Laure Calamy : "Je suis lucide, je n'en ai sans doute que pour quatre ou cinq ans"

Depuis Antoinette dans les Cévennes, Laure Calamy est devenue l’actrice du moment. Retour sur l’itinéraire d’une femme libre et d’une comédienne de talent.

Nous sommes à la terrasse d’un café parisien, il y a quelques années. Laure Calamy est attablée lorsqu’une Américaine, manifestement très émue, s’approche d’elle : « Oh my god, are you Noémie ? I love Call My Agent ! » (le titre de Dix pour cent aux États-Unis, ndlr), et la fan de carrément l’inviter chez elle, à Miami. L’actrice ne sait alors que répondre, à part un simple merci. Autour de ce couple improbable, deux dames interrompent leur conversation pour se lancer dans un concert de louanges : « On va justement voir votre film. Vous êtes tellement géniale dans Dix pour cent… » Ce jour-là, Laure Calamy a appris la signification du mot célébrité.

« Je suis lucide, je n’en ai sans doute que pour quatre ou cinq ans »

Depuis qu’elle est devenue Noémie, en 2015, cette jolie brune sexy au nez retroussé et aux yeux verts ne cesse d’occuper le terrain. L’an dernier, elle était à l’affiche d’Une femme du monde, de Cécile Ducrocq. Ces jours-ci, on la voit dans À plein temps, d’Éric Gravel. Deux longs-métrages dans lesquels elle incarne des femmes esseulées qui ont maille à partir avec les maux de notre société. Des films qui font écho à notre époque et qui font d’elle, à 45 ans, l’actrice française du moment. Une exposition à 100 % qui n’empêche pas Laure de relativiser et de garder la tête froide : « Je suis lucide, je n’en ai sans doute que pour quatre ou cinq ans : les gens se lassent vite des acteurs, et les producteurs des vieilles actrices », tempérait, en septembre 2020, la comédienne dans les colonnes du Journal du dimanche.

Avant cela, Laure Calamy était abonnée aux seconds rôles d’un cinéma auteurisant, et surtout au théâtre, où elle a débuté sous l’égide du dramaturge et metteur en scène Olivier Py, qui ne tarit pas d’éloges : « Elle possède ce mélange de force et de fragilité. C’est la marque des grands ». Olivier Py, l’auteur de La Servante, une pièce marathon de plus de vingt heures que Laure a vue à 20 ans et qui a agi sur elle comme une déflagration. Avant le théâtre, Laure a découvert la danse et les spectacles de Pina Bausch via sa mère, psychologue de profession.

C’est une gamine vive, intrépide, n’hésitant pas parfois à aller au coup de poing. Elle grandit dans la classe moyenne orléanaise, marquée par une conscience de classe qui ne l’a pas quittée depuis : son père médecin travaillait « à l’ hôpital public », aime-t-elle à préciser dans les interviews. « Gamine, on m’a amenée au cirque et j’ai dit à ma mère que je voulais être dame de cirque. Un peu plus tard, en colonie de vacances, j’ai fait un spectacle avec d’autres enfants. À travers le masque que je portais, j’ai observé les gens et j’ai vu leur attente. J’ai trouvé l’idée d’y répondre complètement géniale », se souvient-elle dans Télé Star, en août 2021.

Elle est très sexy, mais avec un côté woman next door

Le bac en poche, elle monte à Paris dans les années 90, suit le Cours Florent, celui de la rue Blanche, puis ce sera le Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Laure Calamy enchaîne les pièces et commence à se faire un nom dans le métier. Parallèlement, c’est une jeune fille libre qui part à la rencontre des autres et vit parfois des aventures avec de parfaits inconnus. Son entourage s’inquiète mais Laure, qui par ailleurs a pratiqué le karaté, la boxe thaï et le kung-fu, tient à garder sa liberté, en accord avec ses positions féministes. Quitte à parfois frôler la catastrophe : « Quand j’avais 23, 24 ans, des amis m’avaient mise en garde contre un metteur en scène de théâtre. Celui-ci avait un côté gentil, presque nounours. Je ne me méfiais plus quand, après une soirée arrosée, il m’a raccompagnée en voiture, s’est arrêté dans un terrain vague. Au milieu de nulle part ! Vous imaginez l’angoisse ! Il s’est rapproché, m’a enlacée, a tenté un baiser. Je me souviens de la pression physique qu’il exerçait sur moi ». (TéléObs, novembre 2018).

La ruée vers Laure

La jeune comédienne jouit d’une réputation de fille sympa et pro dans le métier, et par l’entremise de son pote Vincent Macaigne, elle décroche un rôle en 2012 dans Ava, de Léa Mysius, qui lui vaut une nomination aux César. On la compare alors à Karine Viard pour son côté populaire, à Romy Schneider pour sa capacité à faire passer ses diverses émotions : « Elle est très sexy, mais avec un côté woman next door : ce n’est pas une créature inaccessible », résume assez parfaitement Dominique Besnehard, le cocréateur de Dix pour cent.

Fort logiquement, en 2020, Laure se voit offrir le premier rôle dans Antoinette dans les Cévennes, qui devient un carton surprise au box-office. Elle devient la nouvelle coqueluche du moment et impose son style : celui d’une femme déconsidérée et malheureuse en amour, qui s’émancipe des hommes par la sororité ou la quête de soi, avec une bonne dose de tendresse et de rigolade. Et ce qui devait arriver arriva. En 2021, Laure gagne le césar de la meilleure actrice. Consacrée mais néanmoins anxieuse, la comédienne exprime son inquiétude peu après dans les colonnes du Parisien : « J’avais le souvenir d’Emmanuelle Devos disant qu’elle avait reçu moins de scénarios après son césar, sans doute parce que des réalisateurs la pensaient inaccessible ». Pas de quoi stresser car, on en est persuadé, Laure Calamy, cette presque homonyme d’une célèbre cow-girl, est loin d’avoir grillé toutes ses cartouches.

Sa vie amoureuse dans les Cévennes

Dès qu’elle le peut, Laure quitte son appartement parisien du 10e arrondissement pour retrouver son compagnon, un guide colombien qui vit dans les Cévennes, sans eau courante ni électricité. Là, cette amoureuse de la nature fait des randonnées en montagne comme Antoinette… Par ailleurs, la pétillante quadra a décidé de faire une croix concernant la maternité. « Je trouve que l’on rend service à l’humanité en n’ayant pas d’enfants. Il y a trop de monde sur cette planète », confessait-elle dans Paris Match, en novembre 2018.

Ses engagements

Engagée socialement et politiquement, Laure Calamy s’érige contre l’homophobie et milite auprès du Collectif 50/50, qui promeut l’égalité hommes femmes dans le cinéma et l’audiovisuel. C’est une féministe accomplie, adepte de l’écriture inclusive et de l’empowerment. Son livre de chevet ? King Kong Théorie, la bible des femmes badass…

Au festival de Cannes 2016

Lors de la montée des marches à Cannes en 2016, avec l’équipe de Rester vertical, d’Alain Guiraudie, Laure s’est lancée dans un french cancan qui s’est soldé par un accident de culotte aussi truculent que charmant. Rien de grave, tant la nudité n’a jamais été un problème pour elle : « J’ai un rapport à la nudité et au corps décomplexé. Quels qu’ils soient, je trouve la plupart du temps les corps humains beaux et inspirants. Ils dégagent une force souvent magnifique. Au théâtre et au cinéma, je n’ai pas de problème pour me montrer nue car je pense que l’on peut exprimer autant de choses avec son corps qu’avec sa pensée ». Laure Calamy ? Une actrice corps et âme.

Nicolas Maury : amis dans la série et dans la vie

L’alchimie entre Laure Calamy alias Noémie et Nicolas Maury alias Hervé dans Dix pour cent n’est pas le fait du hasard. Ces deux-là vivent une amitié fusionnelle depuis 2015. Sur le plateau de la série, Laure et Nicolas se donnaient la réplique avec gourmandise et, entre les scènes, pouffaient de rire. « Il y a une alchimie hystérisante qui opère entre nous », analyse-t-elle. « Ensemble, on est comme deux petits animaux bruyants et joyeux », confiait l’actrice, en septembre 2020, au magazine Elle.

Sa carrière

2015-2020 : DIX POUR CENT (SÉRIE FRANCE 2)Après le théâtre, elle devient Noémie, l’assistante amoureuse de son patron, dans cette série qui la révèle au grand public.

2017 : AVALéa Mylsius la choisit pour incarner la mère d’une ado qui s’éveille à la sensualité. Un film repéré à Cannes qui lui vaut une première nomination aux César.

2018 : MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRESUn cruel marivaudage orchestré par Emmanuel Mouret où elle campe une aristocrate érudite. Elle y est très convaincante.

2020 : ANTOINETTE DANS LES CÉVENNESVaudeville bucolique de Caroline Vignal, qui dévoile la nature généreuse de Laure. Un César d’interprétation à l’arrivée.

2020 : GARÇON CHIFFON Elle retrouve son partenaire de Dix pour cent, Nicolas Maury, qui la dirige pour son premier film. Elle y incarne une réalisatrice borderline.

2020 : LOULOUTEDe Hubert Viel, chronique d’une famille d’agriculteurs normands vue par les yeux d’une enfant. Elle joue une truculente femme des années 80.

2019 : SEULS LES BÊTESSous la direction de Dominik Moll, un thriller assez noir dans lequel Laure Calamy joue une femme qui trompe son mari avec un homme dépressif.

2021 : UNE FEMME DU MONDEUne prostituée veut financer les études de son fils. De Cécile Ducrocq, un film bouleversant porté par une Laure étincelante.

2022 : À PLEIN TEMPSUne mère célibataire se démène pour conserver son travail dans un palace parisien. Un thriller social d’Éric Gravel taillé pour Laure Calamy qui s’y révèle une nouvelle fois renversante.

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Renaud Leclercq

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