Tant qu’il y a de l’amour (C8) : portrait de Marie-Anne Chazel, splendide nature

"Gigi" et "Zézette" en ont fait une star, versant humour. Mais ce pilier du Splendid a d’autres atouts dans sa musette. On la retrouve sur les planches dans Tant qu’il y a de l’amour, diffusé sur C8 le samedi 2 novembre à 21 h 15.

En 2000, Marie-Anne Chazel vient de perdre, lors de l’accouchement, sa seconde fille. Son couple, avec Christian Clavier, bat de l’aile et va voler en éclat. Pas de quoi pavoiser, à l’aube du nouveau millénaire. "J’ai été détruite, et il m’a fallu du temps pour rebondir, reconnaîtra l’actrice. Mais quand on divorce à 50 ans, on a une expérience qui manque cruellement à la jeunesse. C’est un des éléments qui permet de repartir de zéro. J’ai dû faire un gros travail sur moi pour apprendre à découvrir la femme que j’étais".  Vivre en accord avec ce que l’on est ? Marie-Anne n’a cessé d’en mesurer le prix.

Une éducation "psychorigide"

Née en 1951 à Gap, élevée à Neuilly-sur-Seine, où son père a été nommé pasteur et où sa mère, comédienne d’origine russe, bride sa vocation, la fillette reçoit "une éducation psychorigide", loin de son tempérament. "Enfant, j’adorais faire rire", confiera-t-elle, évoquant l’atmosphère de recueillement et les valeurs spirituelles dont elle fut imprégnée. "Mais, dira-t-elle, la présence de ma mère avec son goût pour la musique et le théâtre nous a quand même donné une certaine liberté."

Rencontre décisive

L’émancipation n’arrive, toutefois, qu’au lycée Pasteur avec la découverte des garçons et d’une bande de joyeux drilles ayant pour noms Thierry Lhermitte, Gérard Jugnot, Michel Blanc, ainsi que celui qui devient son petit ami, Christian Clavier. Montant un atelier théâtral et un ciné-club, ils ne font pas mystère de leurs ambitions artistiques et bluffent Marie-Anne : "Marginaux à Neuilly, ils ne portaient pas les fringues à la mode, et leur passion détonnait par rapport à leur milieu. En tant que fille de pasteur, je vivais ce même décalage."

Naissance du Splendid

Alors que ses copains suivent les cours de Tsilla Chelton, Marie-Anne fait deux ans de fac avant de craquer. Soutenue par sa mère mais tancée par son père, elle rejoint cette prof qui sème en eux les graines de l’originalité : "Tsilla me faisait jouer Ondine, une amoureuse, l’inverse de ma nature. À Michel Blanc, elle donnait Roméo, à Christian, Richard III. Elle forçait notre timidité et nous demandait de nous mettre en survolte permanente." De ces culots conquis sur leurs complexes et de l’héritage de Mai-68 naît le Splendid, petit frère du Café de la gare.

Zézette marque les esprits

Si Zidi ou Tavernier les font débuter, Chazel et ses amis réalisent qu’ils ne seront jamais si bien servis que par leur plume. "Thierry avait une idée par seconde, Christian structurait, Josiane [Balasko,ndlr] et Michel censuraient, Gérard s’occupait des gags, analysera Marie-Anne. Moi, j’aimais la psychologie, j’aidais à la construction des personnages. Et j’étais un élément qui calmait."Coluche, qui les met gentiment en boîte, surnomme Chazel et Clavier "les Renaud-Barrault du café-théâtre". Mais la reconnaissance n’est pas immédiate. Elle survient, pour Marie-Anne, à travers deux personnages. Sa Gigi des Bronzés l’impose en fille simple et délurée. Mais c’est sa création, en 1979, de Josette, alias Zézette, paumée enceinte du Père Noël est une ordure, qui marque les esprits. "Avant, dira-t-elle, je jouais les minettes naïves, peu gratifiantes sur le plan comique. Mais là, j’osais enfin, allant très loin dans le jeu, sans craindre de me défigurer."

La quarantaine sur les planches

Rançon de la gloire : pendant six ans, l’actrice ne se voit proposer que des décalques de Josette. C’est l’époque où le Splendid s’auto-dissout et où Marie-Anne met au monde, en 1983, une petite Margot."J’ai privilégié ma vie privée, confessera Chazel. J’ai joué aussi ce que je voulais au théâtre, de Neil Simon à Feydeau." Sa résurrection au cinéma en Dame Ginette des Visiteurs est un leurre. Le blockbuster de Poiré est surtout une aubaine pour Clavier, le 7e art n’étant pas tendre pour les comédiennes quadra.

Un désir qui ne meurt jamais

Au fond, Marie-Anne s’est reconstruite en tournant la page. Apaisée auprès de son nouveau compagnon, Philippe Raffard. Fière de sa fille, qui travaille dans l’humanitaire. Se démultipliant entre comédie et drame, planches et petit écran, mettant en scène son premier film, en 2004, avec Au secours, j’ai 30 ans !, l’actrice, qui rêve de "jouer un rôle tragique ou du Shakespeare", n’a pas renoncé à ce qui la faisait rêver enfant, quand elle se morfondait dans l’appartement de ses parents. "Le désir ne meurt jamais, constate-t-elle. Et, aujourd’hui, je trouve ça plutôt bien de vieillir."

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