Ahmed Sylla est humoriste et acteur. Le public français l’a découvert sur scène avec l’équipe du Samba Show, puis à la télévision sur France 2 dans l’émission de Laurent Ruquier, On ne demande qu’à en rire. À ce moment-là, son pseudo Ahmed Sarko se transforme en Ahmed Sylla, humoriste toujours souriant aux nombreux personnages assez farfelus, profondément humains. Avec le Palais des Glaces et son premier one man show, À mes délires, il va s’étoffer et devenir le Ahmed Sylla avec un grand A, aimé par un public conquis.
Aujourd’hui, sa place sur petit et grand écran ne fait plus l’ombre d’un doute et il est, d’ailleurs, à l’affiche du film qui sort ce mercredi 28 septembre 2022, Jumeaux mais pas trop, de Wilfried Méance et Olivier Ducray. C’est l’histoire de deux hommes qui apprennent 33 ans après leur naissance, l’existence de l’autre.
franceinfo : Pour Grégoire et Anthony, la surprise est d’autant plus grande que l’un est noir… et l’autre blanc. Pour que ce phénomène génétique survienne, il y a à peu près une chance sur un million. Leur couleur de peau n’est pas le sujet du film, c’est vraiment plus un film sur la notion de la famille.
Ahmed Sylla : C’est exactement ça. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté de faire ce film. Si ce film avait été une espèce de réunion de blagues entre les Noirs, les Blancs, etc. Je ne serais pas là pour faire cette interview.
Vous avez mis du temps à dire oui !
Oui, un peu. J’ai pris le temps de le lire parce que je lis tous les scénarios que je reçois. Et c’est la première fois que ça m’arrive, j’ai été ému à la lecture du scénario. J’ai un rapport très proche avec ma famille et ce film m’a rapproché d’eux.
Vos parents sont des commerçant sénégalais. Qu’est-ce qu’ils vous ont transmis dans votre enfance ?
Ma mère avait à cœur de nous transmettre des valeurs très universelles. Je ne suis pas quelqu’un qui a peur du travail ou de la somme de travail qu’il faut fournir pour arriver à quelque chose. Ma mère est arrivée dans les années 1980 en France et je vous jure, je ne l’ai jamais vu s’arrêter de travailler. Elle n’a jamais pris de vacances. La première fois qu’on est partis en vacances ensemble, c’était en Turquie en 2018. J’ai donc cette volonté de lui ressembler un peu et de ne pas rechigner face au boulot.
Quand on vous voit, c’est aussi pour ça que vous parlez au public, c’est qu’on sent que vous ne forcez jamais le trait, les émotions. On sent, finalement, que rien de négatif ne peut vous toucher.
J’essaye en tout cas. Par exemple, on peut critiquer mon travail, je n’ai aucun souci avec ça. Par contre les critiques injustement fondées, juste pour blesser la personne, parfois ça peut m’atteindre, mais encore une fois je reviens à mon socle familial. Moi ce n’était pas mon rêve d’être humoriste, d’être comédien, de passer à la télé, ce qui fait que si ça s’arrête demain, je l’ai toujours dit : j’aurais kiffé.
Ce film est vraiment un regard, un focus sur cette fratrie certes, mais surtout sur le phénomène qu’on est beaucoup plus fort, tous ensemble que tout seul…
Je ressemble beaucoup au personnage d’Anthony. J’ai grandi dans une cité à Nantes et j’ai évolué avec le tissu associatif. C’est-à-dire qu’on a eu à faire à des assistantes sociales. Mes premières vacances, mes premiers campings, c’étaient grâce à l’associatif.
à franceinfo
Et après, je suis devenu moi aussi animateur. J’avais à cœur de prendre les plus jeunes et d’essayer de leur dire : « Voilà, essayez ci, essayez ça« . Je leur ai fait faire des petites formations de théâtre et en fait, on ne se rend pas compte à quel point ça peut sauver des vies. Littéralement.
C’est par le biais de l’école que vous allez découvrir le théâtre. Ça a été un coup de foudre ?
Ça a été un coup de foudre. Et vraiment, je peux remercier maman qui a fait cet effort de se saigner parce que c’étaient des écoles qui coûtaient très cher. Je me souviens du premier trimestre, ça allait, on arrivait à payer. Deuxième trimestre, elle appelait la direction pour s’arranger avec eux pour payer un peu plus tard. Je ne les remercierai jamais assez, ils ont été toujours hyper compréhensifs et ils ont été à l’écoute.
Le théâtre m’a littéralement sauvé la vie parce que c’est à cet endroit-là, sur scène, que je me sentais vivant.
à franceinfo
Vous avez appris votre métier et vous avez pris le temps de faire les choses comme vous souhaitiez les faire. Ça commence par la scène, inspiré par beaucoup d’humoristes, d’acteurs très marqués par la gestuelle comme Louis de Funès, Jim Carrey, Courtemanche !
Michel Courtemanche, incroyable ! Je me souviens de moments avec ma maman où on regardait Michel Courtemanche, juste elle et moi, on était morts de rire. Et après pareil avec Louis de Funès. Ma mère me disait toujours : « Je veux que tu aies la même carrière que Louis de Funès ! Pareil que lui« .
La plus grande force de ce film et je vais terminer là-dessus, c’est de faire avancer les mentalités sur les préjugés qu’on peut avoir.
C’est ça. Ce qui est beau aussi, c’est que mon personnage a autant d’a priori sur le personnage de Bertrand Usclat (Grégoire Beaulieu) que lui en a sûrement. Et après, effectivement, il y a ces préjugés sur une maman qui abandonne ses enfants. Et je pense que ça fait écho aussi un peu à la société dans laquelle on vit aujourd’hui et dans laquelle on réagit beaucoup par passion. On ne prend pas le temps aujourd’hui d’avoir une info, de l’analyser et après de se faire son propre avis. Et c’est vrai que ce film, il va un peu casser ces préjugés et on va se prendre un petit peu une claque dans la gueule. On va se rendre compte que, ben non, il ne faut pas réagir émotionnellement, parfois la vie fait qu’on n’a pas le choix.
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