- Privé de nourriture, le corps puise dans ses réserves
- De 24 à 48h sans manger : graisses et muscles hyper sollicités
- Une fois le jeûne arrêté, une reprise de poids presque inévitable
Certain.es sautent le petit-déjeuner, d’autres également le déjeuner, voire même tous les repas d’une même journée. Qu’il dure 12h, 16h, 20h ou même plusieurs jours d’affilé, le jeûne intrigue. Selon ses adeptes, cette privation de nourriture sur une période donnée serait pourtant bénéfique pour notre santé, et notamment celle de notre système digestif.
À ce sujet, les avis des médecins divergent. Et l’actualité effraie : des décès en cure de jeûne sont parfois signalés.
Quand on sait que le besoin énergétique moyen se situe entre 2400 et 2700 calories pour les hommes et 2000 à 2200 calories pour les femmes, on se demande alors : où le corps puisse-t-il son énergie quand il n’est pas nourri ?
Anne-Laure Laratte, diététicienne nutritionniste, nous explique ce qu’il se passe réellement dans notre corps quand on jeûne.
Privé de nourriture, le corps puise dans ses réserves
“Un jeûne commence à partir de 12 heures sans nourriture. On le fait tous lorsqu’on dort”, clarifie d’entrée la diététicienne. En effet, si la faim ne nous réveille pas la nuit, c’est parce que le corps produit de la leptine, une hormone imitant la sensation de satiété. Au réveil s’active la ghréline, qui elle, stimule l’appétit avant les repas. D’où l’envie, parfois irrépressible, de se jeter sur un petit déjeuner bien sucré.
Le premier type de jeûne “imposé” commence ainsi à partir de 12 heures de privation, et peut aller jusqu’à 16 heures sans manger : c’est le fameux jeûne intermittent, ou fasting. En général, ses adeptes commencent à manger à partir de 12h et s’arrêtent avant 20h. Le jeûne dure ainsi plus longtemps que la période où l’on s’alimente.
Mais, pendant ces 16 heures, le corps commence doucement à perdre ses repères. Habitué à être nourri toutes les trois ou quatre heures, il va chercher à puiser dans ses propres ressources pour continuer à tourner. “C’est comme une voiture : si elle n’a plus de carburant, elle va commencer à chercher dans ses réserves de quoi tenir. L’organisme va directement se tourner vers les sucres, situés dans les muscles et le foie », vulgarise Anne-Laure Laratte.
D’après elle, les effets du jeûne peuvent déjà se faire sentir à ce moment-là. “Pour certain.e.s, ce jeûne va paraître naturel. Ces personnes vont se sentir beaucoup plus énergiques, elles observeront de meilleures performances lors d’une séance de sport, auront moins de fringales”, explique la spécialiste.
Mais pour d’autres, la lutte commence. “À cause des privations, le jeûne intermittent peut perturber le comportement alimentaire. Le corps va chercher de l’énergie dans des aliments gras, et cela peut entraîner des compulsions alimentaires chez certain.es.”
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De 24 à 48h sans manger : graisses et muscles hyper sollicités
Lorsqu’on impose au corps une privation pendant plus de 24h, les réserves en glucose s’amenuisent, et le corps va chercher son énergie ailleurs. Notamment dans les réserves lipidiques, à savoir les graisses. On appelle cet état, la cétose.
“Certaines personnes ayant pratiqué ce type de jeûne décrivent une sorte d’euphorie, comme lorsqu’on est en état d’ivresse, car le fonctionnement du corps demande beaucoup d’énergie. Mais cette allégresse ne dure pas. On est sur les nerfs à cause de la faim, dont la sensation est inconfortable”, décrit Anne-Laure Laratte.
Interrogé par Doctissimo, le Dr Lionel Coudron, yogathérapeute, évoque aussi le risque « d’acidose », qu’on appelle, plus communément la crise de foie. Un changement métabolique brutal qui s’opère lorsque le gras est transformé en corps cétoniques dans le foie, et qui se manifeste par des “maux de tête, des nausées ou même des éruptions cutanées”.
Une fois la totalité du glucose et des graisses présents dans le sang épuisés, le corps sera contraint d’aller chercher dans les tissus musculaires et dans les protéines. Ce qui peut être à l’origine d’un sentiment de grande fatigue.
En état de cétose, c’est à ce moment-là que le corps engage une perte de poids plus ou moins visible. Ce qui n’est pas nécessairement une bonne nouvelle, prévient Anne-Laure Laratte. “C’est surtout du muscle que l’on perd, car il est plus lourd que la graisse”.
Une fois le jeûne arrêté, une reprise de poids presque inévitable
Une perte de poids réelle, mais trop rapide pour être efficace sur le long terme selon la diététicienne-nutritionniste. “Quand ces personnes vont reprendre un mode d’alimentation normal, elles risquent de prendre du poids.Le corps aura tellement manqué, qu’il sera dans une demande de gras presque irrépressible. On le voit par exemple avec les candidats de l’émission de survie Koh-Lanta : à leur retour en France, ils reprennent tous leurs kilos – voire plus – rapidement”.
Sceptique face aux véritables bénéfices du jeûne sur le poids, Anne-Laure Laratte indique cependant avoir pu recommander ce régime à des personnes souffrant de troubles intestinaux. Lorsqu’il ne stocke aucune graisse, le système digestif est mis au repos. Un renouvellement du microbiote peut alors offrir un sentiment de légèreté et d’apaisement aux personnes présentant, par exemple, le syndrome du côlon irritable.
Les adeptes de médecines douces arguent que le jeûne aurait même des effets détoxifiants. Moins sollicité, le foie aurait plus de facilités à neutraliser et éliminer les toxines accumulées. À ce sujet, la science n’a elle rien prouvé.
Une chose est sûre : lorsque le jeûne dure trop longtemps, les conséquences peuvent être dramatiques pour l’organisme. “Au-delà de deux semaines, il peut provoquer des anémies par carence en fer, des inflammations et des fibroses au niveau hépatique et une dégradation du capital osseux”, prévenait en 2015 l’Inserm dans un rapport. Mieux vaut donc en discuter avec son médecin traitant avant de se lancer.
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