« A l’Eurovision, je représente ceux qui ont mes valeurs », confie Loreen

  • La finale de l’Eurovision 2023 se tiendra à Liverpool (Royaume-Uni), le samedi 13 mai. Elle sera retransmise en direct sur France 2 dès 21 heures. Jusqu’à la veille du jour J, 20 Minutes vous propose un gros plan quotidien sur un candidat ou une candidate à suivre.
  • Ce dimanche : la Suédoise Loreen, qui a déjà remporté le concours en 2012. En lice dans la demi-finale de mardi, diffusée sur Culturebox (canal 24), à 21 heures, elle devrait se qualifier sans souci pour la finale.
  • « Ma première réaction, quand on m’a proposé de participer à nouveau a été de dire non. Qu’est-ce que je pouvais proposer ? Comment est-ce que ça s’inscrirait dans mon parcours ? Dans quel but ? J’avais envie de dire :  »Je l’ai déjà fait, vous savez ? » », confie à 20 Minutes l’artiste de 39 ans.

De notre envoyé spécial à Liverpool (Royaume-Uni)

Elle arrive dans le salon de l’hôtel où l’interview va se dérouler et, plutôt que de nous saluer d’un simple bonjour poli, elle ouvre grand ses bras et nous étreint. C’est, nous dit-elle, un bon moyen d’établir une connexion et de ressentir les énergies émanant d’une personne. « Je m’appelle Loreen, et vous ? », enchaîne-t-elle, comme si l’on pouvait ignorer son identité. Il y a onze ans, la Suédoise remportait l’Eurovision avec Euphoria, devenu un tube sur presque tout le continent. Cette année, à 39 ans, elle participe à nouveau au concours, à Liverpool, avec Tattoo et fait déjà figure de grandissime favorite pour un second sacre. On lui demande comment elle va, ce samedi, à trois jours de sa demi-finale et à une semaine de la finale pour laquelle elle sera sans aucun doute qualifiée. « Je me sens très zen, calme, centrée. Ce n’est pas toujours le cas, parfois je suis dans tous mes états », nous confie-t-elle dans un large sourire. L’échange se poursuit sur ce même registre d’humilité, de simplicité et de spiritualité assumée.

A une semaine de la finale, vous ressentez de la pression ?

Je ressens constamment de la pression. Mais ce qui compte c’est de savoir pourquoi. Ma pression vient de ma volonté de créer quelque chose de beau. C’est très important pour moi que ma prestation soit authentique. Alors j’essaye de transformer la pression en discipline pour rééquilibrer tout ça. Je ne veux pas qu’il y ait le moindre compromis. Je veux faire en sorte que ma performance soit à 100 % du côté de l’authenticité, conforme à ce que j’ai en tête. Si vous commencez à penser à la compétition, vous vous mettez dans un état d’esprit propice à faire des concessions sur ce qu’il faudrait faire pour que ça marche, sur ce que l’on attend de nous… Et là, c’est terminé.

Un grand nombre de fans de l’Eurovision, ainsi que les bookmakers, voient en vous la grande favorite pour la victoire. Qu’est-ce que ça vous évoque ?

C’est ambivalent. Quand les gens disent que vous êtes une des favorites, c’est une manière pour eux d’exprimer leur amour, de dire qu’ils vous apprécient. C’est quelque chose de beau qu’il ne faut pas rejeter. Donc il y a une partie de moi – l’enfant qui est en moi, je dirais – qui aurait tendance à s’exclamer « Yeaah ! » parce que je suis heureuse et reconnaissante. Je travaille très dur, je vis et je respire pour ma chanson depuis le mois d’octobre, ma vie tourne autour de ça. Il y a une autre partie de moi, que j’appelle la partie « disciplinée », qui fait que je me tiens à l’écart de tout cela parce que je veux me concentrer sur ma prestation, sur ce que je crée et je ne veux pas que mon ego interfère là-dedans. Mon travail, mon but, c’est d’être créative.

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Qu’est-ce qui vous a poussée à participer à nouveau au Melodifestivalen, la sélection suédoise pour l’Eurovision, qui vous a conduit ici ?

Ma première réaction, quand on m’a proposé de participer à nouveau a été de dire non. Qu’est-ce que je pouvais proposer ? Comment est-ce que ça s’inscrirait dans mon parcours ? Dans quel but ? J’avais envie de dire : « Je l’ai déjà fait, vous savez ? » Quand j’ai répondu que je n’allais pas le faire, les gens qui m’entouraient ont dit qu’ils comprenaient ma décision. Ils voulaient respecter mon souhait. Mais j’ai ressenti comme une déception. J’ai réfléchi davantage et annoncé que j’irais peut-être. J’ai alors vu combien ces personnes que je respecte et que j’aime étaient sincèrement enthousiastes. Quand je leur ai demandé pourquoi elles l’étaient à ce point, elles m’ont dit : « La période est difficile, avec le Covid et tout ça. On veut juste voir quelque chose de fun et on sait que quand tu t’engages à faire quelque chose, tu y vas à fond. » Comme tant de personnes se réjouissaient, j’ai décidé de tenter le coup, cela me rendait heureuse. C’est un peu comme un acte de foi. Dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais imaginé que cela allait se produire et, regardez-moi maintenant : je passe le meilleur moment de ma vie ! On ne sait pas toujours ce dont on a besoin. On peut planifier notre vie, mais parfois, la vie a d’autres projets pour vous.

Vous croyez au destin ?

A la spiritualité. J’y suis sensible depuis toute petite sans m’expliquer pourquoi. Je suis convaincue que les choses arrivent pour une raison, que nous sommes tous là pour une raison. C’est une évidence pour moi. Je crois que tout est une question d’énergies. Il y a certaines choses que l’on peut contrôler et d’autres non. Je crois que nous sommes ici pour apprendre, que les religions ne sont qu’une religion ou aucune religion du tout.

En 2017, vous aviez participé à la sélection suédoise avec « Statements », qui n’a pas obtenu les faveurs du public suédois. Vous avez l’impression qu’il y a eu une incompréhension autour de cette chanson ?

J’ai beaucoup appris de cette expérience. Statements était le reflet de ce qui se passait à l’intérieur de moi et aussi autour de moi à l’époque : la situation politique dans le monde et en Suède avec la montée de l’extrême droite. Quand les gens ont peur, ils tendent à se tourner vers les anciennes manières de penser, ce qui est destructeur. Toute ma frustration s’exprimait dans cette performance. Je me demandais : « Qu’est-il en train de se passer ? » C’était comme si j’essayais de sortir le public et moi-même de cette torpeur. Avec le recul, je vois ce que je proposais : j’essayais de soigner le feu par le feu. Pour être honnête, je suis heureuse que la vie m’ait dit que cette énergie ne pouvait être envoyée au monde entier, parce qu’elle était composée essentiellement de frustration. Il n’y a pas eu d’incompréhension, c’était la vérité à l’époque. Mais est-ce que cela aurait été constructif pour un plus large public ? Ma performance sur Tattoo est davantage constructive, elle donne des outils pour surmonter les situations que l’on doit affronter. C’est plus sain de délivrer ce message.

L’extrême droite est arrivée au pouvoir en Suède. Qu’est-ce que cela vous fait de représenter votre pays dans ce contexte ?

Honnêtement, je me sens citoyenne du monde. Je ne crois pas aux frontières. Elles existent, c’est comme ça. J’ai proposé une performance en sélection nationale et les Suédois l’ont désignée pour l’Eurovision. C’est une manière de dire : « Voici les valeurs auxquelles nous croyons. » Mais ces valeurs ne sont pas propres aux Suédois, elles peuvent parler à tout le monde. Je me sens cosmopolite, je représente les gens qui ont les mêmes valeurs que moi.

Votre scénographie à l’Eurovision intègre des symboles berbères. Que veulent-ils dire ?

Ma prestation sur scène évoque la nature comme une source d’énergie. Nous avons créé une société autour qui nous prend beaucoup de notre énergie. On doit devenir, on doit être, on doit réussir… Cela nous fatigue et nous désoriente. Ma performance rappelle que c’est dans la nature que l’on puise notre énergie. On l’oublie. Les symboles dont vous parlez ont différentes significations. L’un représente la nature, l’autre, la Terre, un autre, les femmes. Je voulais apporter une partie de mes origines marocaines qui sont, selon moi, ce qui fait que je me connecte aux choses si facilement. Chez moi, on a toujours parlé de spiritualité, cela n’a jamais été bizarre. Certains l’appellent dieu, d’autres autrement…

Ce rapport à la nature est ce qu’il y a de plus marocain en vous ?

Oui et aussi la manière dont j’envisage ce que je crée. Là d’où je viens, nous avons un profond respect pour la musique, on s’en sert pour guérir, en en connaissant le pouvoir. Quand on crée quelque chose, cela peut générer une énergie qui a un effet auprès des autres. Enfant, j’ai vu comment ces chants étaient utilisés, je n’en avais pas conscience à l’époque mais, une fois adulte, j’ai compris l’effet qu’ils pouvaient produire. Dans ma performance, j’intègre aussi des danses, des gestes de là-bas.

La Zarra, qui représente la France cette année, est Canadienne et a également des origines marocaines…

C’est génial parce que c’est cohérent avec la diversité voulue par l’Eurovision. C’est important d’inclure des gens de différents pays, de différentes origines, ayant différentes manières de faire. Quand je vois l’Espagnole Blanca Paloma, le Finlandais Käärijä ou La Zarra, je me dis que, chacun à leur manière, représente des cultures. Lors de l’Eurovision, il y aura quelqu’un quelque part qui les verra et se dira : « Il ou elle me représente » et se sentira inclue, heureuse de l’être.

Vous avez déjà participé à l’Eurovision il y a onze ans. Vous ressentez une impression de déjà-vu ?

Certaines choses ont changé. La communauté de fans est bien plus importante aujourd’hui. A l’époque, il y avait déjà beaucoup de personnes qui s’y intéressaient mais c’est devenu quelque chose de plus en plus énorme au fil des ans. Ma première participation remonte à si longtemps que j’ai du mal à me souvenir de tout. Tout allait très vite, je découvrais comment cela se passait. Aujourd’hui, je peux prendre un peu plus de recul et observer comment tout est organisé. C’est une plateforme qui s’adresse à des millions de personnes et je veux avoir un effet sur ces millions de personnes avec une énergie créative constructive (rires).

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