- Les politiques ont compris depuis longtemps que les réseaux sociaux étaient des moyens de communication dont ils ne pouvaient se passer.
- La plupart se contentent néanmoins des classiques Facebook et Twitter, plateformes désormais délaissées par les plus jeunes.
- Certains élus, notamment des élus locaux, ont pris le pari de se lancer sur TikTok pour élargir leur audience et transmettre leurs messages avec humour et pédagogie.
Outre poster des vidéos de chats mignons, les réseaux sociaux ont aussi l’avantage de créer une proximité, notamment avec les jeunes. Un avantage que certains élus locaux ont bien compris et qu’ils exploitent à différents desseins. Si la plupart des politiques sont déjà présents sur les plateformes historiques, comme Facebook, d’autres ont relevé le défi beaucoup moins conventionnel de TikTok. Du nouveau venu à l’utilisateur confirmé du réseau social chinois, 20 Minutes a sélectionné trois profils d’élus locaux dans l’Oise, de l’Essonne et le Doubs.
Ismaël Boudjekada, l’opposant aux 200.000 followeurs
A 28 ans, Ismaël Boudjekada n’est plus un lapin de six semaines. Au niveau politique, il s’est déjà présenté à bon nombre d’élections, notamment la présidentielle, avant d’entrer dans l’opposition municipale à Grand-Charmont, dans le Doubs. Sur les réseaux sociaux, il est présent partout, mais c’est sur TikTok qu’il obtient la plus forte audience grâce à ses 202.700 followeurs. Il faut dire que le jeune conseiller municipal est au taquet, avec plus de 200 vidéos postées, sans compter les lives, en seulement un an de présence sur la plateforme chinoise. « Même moi je suis encore surpris lorsque je vois les chiffres », glisse-t-il.
Car il ne cherche pas le buzz, même s’il le trouve souvent : « Je ne m’interdis rien et je ne fais une vidéo que parce que j’ai envie de partager quelque chose qui pourrait intéresser les gens », poursuit Ismaël Boudjekada. Et s’il traite un peu de l’info locale, notamment pour tacler en bonne et due forme le maire de sa commune, le presque trentenaire surfe aussi sur l’actualité politique nationale, en passant par les médias, la cuisine et les petites astuces juridiques. « Ma vidéo qui a le plus marché est celle dans laquelle je donne des conseils sur les contrats d’assurance auto », se souvient-il.
Son succès est raillé par ses adversaires à la mairie et envié par une bonne partie du monde politique, a tel point que certains le contactent pour lui demander des conseils. « On me dit souvent que j’arrive à rendre intéressants des contenus pas sexy », assure le conseiller municipal. Des marques aussi s’intéressent à lui pour des placements de produits. « Ça, je m’y refuse, sauf pour aider un artisan du coin qui débute », insiste-t-il. D’ailleurs, Ismaël Boudjekada n’a pas besoin de ça puisqu’il reconnaît sans broncher gagner entre 500 et parfois 2.500 euros par mois grâce à TikTok. « C’est une information que j’estime devoir être publique, comme le montant de la retraite de Gérard Larcher », ironise le jeune homme. Et ce sera tout l’objet de sa prochaine vidéo.
François Parolini, la resta d’Itteville
Itteville est une petite commune de 6.700 habitants, située dans l’Essonne, au sud de Paris. Sans offense, il n’y a rien là-bas de vraiment exceptionnel qui pourrait lui valoir une renommée nationale. Et pourtant, le nombre d’occurrences médiatiques qui ressortent sur Internet à son sujet est impressionnant. Et c’est à son maire, François Parolini (DVG), que la ville doit cette célébrité. Elu en 2020, le sexagénaire moustachu a passé la première année de son mandat à faire un constat terrible : « On n’arrivait plus à toucher les jeunes, même avec Facebook, qu’ils ont lâché », reconnaît-il.
Alors, aiguillé par sa conseillère en com, il a décidé de se pencher sur TikTok. « C’est finalement un outil assez simple et très créatif. Il suffit d’observer un peu ce qu’il s’y passe et de le prendre à la cool », estime l’élu. Et il a vite chopé de truc, dénichant les trends qui marchent en les reproduisant à sa sauce. Il se met en scène sur du Orelsan, du Eminem, en Dark Vador. Pour François Parolini, « l’humour, c’est un très bon vecteur de communication ». Car s’il manie avec brio la dérision, c’est dans un but précis : faire passer un message politique avec pédagogie. « Renouveler le discours politique pour intéresser les jeunes, notamment au rôle des collectivités locales ». En ligne de mire, les « intercos » comme il dit, communauté de communes, département, région, qui tendent à prendre le pas sur les maires.
Ça ne lui plaît pas, alors ils les affichent, comme dans sa vidéo « couscous » où il dénonce l’iniquité de traitement entre les communes de la communauté. « Les politiques du coin nous scrutent, nous dénigrent », lâche-t-il sans y prêter plus d’attention. En attendant, il a deux fois plus de followeurs que d’habitants dans sa ville.
Christophe Dietrich, la terreur des dépôts sauvages
Maire de Laigneville, dans l’Oise, depuis 2014, Christophe Dietrich a sa petite notoriété. A peine en place, le quinquagénaire a décidé de s’attaquer à un phénomène qui pourrissait la vie de sa commune : les dépôts sauvages d’ordures. Sa technique du « retour à l’envoyeur » était radicale, mais les effets tardaient à se faire ressentir jusqu’à ce qu’il découvre Facebook : « Si on veut que ce soit efficace, que ça ait une valeur pédagogique, il faut le faire savoir », assure-t-il. Postées sur les réseaux sociaux, ses vidéos spectaculaires de déchets redéposés chez leurs propriétaires ont fait un carton : « On a eu 50 % de dépôts sauvages en moins dès le premier mois et là, ça faisait dix mois qu’on n’avait rien eu », se félicite-t-il.
Si Facebook lui a plutôt réussi, Christophe Dietrich a tout de même ouvert un compte TikTok il y a quelques semaines qui compte déjà 700 followeurs. « L’idée vient de ma fille de 18 ans, reconnaît-il, pour montrer ce qu’est le quotidien de la vie d’un maire ». Alors oui, on y trouve une vidéo d’un auteur de dépôt sauvage, attrapé en flag ce week-end. Et c’est d’ailleurs la plus vue. Mais dans une autre, l’élu s’attarde sur les conflits de voisinage, « la croix de pénitent du maire », déplore-t-il. Repas des aînés, chute d’arbre, conseil municipal : tout y passe.
Pédagogie, humour et proximité. « Ça me permet d’être informé en temps réel de ce qui se passe sur la commune et d’être réactif. Cela crée un lien très fort avec la population », estime Christophe Dietrich. C’est aussi très chronophage ; d’où la nécessité, « de temps en temps, de se sevrer un peu ». Mais, parce que c’est sa marque de fabrique et qu’il ne peut s’en empêcher, le maire de Laigneville ne se prive pas d’un petit coup de gueule parfois. Dernière cible en date, Total et sa « leçon de cynisme du siècle ».
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