des questionnaires pour évaluer la situation de l’enfant et des parents, et une explication des couleurs utilisées par l’enfant dans ses dessins, qui peuvent être très révélatrices. La charge mentale des enfants, quand nos exigences les épuisent, par Aline Nativel Id Hammou avec Alix Lefief-Delcourt, éditions Larousse, 14,95 euros. |
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