Pour son enquête sur les violences conjugales, le journaliste Mathieu Palain a intégré des groupes de paroles d’hommes condamnés. Il raconte.
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« Dans une salle de cinéma, statistiquement, vous êtes à peu près certain d’être assis pas très loin d’un mec qui frappe sa femme.«
Mathieu Palain est journaliste et travaille depuis 2018 sur la question des violences conjugales. Pour son enquête, il a intégré des groupes de paroles d’hommes condamnés pour des faits de violences conjugales. Il revient sur cette enquête dans Nos pères, nos frères, nos amis : dans la tête des hommes violents.
Des hommes coupables qui se jugent victimes
Avant de commencer son enquête, le journaliste imagine qu’il va entendre, de la part des hommes en question, une forme de reconnaissance des faits. La réalité se révèle différente : « Cette phrase « je frappe ma femme », j’ai eu beaucoup de mal à l’entendre. À la place, ce que j’ai entendu, c’est beaucoup de dénis. » Mathieu Palain découvre que les hommes présents se défendent d’être coupable, accusent leur femme de mentir ou se victimisent en disant qu’elles les ont cherchés.
« il y a une incompréhension à avoir été jugé coupable et d’avoir tout perdu. » remarque l’auteur. Il précise : « Il y a une inversion de la culpabilité. Eux se sentent victimes de leur femme qui les a envoyés en prison, mais aussi victime d’un système qui serait, complètement maintenant, entre les mains des femmes. »
Cette colère trouve ses justifications suite au mouvement MeToo : les femmes auraient pris le pouvoir et voudraient se venger. Mais également, face au système judiciaire français, dans lequel beaucoup de femmes occupent des postes d’avocat, de juges ainsi que les animatrices des groupes de paroles en question. « C’est une lecture totalement biaisée de la réalité. » signale Mathieu Palain.
Et les féminicides ?
Sur la question des féminicides, les hommes auteurs de violences conjugales ne se sentent pas concernés. Mathieu Palain raconte que, au moment où cette problématique est évoquée dans les groupes de paroles, les participants réagissent en se désolidarisant complètement des auteurs de féminicides.
« Ils n’envisageaient pas non plus que leurs actes puissent avoir des répercussions sur leurs enfants. », indique le journaliste. Il rappelle que la plupart des hommes violents ont une histoire familiale très similaire et reproduisent des schémas de violences parentales.
Agir contre les violences
À la suite de la publication de son enquête sur France Culture, Mathieu Palain a reçu des centaines de témoignages de victimes, mais aucun de leurs agresseurs aux professions dites respectables (avocat, médecin…) n’avaient été condamnés.
Chaque année, quelque 210 000 et 220 000 femmes déclarent des violences. Pour le journaliste, le fléau des violences conjugales est tel qu’il est impossible de ne pas se sentir concerné. Il déduit qu’il y aurait environ d’un million d’hommes violents. Statistiquement, on en côtoierait régulièrement.
Il conclut : « La violence, ce n’est pas quelque chose avec laquelle on naît. C’est un comportement. Et comme tous les comportements, on l’apprend. »
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