À en croire les sondages et propos alarmistes de spécialistes, l’incompréhension entre jeunes et vieux n’aurait jamais été aussi forte. C’est simple : personne n’arriverait plus à se comprendre, ni à s’entendre ! Voyons ça d’un peu plus près.
Restez informée
Fin 2019, un mouvement déferle sur les réseaux sociaux du monde entier. Dans un même élan, les plus jeunes s’unissent pour répondre d’un cynique « OK, boomer ! » aux conseils et autres critiques lancés par leurs aînés. Ils les jugent « condescendants », voire franchement « irresponsables » face à la planète malade. Depuis, le Covid-19 est passé par là, accentuant encore les agacements des uns et des autres.
Jeunes et vieux ne se comprendraient donc plus ! Preuve en serait le sondage Odoxa réalisé en février dernier pour le Cercle vulnérabilités et société* : 56 % des Français disent craindre un conflit intergénérationnel pour bientôt. Quant à l’Ifop, il publiait le sien fin avril, à peine plus optimiste : 50 % d’entre nous pensent qu’en effet les liens se sont distendus ces vingt dernières années. En cause, certains clichés qui ont la vie dure. À juste titre… ou pas ! On en a décrypté quelques-uns pour vous.
Les jeunes ne pensent qu’à eux
« Mais pas du tout ! Nos enfants ne nous ont jamais autant appelés que pendant le confinement, ils s’inquiétaient pour nous, raconte Line, 70 ans. Quant à nos petits voisins, ils nous ont régulièrement fait les courses pour nous éviter de sortir. Que demander de plus ? » En effet, on le sait : entraide et solidarité n’ont jamais été aussi fortes que depuis le début de la crise sanitaire. 65 % des plus de 65 ans le confirment à l’Ifop, et 57 % des moins de 35 ans.
Les jeunes sont irresponsables
« Si nous avons vécu trois confinements, c’est la faute de tous ces jeunes !, enrage Annick, 69 ans. Avez-vous vu toutes ces fêtes qu’ils organisent, pourtant interdites ? Ils n’ont pas conscience des risques qu’ils font prendre aux plus fragiles. » Sauf que, non, les jeunes ne sont pas plus irresponsables que leurs aînés. Reconnaissons-le : au regard des images qu’on a pu voir, ces rassemblements improvisés dans les jardins publics ou sur les quais de nos grandes villes étaient en effet essentiellement peuplés de moins de 30 ans, mais les dîners clandestins révélés par les chaînes d’info ont fait singulièrement remonter la moyenne d’âge.
Les jeunes n’ont aucune culture ni curiosité
Totalement faux. C’est juste l’époque qui a changé ! « Grâce à internet, les jeunes générations sont devenues plus autonomes dans l’acquisition de leurs savoirs, explique la psychothérapeute Anne Brébart. Elles vont directement – et seules – vers ce qui les intéresse. Les aînés ne font plus office de référents comme autrefois. Leur référent, désormais, c’est Google ! Bref, le vrai clivage est là : dans les immenses progrès techniques de ces dernières années. Imaginez : les enfants nés dans les années 1940 avaient à peine un téléphone à la maison ; ceux nés dans les années 2000 ont accès à tout ce qu’ils veulent sans avoir rien à demander ni à courir en bibliothèque. Comment voulez-vous que les uns et les autres se comprennent ? En conséquence, parce qu’ils ont le sentiment de ne plus rien leur transmettre, les anciens estiment parfois que la culture des jeunes est moindre que la leur, mais pourquoi le serait-elle ? Elle est juste différente. La culture change au fil des époques, heureusement ! »
Les jeunes n’ont plus de valeurs
Plus rien ne serait comme avant : plus de respect, plus d’engagement, zéro principe… Pas si sûr, en réalité ! « Il y a certaines valeurs que nous partageons tous. Comme le sens de la famille, par exemple, commente Céline, 31 ans. Mais nous ne pouvons pas avoir exactement les mêmes, c’est impossible ! Que je sache, nos parents avaient eux aussi une autre façon de voir les choses que les leurs. Ça n’en a pas fait pour autant des gens sans valeurs ! Les miens ne comprennent pas ma vision de la politique ni la façon dont j’envisage les rapports amoureux. Et alors ? La société évolue. Nous n’avons plus les mêmes colères ni les mêmes satisfactions. Cela fait partie du cours des choses. »
Selon la sociologue Christine Castelain-Meunier, le temps fait en effet son œuvre, même si au fond rien ne change vraiment . « En 1968, la jeunesse se battait contre les valeurs dites bourgeoises et prônait le peace and love. Aujourd’hui, c’est notamment la question du climat qui agite. Reste à autoriser les jeunes à développer suffisamment ces valeurs auxquelles ils tiennent, et ce n’est pas vraiment le cas ! » Comme ça ne l’était pas dans les années 1960…
Les vieux sont réacs
Fin avril, une campagne publicitaire d’Europe Écologie-Les Verts a provoqué le scandale. Pour tenter de convaincre de nouveaux électeurs, le parti écologiste appelait à contrer la « terrible menace » : attention, chasseurs, fachos et populistes, eux, se rendront aux urnes… tout comme les baby-boomers, cloués au même pilori ! Sous-entendu, les « vieux » sont d’affreux réactionnaires. Sauf que, sur le sujet, les intentions de votes parlent d’elles-mêmes : selon un sondage publié au même moment, si les élections présidentielles avaient lieu maintenant, les seniors voteraient majoritairement Emmanuel Macron (à 31 %), tandis que 26 % des 18-30 ans lui préféreraient Marine Le Pen. On vous laisse juger…
Les vieux sont responsables du réchauffement climatique
En 2019, le phénomène « OK, boomer ! » a sonné comme une cinglante critique des plus jeunes à l’encontre des anciens. « S’il est bien une certitude, affirme Mathilde, 20 ans, c’est que les jeunes ne sont pas responsables du réchauffement climatique. Les précédentes générations, en revanche, ça ne fait aucun doute ! » De fait, même si à titre individuel nous n’y sommes pas pour grand-chose, ce sont les mauvaises habitudes des générations précédents, et les politiques prônées pendant des décennies, qui portent aujourd’hui la responsabilité de l’état de la planète.
Les vieux ne pensent qu’à leur retraite
Faux, bien sûr ! Selon Odoxa, 85 % des plus de 65 ans expriment leurs inquiétudes pour l’avenir de leurs petits-enfants… Bon, cela ne les empêchent pas quand même de se soucier grandement de leur intérêt : selon l’Ifop, ils sont 54 % à se dire favorables au recul de l’âge de la retraite quand les plus jeunes s’y opposent fortement.
Les vieux ne comprennent pas les jeunes (et réciproquement)
Et si tout le nœud du problème était là… Mais, au fait, ce fossé-là n’existerait-il pas depuis des générations ?
* Think tank réunissant une quarantaine d’organisations publiques et privées.
A lire aussi :
⋙ Elles passent leurs vacances entre plusieurs générations
⋙ Les “chic-ouf” : qui sont ces grands-parents nouvelle génération ?
⋙ Les quincados, la génération plaisir !
Source: Lire L’Article Complet