Elle s’est fait connaître grâce à ses rôles dans la Couleur des sentiments et How To Get Away With Murder. À 54 ans, l’actrice américaine revient sur le devant de la scène avec la série First Ladies, dans laquelle elle incarnera Michelle Obama. Portrait.
Après six années de bons et loyaux services, la série How To Get Away With Murder a tiré sa révérence, en novembre 2019. Viola Davis, formidable interprète d’Annalise Keating, troquera ainsi la robe d’avocate contre celle de première dame. En effet, à 54 ans, la comédienne a signé avec Showtime pour incarner Michelle Obama dans First Ladies, série consacrée à l’histoire de trois premières dames américaines (Eleanor Roosevelt et Betty Ford s’ajoutent à l’épouse de Barack Obama), dont la première saison vient d’être officiellement commandée par la chaîne payante américaine, révèle le site Deadline. Un rôle à la hauteur de son talent, mais sûrement irréel pour l’enfant qu’elle était et qui rêvait seulement «d’une maison et d’un lit propre».
« J’ai volé, arpenté des décharges pour chercher à manger »
Viola Davis, au tout début de sa carrière cinématographique. (New York, le 14 mai 2004.)
Bien loin des paillettes et du luxe, c’est dans la pauvreté que Viola Davis grandit. Jusqu’à l’âge de 18 ans, elle vit avec ses parents, son frère et ses quatre sœurs dans un immeuble délabré de Rhode Island, ville ouvrière des États-Unis où les Davis sont l’une des rares familles afro-américaines. Sa mère est femme de ménage, son père, alcoolique, est palefrenier. «Mais les palefreniers ne gagnent pas d’argent», commente-t-elle dans les colonnes de AARP en 2015. Malgré les coupons alimentaires, la nourriture vient à manquer. «La plupart du temps, le déjeuner de la cantine était mon seul repas. J’ai volé, arpenté des décharges pour chercher à manger. […] J’ai sacrifié mon enfance pour la nourriture et j’ai grandi dans une honte immense», poursuit-elle.
N’ayant ni voiture ni argent pour payer le bus, la famille Davis se déplace à pieds. «Les gens nous jetaient des choses depuis leur voiture et nous traitaient de nègres», se remémore-t-elle. La jeune Viola se réfugie alors dans le théâtre, activité dans laquelle elle excelle, et se spécialise à l’université de Rhode Island. En 1989, elle a 26 ans quand elle tente – comme 2499 autres jeunes – d’intégrer la prestigieuse Julliard School. Grâce à un monologue de The Color Purple d’Alice Walker, elle fait partie des quatorze élèves retenus et dont le cursus est intégralement financé grâce à une bourse d’études. Elle sort diplômée quatre ans plus tard.
En vidéo, le discours de Viola Davis aux Emmy Awards en 2015
George Clooney, Jennifer Lopez et Meryl Streep
C’est au théâtre que la jeune comédienne fait ses premiers pas avant d’embrasser une carrière à la télévision. Le réalisateur américain Steven Soderbergh la repère et lui propose un rôle dans Hors d’atteinte (1996), blockbuster dans lequel elle joue aux côtés de George Clooney et Jennifer Lopez. La coopération s’avère fructueuse : le réalisateur lui confie des seconds rôles dans trois de ses films (Traffic, Solaris, Syriana). Mais il faut attendre 2009 pour que son talent soit enfin reconnu. Cette année-là, Viola Davis est nommée aux Golden Globes et aux Oscars pour sa – courte – prestation dans Doute, film américain dans lequel elle donne la réplique à Meryl Streep et Philip Seymour Hoffman. Parallèlement à sa carrière, Viola Davis et son époux, l’acteur et producteur Julius Tennon, adoptent en 2011 une petite fille, Genesis.
Multi-primée
Viola Davis et son époux Julius Tennon lors du Festival du Film de Toronto. (Toronto, le 8 septembre 2018.)
L’année suivante, sa carrière s’envole avec La Couleur des sentiments (2011). L’actrice, alors âgée de 47 ans, est nommée aux Oscars, aux BAFTA et aux Golden Globes dans la catégorie «meilleure actrice»… mais repart bredouille. La même année, elle intègre le classement des personnalités les plus influentes du monde selon le Times.
En 2014, sa carrière prend un nouveau tournant : Viola Davis est choisie pour incarner le rôle principal de How To Get Away With Murder. La série connaît un succès planétaire et l’actrice devient, le 20 septembre 2015, la première femme noire à remporter l’Emmy Award de la meilleure actrice dans une série télévisée dramatique. «La seule chose qui sépare les femmes de couleur de n’importe qui d’autre ce sont les opportunités (…) On ne peut pas gagner un Emmy pour des rôles qui n’existent tout simplement pas», déclare-t-elle lors de la remise du prix. Deux ans plus tard, elle incarne Rose, l’épouse de Denzel Washington dans Fences. Magistrale, elle remporte un Oscar, un Golden Globes et un BAFTA dans la catégorie de la meilleure actrice dans un second rôle.
« Moi aussi j’ai été un #MeToo »
Fervente militante anti-raciste, la star se dit révoltée par les inégalités salariales flagrantes entre les actrices blanches et celles racisées et déplore – notamment dans Variety – l’absence de femmes de couleurs dans les hautes instances cinématographiques. Et si la représentation des femmes noires à l’écran tend peu à peu à évoluer ces dernières années, «c’est uniquement parce que les [celles] que je connais ont pris les choses en main», assène-t-elle dans les colonnes de The Guardian. «Sans elles, rien n’aurait changé.»
Viola Davis se bat également pour l’égalité femmes-hommes. En janvier 2018, l’actrice assiste à la Women’s March. «Aujourd’hui, je ne m’exprime pas seulement au nom des #MeToo, car moi aussi j’ai été un #MeToo. Quand je prends la parole, je suis consciente qu’il y a des femmes silencieuses. Des femmes sans visages. Celles qui n’ont pas l’argent, ni la Constitution de leur côté, et qui n’ont pas les médias pour leur insuffler l’estime de soi nécessaire pour briser le silence, qui prend ses racines dans la honte et la stigmatisation des agressions», scande-t-elle alors face à la foule. Un discours puissant, digne de celui d’une First Lady.
*Cet article initialement publié le 28 août 2019 a fait l’objet d’une mise à jour.
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