Un soir d’automne, à 20 heures : « Salut, c’est Julia ! ». Cette voix guillerette au bout du fil, c’est bien celle de Julia Roberts, l’une des actrices les plus populaires au monde. On savait la star à la carrière kilométrique (Pretty Woman, Coup de foudre à Notting Hill, Erin Brockovich, qui lui a valu un Oscar de la meilleure actrice, Ocean’s eleven, Ben is Back et plus récemment sur les plateformes Homecoming et Gaslit) sympathique et chaleureuse.
Cette introduction façon vieille copine n’en est pas moins déstabilisante, l’espace d’un instant. D’autant que, comme avec pas mal d’ami·es, ce rendez-vous a été difficile à caler. Il devait d’abord avoir lieu en personne, à San Francisco, lors de la réalisation des images illustrant ces pages. Un passeport trop long à renouveler en a décidé autrement. Puis lors d’un voyage à New York, deux fois sans succès.
Julia Roberts une star épanouie
Entre-temps, elle a fêté vingt ans de félicité conjugale avec Daniel Moder, directeur de la photographie rencontré sur le tournage du film Le Mexicain. Elle a aussi foulé bon nombre de tapis rouges (toujours sources de nervosité, nous dit-elle) pour faire la promotion de Ticket to Paradise, la comédie romantique d’Ol Parker tournée en Australie pendant la crise sanitaire avec son ami George Clooney.
Tournage qui l’a obligée, pour la première fois depuis son mariage, à passer son anniversaire loin des siens. Quand la quatrième tentative, transatlantique et téléphonique, est enfin la bonne, elle s’apprête d’ailleurs à fêter le suivant. Celui de ses 55 ans. Un tournant ? Pas vraiment. Si l’âge est bien là, c’est aussi pour témoigner de moments heureux. Sereine et lucide, Julia. Comme une camarade bienveillante qui trouve un angle positif à tous les sujets.
Une jolie histoire d’amour se vit dans la durée.
L’ambassadrice Lancôme n’esquive aucune question, soigne ses réponses, rit souvent. Elle discute de son mari (beaucoup), de ses trois enfants (souvent), de sa carrière, qu’elle reconnaît exceptionnelle. De sa vie de femme, qu’elle a ancrée dans une normalité qui lui tient à cœur. De son rôle de mère, qu’elle semble chérir plus que tout. Une star, incontestablement, une belle personne aussi.
- Julia Roberts dévoile une photo attendrissante de ses jumeaux pour leurs 18 ans
- Sur le tournage de « Ticket to Paradise », Julia Roberts et George Clooney agissaient comme « deux enfants »
La belle histoire avec Daniel Moder
Marie Claire : Le 4 juillet dernier, vous avez célébré « 20 ans d’une union très heureuse », selon vos propres mots. Quel est le secret de longévité de votre mariage ?
Julia Roberts : C’est une combinaison d’amour et de foi… que l’on ne peut avoir que quand on a trouvé la bonne personne – le plus difficile… Une fois cette personne rencontrée, ce n’est que du bonheur.
Est-ce vraiment si simple ? Quid de l’usure du couple ou des chemins différents que l’un ou l’autre partenaire peuvent prendre au fil du temps ?
Danny et moi nous sommes connus à un âge où nous étions assez mûrs pour savoir qui nous étions et encore assez jeunes pour avoir envie d’évoluer ensemble. Mais effectivement, les inconnues d’une relation naissante sont de savoir si l’on va toujours regarder dans la même direction et vieillir côte à côte harmonieusement. Et l’on comprend que l’on a fait le bon choix une fois au cœur de la relation. Quand elle a mûri. Une amie m’a dit un jour cette phrase fabuleuse : « Si vous voulez vivre une belle histoire, restez dedans ! » C’est la réalité car une jolie histoire d’amour se vit aussi dans la durée.
Être parent est une aventure incroyable, mais c’est aussi un travail de 24 heures.
Sur votre compte Instagram, toujours à l’occasion de votre anniversaire de mariage, vous avez fait à votre mari un compliment magnifique en lui disant que vous n’aviez cessé de sourire depuis votre rencontre.
Car c’est vrai ! Mon mari est à la fois un taiseux et la personne la plus drôle que je connaisse, avec un côté très pince-sans-rire. Ses sorties, inattendues et imprévisibles, me donnent des fous rires.
- Love Story : Julia Roberts et Daniel Moder
- Le jour où Julia Roberts a quitté Kiefer Sutherland, trois jours avant leur mariage, pour son meilleur ami
Le luxe d’une maternité sereine
Votre sourire est l’un des plus célèbres d’Hollywood. Et vous dégagez, à l’écran comme hors caméra, quelque chose d’éternellement solaire et joyeux. Vous arrive-t-il d’être de mauvaise humeur, voire franchement énervée ?
Oui, car je suis une artiste, avec tout ce que cela implique de vulnérabilité, d’émotions portées à fleur de peau et exacerbées. Même si je suis de nature optimiste et joyeuse, j’ai aussi mon lot de mauvais jours et de moments où je peux perdre patience, comme tout le monde.
Vous décrivez régulièrement votre vie comme celle d’une femme au foyer. Avez-vous fait ce choix de la discrétion pour garder les pieds sur terre au sommet de votre succès ?
J’ai eu la chance d’avoir mes enfants à un âge où je n’avais plus l’impression de devoir rester dans la course coûte que coûte. Je travaillais depuis mes 18 ans et j’avais le sentiment d’avoir gagné le droit de faire une pause. J’étais à l’aise avec ce que j’avais accompli professionnellement et je souhaitais nourrir cette autre partie de ma vie.
J’ai eu conscience du luxe de pouvoir rester à la maison. J’ai beaucoup d’amies qui ont dû retourner travailler rapidement après la naissance de leur bébé. C’est un privilège incroyable de regarder sa famille grandir de chez soi.
C’est une chance de pouvoir vieillir.
J’ai vu ma mère élever ses enfants avec très peu et j’ai toujours eu le plus grand respect pour ce qu’elle a fait. Donc moi, quand j’avais l’impression de devenir dingue par manque de sommeil car les enfants me réveillaient la nuit, je pensais à toutes les femmes qui vivaient la même chose mais devaient en plus aller bosser le lendemain. Les mères et les pères sont les super-héros d’aujourd’hui. Être parent est une aventure incroyable et gratifiante, mais c’est aussi un travail de 24 heures.
Vous semblez séparer aisément vie publique et vie privée.
Je crois que l’on confond un job extraordinaire et une existence extraordinaire. J’ai un super travail, clairement hors du commun, mais je n’ai pas une super vie, hors du commun. À bien des égards, elle ressemble à celle de beaucoup de gens.
Mon mari et moi vivons normalement. Là aussi, c’est en étant dans le dur d’une relation que l’on se rend compte que l’on est aligné·e avec son partenaire. Que l’on veut les mêmes choses : dans notre cas, ne pas faire de vagues. Bien sûr, un paparazzi peut toujours extrapoler à partir d’une photo, mais quand on est bien dans ses baskets, ce qui se passe à l’extérieur n’a aucune importance.
La star de « Pretty Woman » fête ses 55 ans
Au dernier Festival de Cannes, vous avez déclaré lors d’une interview au magazine Variety vous sentir stressée sur le tapis rouge. Êtes-vous timide ?
Stress n’était pas le bon mot car il a une connotation négative. Je deviens plutôt nerveuse. Je ne pense pas être timide. Je ressens un mélange d’excitation et de peur. C’est une question d’énergie. Et celle qui se dégage d’une foule qui crie votre nom est assez spéciale. Très différente de celle d’une mère de famille qui vous dit gentiment dans une épicerie qu’elle aime beaucoup vos films.
J’ai des amis musiciens qui disent être comme emportés par cette énergie et s’en nourrir quand ils sont sur scène. Si je faisais ça deux fois par jour pendant un an, j’y serais sûrement habituée, mais ce n’est pas le cas. Donc oui, me pomponner avant un évènement, me dire que je ne dois pas trébucher sur le tapis rouge, etc., restent un facteur de nervosité.
Vous avez 54 ans et semblez très à l’aise avec le temps qui passe.
J’aurai 55 ans demain. Je disais encore à ma famille ce matin que j’ai toujours aimé cette période de l’année. Tout le monde ne le vit pas ainsi, mais moi, je suis fan des anniversaires. L’an dernier, j’étais en quarantaine en Australie à cette date. C’était la première fois en vingt-deux ans que je ne le fêtais pas avec mon mari et mes enfants. Ce fut d’ailleurs très étrange de ne pas le célébrer.
Par la suite, quand on me demandait mon âge, je disais systématiquement 53 et non pas 54. Aujourd’hui, j’ai presque l’impression de prendre deux ans d’un seul coup. Mais trêve de plaisanterie, c’est une chance de pouvoir vieillir. Évidemment, certaines choses me manquent, comme les jambes de mes 35 ans. Mais bon, elles fonctionnent toujours. Je peux marcher et courir. Il faut être réaliste.
Avez-vous été en harmonie avec toutes les périodes de votre vie ?
Non, mais c’est le propre de l’humain de ne pas apprécier ce qu’il a quand il l’a. Particulièrement quand on est jeune et en pleine santé et que l’on peut tout faire sans avoir à prendre de précautions : danser la nuit entière et être frais le lendemain au travail, courir huit kilomètres sans finir les pieds dans un bain de gros sel. Le proverbe « la jeunesse est gâchée par les jeunes » est totalement vrai.
Une égérie éternelle
Comment avez-vous vécu votre cinquantième anniversaire ? A-t-il été très différent du quarantième ?
J’ai adoré fêter mes 50 ans. C’était un accomplissement et rien ne semblait manquer. Je me sentais bien, vibrante et heureuse. Ma meilleure amie, avec laquelle j’ai grandi et qui est la marraine de ma fille, est née quelques mois avant moi. Elle m’ouvre donc toujours le chemin. Je lui ai demandé ce qu’elle avait ressenti le jour du sien et elle m’a répondu : « T’inquiète, tout va bien ! ».
On entend beaucoup dire que 50 ans est le nouvel âge d’or de la femme. Êtes-vous d’accord ?
Un cliché se définit par ce que l’on en fait, mais ce n’est pas faux. J’ai eu la chance de passer du temps avec Anouk Aimée qui m’a dit cette phrase superbe : « Votre visage fait partie de votre vie jusqu’au jour où vous avez 50 ans. Là, vous avez votre vie sur votre visage. » J’aime assez mes petites rides d’expression, nées de rires et de sourires. Elles témoignent de tellement de dîners sympas, de blagues que l’on m’a racontées, de mes enfants qui m’ont amusée. J’essaie d’adopter cette attitude face au temps qui passe. Cela dit, je peux aussi me réveiller un beau matin en me disant qu’il me faut une nouvelle tête.
Chaque moment de joie que l’on peut s’offrir est bon à prendre dans un monde qui nous met au défi en permanence.
Pour l’instant, « tout va bien » comme dit votre amie. Vous avez déclaré au magazine américain People ne jamais sortir sans protection solaire et toujours vous coucher le visage propre. Vous conseillez également à vos enfants de manger en pleine conscience, de boire beaucoup d’eau, de dormir suffisamment et de rester calmes. Est-ce la recette complète pour être aussi belle et sereine que Julia Roberts ?
D’abord, merci ! C’est un super compliment d’être décrite de la sorte dans ce monde et à mon âge, alors que toutes les pièces sont d’origine. Mais ce sont surtout mes deux adorables parents qu’il faut remercier. Mes frères et sœurs sont aussi plutôt mignons donc c’est à eux que revient une grande partie du mérite.
La passion inconditionnelle de Julia Roberts pour le cinéma
La Vie est Belle, dont vous avez participé à la création et êtes toujours l’égérie, vient de fêter ses 10 ans. Vous attendiez-vous à un tel succès à son lancement ?
Ces dix ans de succès me paraissent incroyables. J’étais assez naïve quand je me suis lancée dans l’aventure : je ne connaissais rien au milieu du parfum. J’ignorais que c’était un business si concurrentiel et si encombré. J’y suis allée la fleur au fusil, me disant que nous avions une belle senteur dans un joli flacon. J’étais heureuse avec cela. Aujourd’hui, une décennie plus tard, je suis fière qu’elle apporte encore autant de bonheur aux personnes qui le portent.
Je ne suis pas quelqu’un qui impose sa vision.
Chaque moment de joie que l’on peut s’offrir, grand ou petit, est bon à prendre dans un monde qui nous met au défi en permanence. George Clooney et moi venons de finir la promo de Ticket to Paradise et nous parlions justement de la satisfaction que nous éprouvons à l’idée d’apporter une heure et demie de répit aux gens, en les faisant rire dans une salle obscure. C’est un court moment, éphémère car leurs problèmes les attendent à la sortie, mais c’est toujours ça de gagné.
Vous êtes une ardente défenseuse du cinéma. C’est effectivement un bon argument pour retourner voir des films sur grand écran.
Je l’espère et j’y crois à 100 %. Nous avons un petit cinéma à côté de chez nous, un de ces magnifiques vieux bâtiments avec une seule salle. La première fois que j’y suis retournée avec les enfants après la pandémie, il y avait quatre autres personnes. La suivante, j’en comptais une trentaine. C’est très encourageant. Avec la météo hivernale, les gens sont heureux de se retrouver confortablement dans un cinéma pour partager toutes sortes d’émotions. L’expérience ne sera jamais la même devant un petit écran à la maison.
Vous avez beaucoup tourné récemment. Pensez-vous que les rôles que vous jouez sont plus variés que ceux que l’on vous proposait lorsque vous aviez 30 ou 40 ans ?
Ils sont forcément différents car j’ai aussi une expérience plus riche. J’ai toujours été heureuse de la variété des scénarios que l’on m’a présentés au fil de ma carrière. J’ai eu la chance de tourner tous les genres, des comédies, des drames, des thrillers.
Et cela encore cette dernière année, qui a effectivement été chargée et m’a donné l’occasion de voyager dans le temps comme dans l’espace. Cela a été très fun. Notamment parce que Gaslit m’a permis de retrouver Sean Penn, un ami de longue date. Et Ticket to Paradise d’aller en Australie avec George, une expérience unique qui m’a apporté beaucoup de joie. C’était, je crois, notre cinquième film ensemble. Nous avons envie de continuer à offrir au public ce duo qu’il a l’air d’apprécier.
Tous ses tournages sont "waouh"
Est-ce important pour vous de travailler avec des amis ? L’ambiance sur un tournage est-elle meilleure quand on se connaît ?
C’est génial quand cela fonctionne même si ce n’est pas toujours le cas. À force de travailler avec des personnes que l’on connaît bien, on va plus vite droit au but sans perdre de temps en petites formules de politesse. C’est bien aussi d’apprendre à connaître les gens, mais le rythme des tournages ne le permet pas forcément.
Je viens de finir un film avec Sam Esmail – il m’avait déjà dirigée dans Homecoming –, nous en avons d’abord beaucoup discuté au téléphone, tout a été tellement plus simple. C’est un vrai luxe d’évoluer avec ses amis dans ce métier.
Je suis heureuse d’avoir créé un environnement familial qui nous permet cette relation de confiance et de sincérité.
Quels sont les rôles que vous aimeriez jouer aujourd’hui ?
Il m’est difficile de répondre à cette question. Je préfère penser qu’un rôle vient à moi car je suis la bonne personne pour le jouer et non l’inverse. J’aime me laisser surprendre par ce que l’on me propose et la façon dont on me le propose. Je suis toujours très ouverte aux différentes interprétations possibles d’un personnage. Je ne suis pas quelqu’un qui impose sa vision.
Avez-vous des souvenirs inoubliables de tournages ?
Chaque tournage a son petit moment de « waouh ! ». Les plus mémorables sont ceux où je me suis demandé, en lisant le script, comment j’allais réussir à exécuter telle ou telle scène. Quand j’y arrive, le sentiment de satisfaction qui suit est incroyable. Je dis toujours que la meilleure période d’un job se situe entre le moment où on le décroche et celui où on le commence. Tout est encore parfait et vous pensez que c’est le job de vos rêves.
Le cocon familiale bienveillant de Julia Roberts
Ce dont vous êtes le plus fière maintenant ?
C’est forcément lié à mes enfants. Quand nous nous asseyons autour de la table pour dîner et qu’ils nous racontent leur journée, qu’ils partagent leur vision de l’actualité et du monde, que nous discutons tous à l’aise et sans retenue. Je suis heureuse d’avoir créé un environnement familial qui nous permet cette relation de confiance et de sincérité.
Qu’aimeriez-vous leur transmettre ?
Cela paraît idiot mais c’est l’idée de ne pas être toujours dans le rush. J’aimerais qu’ils trouvent une certaine fierté à prendre le temps de faire les choses, même les plus petites. Les détails de la vie se perdent parfois sous la pression du temps. Mes aînés finissent le lycée cette année et on les bombarde déjà de questions sur ce qu’ils veulent faire ensuite.
Je n’en avais moi-même aucune idée à 17 ans. Je les encourage à ne pas s’inquiéter s’ils n’ont pas toutes les réponses et, surtout, à ne pas se presser. Certains connaissent leurs passions depuis l’enfance et d’autres les découvrent à 20 ou même 30 ans. Dans les deux cas, du moment que vous êtes heureux et en bonne santé, tout est OK.
Vous n’aviez vraiment aucune idée de ce que vous vouliez faire à 17 ans ?
Disons que j’avais abandonné mon rêve de devenir vétérinaire à cause des longues études de médecine que cela impliquait.
Avez-vous des modèles féminins ?
Ma mère, obligatoirement. J’ai aussi une voisine de 96 ans que je trouve incroyable. Elle est si gracieuse, si pleine d’énergie et elle est curieuse de tout.
Marie Claire a fêté ses 85 ans en fin d’année dernière. Comment vous imaginez-vous à cet âge ?
J’espère être comme ma voisine. Je ne sais pas si je ferai toujours des films. C’est un futur trop lointain pour que je puisse me projeter. Vous voyez-vous tourner encore longtemps ? Oui, car cela m’apporte encore énormément de satisfaction… jusqu’au jour où cela ne m’en apportera plus.
J’ai aujourd’hui l’immense luxe de pouvoir décider du temps et des films que je souhaite tourner. Les rôles qui me seront proposés plus tard seront évidemment déterminants dans mes choix.
Cette interview a été initialement publiée dans le magazine Marie Claire numéro 845, daté février 2023.
- Léna Situations, jeune femme plus influente de France : "Je veux rester maîtresse de mon contenu"
- Marion Cotillard sur l’écologie : "Je suis dépitée par le non-engagement et l’inaction"
Source: Lire L’Article Complet