Mort et mystère au Club Med : un féminicide déguisé en suicide ? L’histoire glaçante d’un couple français

Le 27 avril 2021, le cadavre d’Emmanuelle Badibanga est retrouvé dans la salle de bain de sa chambre d’hôtel. Elle était en vacances aux Seychelles avec son petit ami, Thomas D., un artiste niçois. A-t-elle été tuée par celui-ci ? Arrêté et jugé, il connaitra son sort jeudi 14 avril 2022.

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Jeudi 14 avril 2022, Thomas D., un Niçois de 35 ans, va être présenté une dernière fois devant les neuf jurés devant la Cour suprême des Seychelles. Tous vont devoir décider s’il est coupable ou non du meurtre de sa copine, Emmanuelle Badibanga. Le couple se fréquentait depuis mai 2020 et tout semblait bien se passer. En avril 2021, ils se sont retrouvés à passer des vacances gratuites au Club Med, car le jeune homme, un graffeur connu sous le pseudo d’Otom, avait été invité sur l’île pour peindre une fresque. Comme le rapporte Le Monde, les vacances paradisiaques dans ce complexe de 600 places au cœur de l’océan Indien, avec piscines, restaurants, bars et spa, vont prendre une tournure dramatique le soir du 27 avril, lorsque la jeune femme de 32 ans sera retrouvée morte dans la salle de bain de sa chambre.

Comment est morte Emmanuelle Badibanga ?

C’est la question qui hante la salle d’audience et l’archipel. Depuis le 3 février 2022, Thomas D. est entendu, au même titre qu’une vingtaine de témoins sur place et par visioconférence, au palais de justice de Victoria. Il affirme que sa copine s’est suicidée par pendaison. Or, la police sur place estime qu’il y a eu homicide. Le soir des faits, le graffeur déclare qu’il a quitté la chambre 2027 qu’il partageait avec sa compagne autour de 17h45. Pendant la matinée, il raconte qu’Emmanuelle Badibanga se serait confiée à lui sur un viol qu’elle aurait subi enfant. Selon Le Monde, Thomas D. assure l’avoir écoutée attentivement avant de retourner à sa fresque. La jeune femme « lui aurait reproché cette légèreté, et la dispute aurait éclaté au bar avant de se poursuivre dans la chambre« . Là, elle lui aurait demandé de la laisser seule. Des caméras de surveillance de l’hôtel voient l’artiste quitter la chambre à l’heure qu’il a avancé, puis revenir à 18h57 au restaurant de l’hôtel. À 20h, il est aperçu près de la chambre, deux assiettes dans les mains, pour « tenter de faire la paix ». Mais lorsqu’il passe le pas de la porte, il retrouve sa petite amie dans la salle de bain, à moitié dénudée, pendue à la barre qui sert à accrocher les serviettes avec un foulard noir. À 19h45, le coach sportif du club intervient, alerté par les cris de Thomas D. et constate le décès. Selon le compagnon, il s’agit d’un suicide, conséquence logique et directe de l’immense mal-être dont souffrait la jeune femme.

Des incohérences dans le récit

Dès le début de l’enquête, la police seychelloise doute de la thèse du suicide. Pour elle, le petit ami est coupable de féminicide. Plusieurs éléments vont venir soutenir leur théorie. Le premier est que lors de la fameuse dispute survenue près de la piscine, des témoins racontent que Thomas D. a arraché les lunettes de sa compagne et les a broyées dans la colère. Celle-ci serait donc retournée dans la chambre, avec la ferme intention de rompre ce soir-là. Une décision que l’un de ses amis, Ronan, lui a conseillé de repousser jusqu’à leur retour à Nice. « Attends, sinon on va te retrouver la tête éclatée par terre », lui aurait-il dit par téléphone, autour de 18h20 le soir des faits. Une heure et demie après cet appel, la jeune femme gisait sur le sol carrelé. Alors que Thomas D. se défend d’avoir été dans la chambre à cette heure-là, un agent de sécurité le voit « quitter la chambre par sa terrasse, peu avant 19 heures« . Et puis il y a cette histoire de pendaison sur le porte-serviette. Les neuf hommes et femmes du jury ont été sur place pour tester eux-mêmes cette théorie. La barre en inox n’a pas été en mesure de supporter le poids d’un être humain et a cédé, empêchant ainsi la réussite d’une éventuelle pendaison volontaire. Mais surtout, si la jeune femme avait vraiment voulu mettre fin à ses jours, aurait-elle pris la peine de réserver une excursion en bateau pour le lendemain ?

Des autopsies contradictoires

Emmanuelle Badibanga s’est-elle suicidée ou a-t-elle été étranglée ? Lorsque le corps de la jeune femme est récupéré par la police de Victoria, la capitale des Seychelles, il est confié au docteur Raul Ramirez. Le médecin légiste cubain remet rapidement en doute la thèse du suicide. L’autopsie qu’il réalisera par la suite révèlera « que la jeune femme a été étranglée puis pendue« , probablement par un agresseur venu par derrière. Ce rapport d’expertise sera contredit par une autre autopsie menée en France en juin 2021. Les experts déclareront que tout porte à croire qu’il s’agit bien d’un suicide par pendaison, mais incomplète. Les deux pays vont s’échanger les scellés pendant près d’un an pour tenter de parvenir à un accord, en vain. Petit à petit, les différends vont devenir des conflits diplomatiques entre les deux pays qui possèdent un historique colonial qui a laissé des traces.

Thomas D., un compagnon violent ?

Lorsqu’ils se rencontrent, 11 mois avant le drame, tout semble bien se passer pour le jeune couple. Emmanuelle Badibanga est voyageuse, et gère des évènements culturels, tandis que Thomas D. est un graffeur connu à Nice. Mais très vite la situation entre les deux se dégrade. À ses amis, la trentenaire va décrire un homme parfois misogyne, qui n’hésite pas à la laisser sur des aires d’autoroute lors de disputes. Le 5 mai 2021, le graffeur est arrêté par la police de Victoria. « Tu as tué ta femme et tu as fait passer ça pour un suicide ! », lui lance l’agent chargé de son interpellation. Il sera par la suite écroué et mis en examen pour « homicide volontaire sur conjoint » par le parquet de Nice. Il continue depuis de clamer son innocence, avec le soutien de sa famille, de certaines figures politiques et artistiques de la ville de Nice et de son avocat, Maître Basil Hoareau. Venue jusqu’aux Seychelles, la sœur d’Emmanuelle Badibanga estime qu’il s’agit d’un « crime d’égo » et craint que le jury blanchisse le principal suspect. Le verdict doit tomber le 14 avril. Si le Niçois est reconnu coupable, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Pour l’heure Thomas D. reste présumé innocent jusqu’à preuve du contraire par les autorités compétentes.

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