Elles ont toutes les deux étaient dans le coeur des Français, mais aussi dans celui du même homme, Michel Berger, qui leur a écrit certaines de leurs plus belles chansons. Véronique Sanson et France Gall ont beaucoup en commun, mais étaient-elles destinées à être d’éternelles rivales ?
Quand on apprend la mort soudaine de Michel Berger, victime d’une crise cardiaque le 2 août 1992 alors qu’il faisait une partie de tennis avec des amis dans une villa de Ramatuelle, plusieurs mélodies nous parviennent alors – Diego, Le paradis blanc, Quelque chose de Tennessee, Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux -, mais aussi des visages, deux pour être précis, ceux de Véronique Sanson et France Gall, les deux femmes de sa vie. Le brillant auteur-compositeur qui s’est éteint à 44 ans (il aurait célébré ses 72 ans ce 28 novembre) a en effet connu deux passions médiatiques avant de rencontrer la plus secrète et méconnue Béatrice Grimm (qui restera son dernier amour) ; deux stars françaises, deux chanteuses, deux blondes qui avaient fait battre le coeur de l’artiste et qui allaient marquer sa vie à jamais, et vice-versa.
La première, Véronique Sanson, rencontrée en 1967 alors qu’elle n’avait que 18 ans, va être son premier, voire son plus grand amour. Lorsqu’elle signe chez Warner à la fin des années 60, Michel Berger n’a que 20 ans mais un talent hors-norme et il est déjà l’un des jeunes auteurs-compositeurs les plus prisés. Durant cinq ans, les deux amoureux de musique vivront en parfaite harmonie (comme Simba et Nala dans Le Roi Lion) et leur collaboration fructueuse débouchera sur deux albums magnifiques, Amoureuse et De l’autre côté de mon rêve, tous les deux sortis en 1972, année de leur rupture après cinq ans d’amour. Le matin du 26 mars de cette année-là, Véronique descend en effet acheter des cigarettes et elle ne reviendra plus. Elle prend un billet pour les Etats-Unis et s’en va vivre une autre passion avec Stephen Stills (le deuxième homme dont elle est amoureuse à cette époque), qui, malgré une relation compliquée, débouchera sur un mariage en 1973 et la naissance de son fils, Christopher en 1974.
Pendant ce temps, à Paris, c’est le choc pour Michel Berger, d’autant qu’il entend chaque jour à la radio la voix de Véronique fredonnait Amoureuse, immense succès à cette époque, qu’il lui a écrit avant leur rupture. Mais, malgré les nombreux regrets qu’il ne cessera de mettre en musique, le compositeur se reconstruit doucement, notamment avec l’aide d’une autre ravissante blonde, France Gall. La jeune chanteuse cherche alors à donner un nouveau souffle à sa carrière au milieu des années 70 et elle trouve en Michel le pygmalion parfait. Outre des tubes à la pelle – il relancera la chanteuse en écrivant tous ses albums à partir de 1975 jusqu’à sa mort en 1992 avec des tubes comme Résiste, Il jouait du piano debout, La déclaration d’amour, Débranche, Evidemment -, le couple se marie le 22 juin 1976 et leur amour engendre deux enfants – Pauline, née en 1978 mais qui s’éteindra à 19 ans des suites de la mucoviscidose, et Raphaël, né en 1981. Cependant, malgré le seul mariage de sa vie, malgré les seuls enfants de sa vie, Michel ne réussira jamais à oublier son premier véritable grand amour : Véronique Sanson, dont il ne se remettra jamais vraiment.
S’ensuivra pendant les années 80 (après le divorce de Véronique sur fond de violence, drogues et alcool, et son retour en France), une rivalité rare entre les deux blondes des charts français – même si leur répertoire n’a pas vraiment grand chose à voir, ce qui les unit (Michel), est au-delà de tout ; et on verra apparaître pendant une décennies les pro-Véro et les pro-France, engendrant une effervescence entre fans digne des plus belles joutes d’un PSG-OM. L’éternelle Amoureuse se livrera en 2012 sur l’antenne d’Europe 1 à propos de cet antagonisme : « On n’a pas du tout gardé contact France et moi, même si on était très proches à un moment donné. Mais, de ma part en tout cas, ce n’est pas parce que je ne veux pas ! On doit avoir peur inconsciemment toutes les deux qu’on nous refiche Michel Berger dans les pattes. » Une rivalité que les Français attiseront et que la presse portera aux nues, mais qui était selon les propres intéressées montée de toute pièce ; et si l’absence de Véronique Sanson aux obsèques de France en janvier 2018 soulèvera à nouveau la question, la première muse de Michel Berger répondra avec apaisement : « Elle n’a jamais été mon alter ego », avait-elle déclaré dans les colonnes du Courrier Picard au moment de sa mort début 2018. « Mon alter ego, c’était Michel Berger. On nous a toujours présentées, France et moi, comme des ennemies jurées, alors que ce n’était pas vrai du tout. » Loin d’être les meilleures ennemies du monde donc, elles s’étaient même retrouvées un soir de 1994 sur la scène de Taratata, et avaient repris ensemble La Groupie du pianiste… de Michel Berger.
Et si, aujourd’hui, les fans de Michel Berger se demandent encore qui était vraiment son inspiratrice principale, sa muse entre les deux chanteuses, Véronique Sanson a répondu au printemps dernier, à l’aube de ses 70 ans, dans les pages du journal Libération : « Elle a fait vivre Michel Berger. Elle a été sa plus grande transmettrice, de sa musique, de ses mots et de son monde. Michel n’a jamais vraiment été un homme de scène. Je ne sais pas si ça aurait autant marché pour lui, d’ailleurs, si elle n’avait pas été là. Elle avait un tel mimétisme avec lui, on le voit bien, entre cette qu’elle propose sur Poupée de cire, poupée de son, puis sur Cézanne peint, cette espèce de vibrato qui advient, un peu moi, un peu Michel, beaucoup elle. Ça a été sa muse… non, pas sa muse ! Car sa muse, c’est moi. Elle a été son tremplin : voilà le mot que je cherchais. »
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