Interview – Tom Selleck : “C'est moi qui ai tué Magnum !”

Il y a trente-cinq ans, la série du beau détective aux chemises hawaïennes faisait ses adieux. Sa célèbre incarnation moustachue et décontractée se souvient…

Durant 162 épisodes, il a été un détective privé emblématique du petit écran et a redonné des couleurs aux chemises hawaïennes ! La série Magnum P.I. [Magnum en VF, ndlr], créée par Glen A. Larson et Donald P. Bellisario a pris fin en 1988, au désespoir de millions de fans. À 78 ans, les tempes de Tom Selleck ont grisonné et sa moustache n’affiche plus un poil aussi dru qu’à l’époque où il faisait fantasmer les dames, mais cela ne l’empêche pas d’être toujours aussi vaillant et de monter dans les tours quand on évoque ses enquêtes sous les tropiques à bord de sa mythique Ferrari.

France Dimanche : Est-il vrai que vous avez hésité avant de signer pour Magnum ?

©DC

Tom Selleck : Lorsque feu le producteur Glen A. Larson m’a proposé le rôle, j’ai demandé à réfléchir car je n’aimais pas trop le personnage qu’on voulait me faire jouer : une sorte de James Bond sous les alizés. Macho, froid et sans aucun sens de l’humour. Ce qui m’intéressait, c’était de prendre ce rôle à contre-pied, d’explorer d’autres facettes, faire de ce privé infaillible un gaffeur, cool et attachant. Et c’est parce qu’on a brisé les clichés de l’éternel détective figé dans ses certitudes que la série a emballé la planète entière !

Pourquoi la série a-t-elle été stoppée par la chaîne CBS en 1988, en pleine gloire ?

©Everett Collection/ABACA

Ce n’est pas CBS qui a « flingué » Magnum, c’est moi ! Je travaillais à l’époque de 80 à 90 heures par semaine ! Six jours sur sept ! Et ce, pendant plus de huit ans. Je ne vais pas me plaindre : le cadre était idyllique, les acteurs (John Hillerman, Roger E.Mosley et Larry Manetti) et les scénaristes de vrais pros. Mais bon, j’étais en train de gâcher ma vie personnelle et celles des êtres qui m’étaient chers ! Je me suis rendu compte que ce succès – que j’ai vu débouler à l’âge de 35 ans après des années de galère – je faisais en sorte qu’il ne me quitte jamais. J’ai donc sacrifié ma famille, afin de satisfaire mon ego et ma quête de considération ! La deuxième raison qui m’a poussé à tuer ce « frère », c’est l’état de fatigue physique très avancée dans lequel je me trouvais. J’avais l’impression d’être un zombie moustachu dans une chemise hawaïenne ! Un épisode de plus et je me crashais pour de bon dans un cocotier ! Ça marchait du feu de dieu pour moi, j’étais le mec le plus « hot » de Hollywood. Mais côté vie privée, j’étais franchement moins doué dans le rôle du père et de l’époux. J’estimais qu’être un bon pater, ça consistait en effet à faire des cadeaux toute l’année, à payer le loyer et à remplir le frigo ! J’avais, hélas, oublié une chose essentielle : être présent.

“Je pique un fard dès qu’il s’agit d’engager la conversation avec une femme.”

Admettez plutôt que vous n’en pouviez plus de porter ces kitchissimes chemises à fleurs ?

[Rires.] Ne répétez surtout pas ça à un Hawaïen ! Il vous jetterait par-dessus bord ! Là-bas, c’est une institution.

Les patrons de Ferrari vous ont-ils offert une voiture ?

Au début de la série, je n’étais pas très à l’aise, surtout avec une boîte manuelle ! Conduire une Ferrari, c’est un peu comme monter sur étalon sauvage à cru.

Je n’en ai jamais reçue en cadeau. Le concessionnaire nous la remplaçait tous les deux ans. Les vieilles étant revendues aux enchères. Bien souvent à des prix qui dépassaient largement la cote de l’occasion ! Si j’étais reparti chez moi au volant d’une Ferrari, j’aurais eu le sentiment d’être comme un représentant de commerce qui revient à la maison avec son « outil de travail » ou le plombier qui se sert de sa camionnette à des fins personnelles, pendant le week-end…

“Je mène une vie au contact de la terre en tant que propriétaire d’une plantation d’avocats bio.”

À l’époque de Magnum, on vous a collé des étiquettes de « grand séducteur moustachu sous les tropiques », « roi de la dragouille cool ». Les acceptiez-vous ?

L’étiquette qui m’a le plus fait sourire, c’est celle de « Casanova des plages« . C’est tellement loin de moi ! Il faut que vous sachiez que je suis un timide depuis toujours. Je pique un fard dès qu’il s’agit d’engager la conversation avec une femme. Je n’ai jamais abordé une fille en lui balançant : « Hey salut baby, je suis Tom Selleck ! » Tout d’abord parce que je trouve ça déplacé. Ensuite parce que personne n’est à l’abri d’une bonne paire de claques. Quoique, du haut de mon mètre quatre-vingt-treize, je craigne moins ce type d’agression ! À propos de ma taille, je me souviens que Ferrari avait été contraint d’aménager ses voitures car je m’y sentais à l’étroit. En termes d’image, cela aurait été une catastrophe de voir le héros d’une série policière collé au pare-brise ! On a donc retiré un peu de mousse au fauteuil afin que je puisse m’enfoncer un peu plus !

Il paraît que vous avez refusé le rôle d’Indiana Jones…

Non ! Un contrat me liait avec la chaîne américaine CBS et j’ai dû décliner la proposition de Steven Spielberg ! Pour un autre motif, j’ai également repoussé une offre des studios Disney qui me donnaient quatre fois cinq millions de dollars pour tourner dans une série de quatre films. Seulement voilà, à la lecture des scénarios j’ai eu un choc car ils étaient d’une médiocrité consternante ! Comme je ne me voyais pas jouer les superstars dans ces productions-là, j’ai gentiment dit non. Et j’ai bien fait, car ces films ont été de gros bides !

Vous vous rasez très peu la moustache. Pourquoi ?

Parce que les réalisateurs ne me le demandent pas. Sinon, cela ne me poserait aucun problème. Je ne suis pas né avec cette moustache et je peux très bien m’en passer ! Mais si je la rase, j’ai le sentiment – durant quelques jours – qu’il me manque quelque chose. J’ai l’impression que ma bouche est disproportionnée par rapport à mon visage ! Remarquez, c’est tout bête, mais ce concentré de poils m’a parfois donné l’illusion de disposer d’une carapace, d’un pare-chocs.

Et votre femme vous préfère avec ou sans moustache ?

Si ça lui avait déplu, je pense qu’elle me l’aurait dit. Il y a un truc qui l’insupporte en revanche, c’est qu’à chaque fois que je bois un cappuccino ou une bière, j’ai la mousse qui vient se coincer dans les poils. Elle s’empresse alors de me le signaler. Idem avec les miettes, je les ramasse toutes ! Un vrai aspirateur !

Quelle est votre relation avec l’argent ? On dit que vous auriez amassé des centaines de millions de dollars…

Je suis, depuis quelques années, le propriétaire d’une plantation d’avocats bio et je possède aussi quelques animaux. En dehors de mes activités artistiques, je mène une vie très rustique. Une vie au contact de la terre. Si j’arrive à garder la forme, c’est grâce à mon ranch. Jadis, je pilotais une Ferrari qui fendait l’air. Aujourd’hui, c’est un pick-up ou un tracteur ! La seule chose qu’il me reste de l’ère Magnum, c’est ma Rolex, quelques chemises hawaïennes et mon peigne à moustache. Le reste, c’est du passé !

Propos recueillis par Frank ROUSSEAU, notre correspondant aux États-Unis

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