Le corps d’Alexia Daval avait été retrouvé le 30 octobre 2017 à Gray-la-Ville (Haute-Saône), trois jours après sa disparition. Le 21 novembre 2020, Jonathann Daval a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de la Haute-Saône, à Vesoul, pour le meurtre de son épouse. Une peine saluée par la famille de la victime comme « à la hauteur de [leur] souffrance ». Le meurtrier n’a pas fait appel du verdict.
Devant les jurés, Jonathann Daval a, pour la première fois, reconnu avoir eu l’intention de tuer son épouse ce soir du 27 octobre 2017. « Je voulais qu’elle se taise », a-t-il confié, jurant de ne pas avoir prémédité le meurtre. Il a aussi affirmé être « le seul impliqué » dans ce meurtre, et dans l’incendie du corps d’Alexia.
« Disparition d’une joggeuse »
Dans la matinée du 28 octobre 2017, la disparition d’Alexia Daval, banquière âgée de 29 ans, est signalée à la gendarmerie, qui mobilise des dizaines de personnes pour la retrouver, aidée par les habitants. Son époux, Jonathann Daval, prétend être parti à sa recherche. Il affirme qu’elle partie faire un footing, et n’est jamais revenue.
Après trois jours de recherches, le 30 octobre, le corps de la jeune femme est retrouvé dans un bois d’Esmoulins, à proximité de de Gray-la-Ville, où vit le couple.
L’affaire est très vite médiatisée, en partie grâce à la mobilisation des parents d’Alexia, Jean-Pierre et Isabelle Fouillot, mais aussi, de son époux Jonathann, qui apparaît en pleurs à la tête du cortège de la marche blanche ayant rassemblé 8 000 personnes.
« Elle était mon oxygène », assure-t-il aux médias présents. À ce jour, il s’agit toujours de l’unique prise de parole publique de Jonathann Daval.
Trois mois après le meurtre, Jonathann Daval avoue, puis change de version
Le 29 janvier 2018, Jonathann Daval est interpellé et placé en garde à vue. Le lendemain, il finit par avouer le meurtre de son épouse. Il explique l’avoir étranglée « par accident », « pour qu’elle se taise ».
Quelques semaines plus tard, il contredit sa version et accuse son beau-frère Grégory Gay, le mari de la sœur d’Alexia, Stéphanie. Il évoque « un pacte secret » entre la famille d’Alexia pour « étouffer » l’affaire, en expliquant que la jeune femme aurait été étranglée par son beau-frère, au domicile des parents.
En décembre 2018, une confrontation est organisée entre la famille d’Alexia et Jonathann Daval, au tribunal de grande instance de Besançon. C’est à ce moment-là qu’il revient sur sa première déclaration. En se mettant à genoux devant sa belle-mère, il avoue avoir tué Alexia, seul.
Le 17 juin 2019, une reconstitution a lieu, en présence de l’accusé et de la famille. Il explique avoir battu son épouse, puis l’avoir étranglée « pendant quatre minutes ». Le meurtre s’est passé à leur domicile. Il aurait ensuite transporté le corps dans le bois où elle a été retrouvée. Alors qu’il le niait dans un premier temps, Jonathann Daval avoue aussi l’avoir « partiellement » brûlée.
Des analyses montrent la présence de trois molécules dans le sang d’Alexia : anti-douleur, décontractant musculaire et du tramadol. Ces résultats contrastent avec sa volonté d’avoir un enfant. Depuis un an, la famille accuse leur gendre d’avoir empoisonné Alexia et évoque une possible « soumission chimique ».
De nombreuses preuves contre le mis en cause
Quelques semaines après la mort d’Alexia, plusieurs preuves sont découvertes, confirmant l’implication de son mari. Dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017, il a utilisé sa voiture professionnelle pour transporter le corps. S’il nie les faits, le GPS atteste qu’elle a bien été déplacée.
Des traces de l’ADN de Jonathann sont découvertes sur le corps d’Alexia, alors qu’il réfutait d’abord avoir partiellement brûlé son corps, et soutenait l’avoir placé sous des branchages. Une bombe aérosol, ouverte, est retrouvée à son domicile, tandis que le capuchon correspondant était resté près du corps de la victime.
Parmi les autres preuves accablantes dont disposent les enquêteurs, figure l’ordinateur de Jonathann Daval. S’y trouve un texte écrit quelques jours après la mort de son épouse, détaillant les faits précis, et ses alibis.
Le combat des parents d’Alexia pour la mémoire de leur fille
Après les aveux de leur gendre, les parents d’Alexia changent le nom de famille sur la pierre tombale de leur fille. Il n’est plus mentionné Alexia Daval, mais Alexia Fouillot. Ils s’expriment régulièrement dans les médias avec la volonté de faire respecter la mémoire de leur fille.
Un mois après les aveux de Jonathann Daval, en mars 2019, la famille d’Alexia se confiait déjà auprès de BFMTV. « Je voudrais qu’on rétablisse la vraie Alexia, telle qu’elle était », soulignait Isabelle Fouillot.
Après les aveux, Me Randall Schwerdorffe, un des avocats de l’accusé, avait évoqué la « personnalité écrasante » d’Alexia. Des mots qui ont résonné jusqu’à l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa, qui les a utilisés pour parler de « victim-blaming », le fait d’induire qu’une victime est partiellement responsable de ce qu’elle a subi.
Au micro de RTL, elle avait poursuivi : « En disant cela, on légitime les féminicides, on légitime le fait que tous les trois jours une femme soit tuée sous les coups de son conjoint. »
Jeudi 28 novembre 2021, Isabelle et Jean-Pierre Fouillot publient un livre, Alexia, notre fille (Robert Laffon), pour raviver la mémoire de leur fille. « Nous savons que Jonathann a tué notre fille, mais nous ne savons toujours pas pourquoi, et nous ne le saurons certainement jamais », regrettent les époux Fouillot dans leur ouvrage.
Un procès douloureux
En novembre 2019, une expertise psychiatrique avait fait état d’une personnalité « de type obsessionnel », alors qu’un premier examen avait évoqué de la « domination » et de l' »agressivité » chez l’informaticien.
Le 12 novembre 2020, les parents d’Alexia se sont confiés à Franceinfo. « Il agissait comme un mari déploré », se remémore Jean-Pierre Fouillot. Dans cet entretien, ils reviennent aussi sur la difficulté de croire à la culpabilité de leur gendre au moment des aveux : « Dans un premier temps, on n’y croit pas. Non seulement on n’y croit pas, mais on ne comprend pas ce qu’on nous dit dans le bureau du juge. On se regarde, on avait presque envie d’en rire au départ, mais on s’est tout de suite rendu compte qu’il fallait prendre ça quand même au sérieux. »
Au total, 21 personnes se sont portées partie civile au cours du procès de Jonathann Daval, qui a eu lieu du 16 au 21 novembre 2020.
Durant ce procès, l’accusé s’est montré « insondable », a résumé Le Parisien. L’homme âgé de 36 ans a présenté « des excuses » à sa belle-famille. Les époux Fouillot ont dit « ne pouvoir se satisfaire de ces quelques mots », et attendaient des « explications ».
Au troisième jour, Jonathann Daval s’est évanoui, victime d’un malaise vagal au début de son interrogatoire, alors que les difficultés du couple à avoir un enfant étaient évoquées.
Durant ces six jours de procès, l’accusation a défendu la thèse de la préméditation, affirmant qu’Alexia Daval était droguée aux tranquillisants par son époux, des traces de médicaments, comme du Tramadol, ayant été retrouvées dans son sang à l’autopsie.
La thèse d’un viol post-mortem a aussi été défendue, des traces de sperme ayant été retrouvées dans le corps de la victime, sur son short et dans sa culotte. Deux accusations réfutées par Jonathann Daval, et qui n’ont pas été retenues au moment de l’instruction.
Il a aussi nié qu’Alexia Daval souhaitait divorcer, mais a reconnu avoir eu l’habitude de « fuir » leurs problèmes. Il a affirmé que ce 27 octobre 2017, il a « pété un câble », selon ses mots, lorsqu’elle l’aurait mordu, pendant une dispute.
Dans le volet civil de l’affaire Daval, Jonathann a été condamné à verser 165 000 euros de dommages et intérêts aux différents membres de la famille d’Alexia. Ils comprennent, entre autres, les frais d’obsèques pour Alexia ou encore le « préjudice d’affection ».
Ce procès civil avait été renvoyé début 2021 par la cour d’assises de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort. La famille d’Alexia Daval avait réclamé, en tout, 535 000 euros de dommages, au titre de préjudice moral et matériel.
Un féminicide devenu le symbole des violences faites aux femmes
Cette affaire a permis de mettre en lumière l’aspect sociétal de ce que tout le monde considérait comme un simple fait divers. Alors que la France entière croyait au meurtre d’une joggeuse, son mari avoue les faits.
Jonathann Daval, informaticien de 34 ans, n’avait pas de casier judiciaire et n’avait pas été déclaré violent. Jusqu’aux aveux, il est resté proche de sa belle-famille. À l’enterrement d’Alexia, le père, Jean-Pierre, avait même évoqué son gendre, en terminant l’éloge funèbre par : « Je souhaite à tout le monde d’avoir un gendre comme Jonathann. »
Pourtant, le terme de féminicide a toute sa place dans l’affaire Alexia Daval, survenue alors que la question des violences faites aux femmes commençait à prendre de la place dans le débat politique et médiatique.
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