Natalie Portman, l’actrice qui ne joue pas

« J’ai ouvert avec enthousiasme ma première lettre de fan : un homme m’écrivait qu’il rêvait de me violer. » On se souvient du discours de Natalie Portman lors de la Women’s March, le 20 janvier 2018, à Los Angeles. Elle y dénonce le sexisme qu’elle subit, depuis son premier film, Léon. Elle a 13 ans quand elle reçoit ce tout premier courrier de « fan ». Elle confie une seconde anecdote, horrifiante aussi. “Un compte à rebours a été lancé par une radio locale pour compter les jours jusqu’à mon dix-huitième anniversaire, date à laquelle il serait légal de coucher avec moi”. Sur son t-shirt noir il est inscrit « Time’s Up », du nom du mouvement lancé par 300 femmes d’Hollywood le 1er janvier 2018. Celle qui s’est fait connaître dans Star Wars confie que les remarques déplacées sur son physique et sa poitrine naissante, par les commentateurs en plateau, l’ont poussé à n’accepter finalement que des rôles « sérieux », forgeant sa « réputation de femme prude, conservatrice, intello… afin que [son] corps soit protégé ». Et à refuser, pour les mêmes craintes, celui de Lolita, dans l’œuvre éponyme, à l’âge de 16 ans.

Un rôle de conviction

Les mots choisis sont puissants, comme portés par la sincérité. La séquence dénote : l’actrice de 37 ans était jusqu’alors perçue comme réservée, sur la retenue. Discrète, elle l’est d’autant plus quand il s’agit de parler vie privée. Et l’on sait de celle-ci deux choses : son amour depuis le tournage de Black Swan – pour lequel elle a reçu l’Oscar et le Golden Globe de la meilleure actrice – pour le chorégraphe et danseur français Benjamin Millepied, et leur famille créée depuis. Aleph, leur petit garçon, est né en 2011, Amalia, six ans après.

Et les nommés, exclusivement des hommes, sont…

Natalie Portman, à l’affiche du dernier Xavier Dolan, Ma vie avec John F. Donovan, intervient désormais publiquement, et fermement, en faveur de l’égalité femmes-hommes. Comme lors des Golden Gobes 2018, trois mois après l’éclatement de l’affaire Weinstein et une semaine après le lancement de la campagne Time’s Up. Lors de la cérémonie – où tous les artistes participants portent du noir en signe de protestation contre le harcèlement et les agressions sexuelles – Natalie Portman, qui doit alors remettre le prix du meilleur réalisateur, glisse une fine remarque dans la formule protocolaire. “Et les nommés, exclusivement des hommes, sont…” Devant le tout Hollywood et des millions de téléspectateurs, l’actrice, aussi réalisatrice, souligne l’invisibilisation des femmes dans la réalisation, comme le manque de reconnaissance de l’industrie à leur égard.

Dès lors, la diplômée de psychologie de l’Université d’Harvard poursuit ses prises de positions publiques. À la Power of Women, une soirée organisée par le magazine Variety le 12 octobre dernier, elle démarre son discours en confiant être “fatiguée” du climat sexiste. Elle décortique ensuite la stratégie des agresseurs sexuels en position de pouvoir, comme Harvey Weinstein dont le “but était de déposséder ses victimes de leur pouvoir », assure-t-elle devant l’assemblée. « Parce que si elles ont moins de travail, elles ont moins d’argent, moins de pouvoir, donc moins de crédibilité et une moins bonne réputation, décrypte-t-elle. Et donc, encore moins de pouvoir pour le confronter aux crimes qu’il a commis. » Et d’asséner : « Et ça fonctionne. Harvey est toujours libre.”

Veggie Star

L’environnement, c’est l’autre combat qu’elle estime nécessaire d’être mené, sa conviction profonde depuis sa lecture en 2011 du livre de Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ?. Tellement frappée par cet écrit que l’actrice végétarienne depuis ses 28 ans, deviendra végan et co-produira son adaptation documentaire. « Je suis de plus en plus convaincue par l’idée que la façon dont nous traitons les animaux est fortement liée à notre relation avec le monde lui-même », prononce-t-elle sur la scène de la vingt-septième cérémonie des EMA (Environnemental Media Association) awards en octobre 2017, alors qu’elle vient d’être honorée du prix de l’engagement pour l’environnement.

Contre le silence

Il y a cet autre prix qu’il lui était destiné, mais qu’elle a décidé de ne pas venir accepter en personne. Le prix Genesis, attribuée aux « être humains exceptionnels qui représentent les valeurs juives dans leurs contributions au bien de l’humanité ». Par cette décision rendue publique en avril 2018, la comédienne israélo-américaine a provoqué une onde de choc en Israël. « J’ai choisi de ne pas y participer parce que je ne voulais pas apparaître en tant que cobaye de Benjamin Netanyahu qui devait prononcer un discours lors de la cérémonie », détaille-t-elle sur son profil Instagram – créé d’ailleurs le 1er janvier 2018 pour soutenir le mouvement Time’s Up lancé ce jour-là. Et de conclure sa publication : « Les mauvais traitements infligés à ceux qui souffrent, les atrocités d’aujourd’hui, ne sont tout simplement pas conformes à mes valeurs juives. Parce que je tiens à Israël, je dois me tenir debout contre la violence, la corruption, les inégalités et les abus de pouvoir. »

Là où il y aura un jour la paix mais jamais le silence

« Je pense que chaque citoyen engagé doit être critique sur ce qu’il estime que son pays pourrait mieux faire », pensait-elle, déjà, en 2016, dans les colonnes du Hollywood Reporter, au moment de la réélection du premier ministre israélien. Cet engagement pour sa région, pour une issue apaisée, Natalie Portman l’a affirmé d’abord via son art, en réalisant son premier long-métrage. Une histoire d’amour et de ténèbres raconte celle d’Amos Oz pendant la création de l’État d’Israël. Le film est une adaptation du roman autobiographique de l’écrivain israélien et militant pour la paix. Sur Israël, elle écrit aussi : « Là où je suis née ; là où mes tripes m’interdisent de renoncer. Là où il y aura un jour la paix mais jamais le silence. » En fait, c’est ça. Pour la libération de la parole des femmes victimes, pour une prise de conscience environnementale, pour la paix moyen-orientale… Natalie Portman préfère le bruit de l’engagement chaque fois que le silence est un danger.

Natalie Portman est en Une du Marie Claire numéro 800, actuellement en kiosque. Retrouvez son interview (page 94 à 100).

Golden Globe 2018

Natalie Portman à la Women’s March de Los Angeles le 20 janvier 2018

À la première de "Flirter avec les embrouilles" en 1996

"Jackie"

Natalie Portman et son compagnon Benjamin Millepied en 2013

À la première de "Retour à Cold Mountain" en 2003

"Vox Lux"

Natalie Portman et Eva Longoria ont rejoint "Time’s Up", mouvement contre le harcèlement sexuel

"Annihilation"

Natalie Portman en novembre 2018

"Black Swan"

"Deux sœurs pour un roi"


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