Oussekine, diffusée sur la plateforme Disney+ à partir du 11 mai 2022, revient en 4 épisodes sur la mort tragique du jeune Malik Oussekine, à Paris, en décembre 1986. Une série que Femme Actuelle a pu voir avant sa diffusion. Mais au fait, est-elle fidèle à l’histoire vraie dont elle s’inspire ?
- Kad Merad
C’est une série très attendue. Le 11 mai 2022, la nouvelle mini-série française Oussekine sera disponible en intégralité dans l’Hexagone et à travers le monde sur la plateforme Disney+. Inspirée de faits réels, elle revient, en quatre épisodes, sur les événements tragiques de la nuit du 5 au 6 décembre 1986 ayant conduit à la mort de Malik Oussekine, jeune étudiant français d’origine algérienne. Mais la série de Disney+, créée et réalisée par Antoine Chevrollier (Le Bureau des légendes, Baron Noir), n’évoque pas seulement le thème des violences policières : elle aborde aussi le sujet du drame familial, entre combat judiciaire et sentiment d’injustice vécus par les autres membres de la famille de Malik Oussekine : sa mère Aïcha (jouée par Hiam Abbass, vue dans la série américaine Succession), ses frères Ben Amar et Mohamed (respectivement interprétés par Malek Lamraoui et Tewfik Jallab), ainsi que ses sœurs Fatna et Sarah (Naidra Ayadi et Mouna Soualem). On y retrouve également Kad Merad dans le rôle de l’avocat de la famille Oussekine, Maître Georges Kiejman. Cette série choc et percutante, que Femme Actuelle a pu voir avant sa diffusion, plonge le spectateur au cœur des années 80 pour comprendre l’impact que ce drame a eu sur la société française de l’époque… Jusqu’à aujourd’hui. Alors, la série est-elle fidèle à la réalité ? Zoom sur cette histoire vraie (et oubliée) de l’Histoire française.
Qui était Malik Oussekine ?
Mais au fait, qui était Malik Oussekine (joué dans la série par Sayyid El Alami, incroyable de justesse) ? Et quelle est son histoire ? L’affaire Malik Oussekine est une affaire de violences policières qui a marqué la société française. Malik Oussekine, né en octobre 1964, grandit à Meudon-la-Forêt avec ses frères et ses sœurs. Ses parents, Aïcha et Miloud Oussekine, sont originaires d’Algérie. Miloud Oussekine a combattu dans les troupes françaises pendant la Seconde Guerre mondiale, et la famille fait son possible pour s’intégrer dans l’Hexagone. Malik, de son côté, s’intègre au point de vouloir devenir prêtre jésuite. C’est un jeune étudiant sérieux. Mais Malik est fragile : dialysé, il se bat depuis petit contre ses problèmes de santé.
Que s’est-il vraiment passé la nuit de la mort de Malik Oussekine ?
En 1986, François Mitterrand est président de la République. Jacques Chirac est son Premier ministre. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, Malik rentre chez lui après un concert de jazz. Depuis plusieurs semaines, les étudiants manifestent contre le projet de Loi Devaquet (présenté par Alain Devaquet, ministre délégué chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le Gouvernement Chirac II). L’objectif de cette loi ? Réformer les universités françaises. Le projet prévoyait notamment de sélectionner les étudiants à l’entrée des universités et de les mettre en concurrence. Dans la nuit du 5 décembre au 6 décembre, donc, les CRS reçoivent l’ordre d’évacuer les groupes d’étudiants qui dormaient à l’intérieur de la Sorbonne. Un autre ordre demande aux voltigeurs motocyclistes (mis en service par le ministre délégué à la Sécurité auprès du ministre de l’Intérieur Robert Pandraud) de faire des rondes afin de rechercher des “casseurs” vers le Quartier latin. Alors que Malik Oussekine sort d’un club de jazz situé dans le quartier de la Sorbonne et rentre chez lui, trois voltigeurs le prennent en chasse.
Comment est mort Malik Oussekine ?
Apeuré, Malik Oussekine croise Paul Bayzelon, qui rentre aussi chez lui, rue Monsieur-le-Prince. Le jeune étudiant le supplie de lui ouvrir la porte de son hall d’entrée. Alors que les deux hommes viennent d’entrer dans le hall, l’un des policiers réussit à se glisser in extremis à l’intérieur, et laisse entrer ses collègues. D’après le témoignage de Paul Bayzelon, les trois policiers rouent Malik Oussekine de coups de pied et de coups de matraque, alors que celui-ci tente de leur expliquer qu’il n’a rien fait. Paul Bayzelon essaye d’aider Malik Oussekine, en vain.
Que s’est-il passé après la mort de Malik Oussekine ?
Quelques minutes plus tard, le SAMU arrive et transporte Malik Oussekine à l’hôpital Cochin. Il est déclaré mort à 3h20 du matin, à l’âge de 22 ans. Toutefois, selon le rapport du médecin régulateur du SAMU, le jeune homme serait décédé trois heures plus tôt, dans le hall de l’immeuble. Toujours d’après les médecins, l’insuffisance rénale dont souffrait Malik Oussekine aurait entraîné une faiblesse physique. Malik Oussekine est âgé de 22 ans au moment de sa mort. Au lendemain de son décès, des étudiants organisent une marche silencieuse et le ministre Alain Devaquet présente sa démission. Le projet de loi Devaquet a par ailleurs été retiré le 8 décembre 1986, deux jours après le drame. Malik Oussekine est enterré au cimetière du Père-Lachaise. Plusieurs rues et amphithéâtres portent aujourd’hui le nom de Malik Oussekine en France, et l’affaire a été évoquée dans de nombreuses chansons françaises (de Barbara, Renaud, Damien Saez, Mickey 3D, Kery James, Abd al Malik, ou encore du groupe de rap Assassin, avec les paroles “L’État assassine, un exemple : Malik Oussekine.”)
La série « Oussekine » est-elle vraiment fidèle à la réalité ?
La série est assez fidèle à la réalité. Par exemple, la phrase déclarée par Robert Pandraud au journal Le Monde : “La mort d’un jeune homme est toujours regrettable, mais je suis père de famille, et si j’avais un fils sous dialyse, je l’empêcherais de faire le con dans la nuit” a bel et bien été prononcée. Les circonstances de la mort de Malik Oussekine sont racontées en détail dans la série, minute par minute, au fil des quatre épisodes. Un gros travail de documentation a été fait, et de nombreux acteurs de l’affaire ont été interrogés. Le témoignage crucial de Paul Bayzelon, témoin de la mort et fonctionnaire au ministère des Finances, est également longuement évoqué. À la télévision, il expliquera ainsi : “Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le visage affolé d’un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte. […] Deux policiers s’engouffrent dans le hall, se précipitent sur le type réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos. La victime se contentait de crier : ‘Je n’ai rien fait, je n’ai rien fait’”. À la fin de la série, on voit par ailleurs le visage de la vraie Sarah Oussekine aujourd’hui, devant une vue de la Capitale. Puis le visage de Ben Amar Oussekine apparaît devant la même vue. Vient ensuite celui de Mohamed. La fratrie Oussekine a donné son accord à Antoine Chevrollier pour la série, et l’a aidé en se confiant sur son histoire. Enfin, la dernière image qui apparaît à l’écran est une photo d’identité de Malik Oussekine : un hommage au jeune étudiant mort à 22 ans.
Les policiers de l’affaire Malik Oussekine ont-ils été condamnés ?
Après la mort de Malik Oussekine, le peloton de policiers voltigeurs est immédiatement dissous. Jean Schmitt, brigadier-chef de 53 ans et Christophe Garcia, gardien de la paix de 23 ans, sont jugés pour “coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner”, comme le rappelle la série. Ils arrivent libres au procès. Le 27 janvier 1990, ils sont condamnés à cinq et deux ans de prison avec sursis. Au sein de la police, ils subissent par ailleurs une mise en retraite d’office pour l’un et un déplacement d’office pour l’autre. Leur peine est jugée dérisoire par la famille. Auprès du Journal de Saint-Denis, Sarah Oussekine, la sœur de Malik, confie, en 2017 : “Ça a changé ma vision du monde. La vie n’avait plus de sens. Après la parodie de procès […], je me suis rendu compte que, dans ce pays qui est le mien, où je suis née, je serai toujours une citoyenne de deuxième zone. Et je ressens encore cela aujourd’hui.”
Oussekine, disponible en intégralité sur Disney+ dès le 11 mai 2022, en France et à travers le monde.
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