Jennifer Lee : une féministe se cache derrière "La Reine des neiges 2"

Première femme à avoir réalisé un film pour le studio, elle signe La Reine des Neiges 2, suite de son carton planétaire, et assure, depuis, la direction artistique de Walt Disney Animation.

Attention, ouragan glacé à prévoir en salles dès le 20 novembre : plus gros succès de l’histoire du dessin animé, La Reine des neiges s’apprête à déchaîner les passions enfantines avec sa suite épique et très attendue. Cinq ans plus tôt, le premier volet devenait un phénomène planétaire sans égal : outre l’entêtant Libérée, délivrée… repris tel un disque rayé par les marmots, pour le plus grand bonheur (relatif…) des parents, le film d’animation séduisait plus de cinq millions de spectateurs en France et rapportait plus d’un milliard de dollars au box-office mondial.

L’envol de l’outsider

Derrière ce braquage oscarisé, Jennifer Lee est la première femme à avoir dirigé un film d’animation Disney (en binôme avec Chris Buck) et à avoir dépassé le milliard de recettes. L’Américaine de 48 ans est aussi devenue, en 2018, la directrice artistique de Walt Disney Animation, quand John Lasseter, épinglé pour comportements inappropriés, a quitté le navire. Une ascension fulgurante pour celle qui fit ses armes dans l’édition avant de scénariser Les Mondes de Ralph . «Le milieu de la littérature était beaucoup moins sexiste : une bonne histoire était une bonne histoire. Comme on ne donne pas à voir d’images dans les romans, les récits s’inscrivent moins dans des stéréotypes de genre. Quand j’ai commencé dans le cinéma, j’ai été attentive au pourcentage et à l’écriture des personnages féminins sur les écrans. Très peu étaient crédibles», nous explique-t-elle dans ses studios de Burbank.

En vidéo, la bande-annonce de « La Reine des neiges 2 »

Un nouveau modèle

«Avec La Reine des neiges, j’avais une ligne directrice : rendre compte de ce que signifie être une jeune fille d’aujourd’hui. Mais ce que vivent Elsa et Anna est universel : tout le monde peut s’identifier à leur lien familial ou, dans cette suite qui éprouve les pouvoirs d’Elsa, à la peur du changement et de l’échec. Si seules les fillettes se reconnaissaient, le film n’aurait pas eu un tel succès. Il faut considérer les personnages féminins comme des êtres humains avant tout, pas comme des filles. Il ne faut plus leur imposer de limites.» Pour offrir un modèle en prise avec l’époque à sa fille, alors âgée de 10 ans, elle brisait ainsi les traditions disneyiennes en axant La Reine des neiges autour de la famille et de la sororité. Le prince charmant, lui, finissait aux oubliettes. «Pourquoi faire croire à une utopie alors que nous savons que ,99 % du temps, on ne tombe pas sur le bon ?», s’amuse-t-elle avec un large sourire qui jamais ne semble la quitter.

La victoire d’une résiliente

La vie n’a pourtant pas été simple pour cette enfant autrefois harcelée. «J’étais agitée, peu soignée, nous avions peu d’argent et vivions dans un quartier chic : j’étais une cible idéale ! Je ne trouvais de réconfort que dans les livres, le dessin… et Cendrillon. Son courage et sa victoire sur sa belle-mère et ses sœurs résonnaient en moi.» À l’instar d’Elsa dans La Reine des neiges , elle doute beaucoup durant sa jeunesse. L’éducation reçue d’une maman célibataire et féministe et le soutien de sa sœur aînée, essentiel après le décès brutal de son premier amour, l’aident à se trouver. «J’ai eu quelques combats personnels et professionnels à mener avant d’arriver chez Disney, mais, à la fin, je n’ai jamais eu l’impression de ne pas avoir ma place. Il est vrai qu’on attend toujours des femmes qu’elles prouvent deux fois plus que les hommes mais, depuis que j’ai été promue, personne ne me met la pression… sauf moi-même ! Alors, au lieu de gaspiller mon énergie, je m’efforce de m’en servir pour porter les films et les autres.»

Dénicheuse de talents

Ses objectifs pour la maison de Mickey ? Favoriser la diversité et la parité à travers le mentorat, l’accompagnement. «Face à moi, les collaboratrices osent davantage s’exprimer : elles ont l’impression d’être enfin vues et entendues. Elles s’autocensurent moins, postulent davantage, notamment pour des positions techniques et hiérarchiques longtemps réservées aux hommes.» Hors de question cependant d’installer des quotas. «Il y aurait alors le risque de choisir une personne moins compétente pour de mauvaises raisons. Je ne veux ni favoritisme ni discrimination. Si j’ai été la première réalisatrice d’un film d’animation Disney, je veillerai à ne pas être la dernière.»

La Reine des neiges II , de Jennifer Lee et Chris Buck. Sortie le 20 novembre.

Les héroïnes signées Jennifer Lee

VANELLOPE DANS LES MONDES DE RALPH 1 ET 2
Imaginé par Jennifer Lee, ce personnage de pilote de course, sucré en apparence, est une vraie casse-cou en quête d’accomplissement personnel !

JUDY HOPPS DANS ZOOTOPIE
Sous la plume de Jennifer Lee et de ses coscénaristes, cette lapine déjoue les schémas sociaux en devenant la première proie promue officier de police parmi les prédateurs de Zootopie.

ANNA ET ELSA DANS LA REINE DES NEIGES
Centrant à nouveau son film sur l’amour familial, Jennifer Lee évoque les bouleversements du passage à l’âge adulte pour les sœurs dans La Reine des neiges II , qu’elle coréalise et coscénarise.

RAYA DANS RAYA ET LE DERNIER DRAGON
Le prochain dessin animé du studio, supervisé par la directrice artistique Jennifer Lee et écrit par Adele Lim, sera porté par une héroïne guerrière partie à la recherche d’un dragon.

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