Elle dévore la vie avec spontanéité, il observe le monde « en angle droit » et ne laisse rien au hasard. Ensemble tel le yin et le yang, ils viennent d’ouvrir à Paris Onor, le premier restaurant gastronomique engagé, dont elle signe le design et la décoration. Entretien à deux voix.
Ce n’est pas leur premier bien commun mais ce nouveau restaurant, savamment baptisé Onor, fleure bon le projet… le plus désiré de leur vie. Un nouveau lieu d’expériences culinaires sur un modèle d’entreprise durable. Celui qui synthétise à la perfection tout ce que ce chef bâtisseur et respecté de tous a réalisé depuis trente ans. Des engagements et des combats qui lui tiennent tant à cœur : l’impact environnemental au niveau de l’agriculture, son travail sur l’insertion et l’inclusion via ses écoles de formation. Mais également ses travaux de recherche avec Paris-Saclay, une chaire universitaire qu’il a créée. Sans oublier le volet financier pour accompagner l’économie sociale dont il vante les mérites depuis longtemps déjà. « Onor est le premier restaurant gastronomique engagé qui utilise tous ces moteurs« , résume Thierry Marx, installé dans l’un des salons privés de l’établissement, à quelques heures du coup d’envoi. « Et Mathilde, ma compagne qui est photographe et designer, a interprété toutes ces valeurs pour concevoir le design d’Onor. Il fallait être cohérent jusqu’au bout : dans l’assiette mais également en dehors de l’assiette« , nous confie le chef, qui a inauguré cette nouvelle adresse, le 2 février dernier, au 258, rue du Faubourg-Saint-Honoré dans le huitième arrondissement de Paris. En lieu et place de l’ancienne Marée, qui a accueilli naguère le « top chef » Yves Camdeborde.
« J’ai 63 ans… et je regarde au-dessus de la ligne d’horizon »
Un défi de taille donc, mais rien n’arrête Thierry Marx. Calme en apparence. Bouillonnant d’envies à l’intérieur. « J’ai 63 ans : soit je n’ai plus de projet et je regarde la terre qui va m’ensevelir, soit j’ai des projets et je regarde au-dessus de la ligne d’horizon. Et puis, quand on s’engage, il y a toujours la règle des 80-20 qui se met en place. 80 % des choses que vous avez cru prévoir et 20 % d’incertitudes qu’il faut traverser avec courage et détermination. » Mathilde de l’Ecotais, ancienne photographe-reporter à Los Angeles, notamment pour l’AFP, abonde dans son sens. Ensemble, ils parlent d’une seule voix. La rigueur et l’engagement comme étendard. « Et puis, le nom de ce restaurant, Onor, symbolise nos ambitions communes. Celles d’honorer les hommes, ceux que l’on apprécie, ceux qui détiennent un savoirfaire et ceux qui ne l’ont pas encore été et qui le méritent. »
Pendant un an et demi, Mathilde a chiné, dessiné, peint des cyanotypes, photographié sans relâche pour transposer au mieux ces valeurs qui leur sont si chères. « J’ai créé un univers immersif qui colle à la peau du chef et en écho à l’histoire du lieu, jadis consacré à la cuisine de la mer. » La salle plonge ses convives au cœur de la carapace d’un crabe bleu thaïlandais dont les motifs bleutés et argentés, photographiés en mode macro, parent les murs du restaurant. « Par ailleurs, j’ai recyclé tout ce que j’ai pu ici dont le fourneau, travaillé avec des artistes et artisans français qui ont réalisé des innovations incroyables : des portes à l’entrée en déchets de cuir, les toiles des sièges sont en plastique recyclé, on a chiné les chaises à Bruxelles. Les assiettes et vases cassés ont été restaurés, une tradition japonaise pour comprendre la philosophie de la fracture qui peut être réparée avec de la bonne volonté. Au rez-de-chaussée, vous avez aussi des luminaires sous globes avec des verres en cristal ébréchés dont on ne peut plus se servir et qui connais sent une seconde vie », avance avec fierté cette artiste reconnue dans son domaine.
« Mathilde m’a appris à prendre le temps d’un bon repas entre amis »
Actionnaire l’un et l’autre dans cette entreprise unique, comme huit autres proches collaborateurs, Thierry Marx et Mathilde de l’Ecotais ne ménagent pas leurs efforts pour offrir, à une clientèle toujours plus exigeante, une aventure gustative dans un cadre lumineux et serein. A leur image. Ils se sont rencontrés par l’intermédiaire de la photo, il y a dix-neuf ans. Thierry cherchait alors pour l’un de ses projets, Planète Marx, « quel qu’un qui n’était pas seulement dans l’univers de la photo culinaire mais qui pouvait imaginer un univers en dehors du cadre de la photographie ». Il fait alors la connaissance de Mathilde, qui avait déjà conçu des crédences de cuisine uniques pour Alain Ducasse. Coup de foudre professionnel. Il lui laisse derechef carte blanche. « On a toujours aimé travailler ensemble parce qu’on s’est connus dans le travail. Il y a cette confiance professionnelle depuis le départ. Et pour tout vous dire, si on devait ne plus vivre ensemble, on continuerait à travailler ensemble », confesse Mathilde, mère de deux grandes filles. « On a cette appréciation de la valeur de l’autre qui est en dehors de nos sentiments. C’est important« , renchérit Thierry, grand défenseur du sens de l’honneur et de la fidélité.
Pudique, réticent à se laisser aller à des considérations « cupidonesques », le chef finit par fendre l’armure en toute fin d’entretien. S’il a accepté de poser avec sa compagne, c’est pour mettre en valeur son travail. « Notre vie privée n’intéresse personne, je pense, mais je peux vous l’avouer : si je ne l’avais pas rencontrée, j’aurais probablement tourné seul dans mon silo. Mathilde m’a ouvert aux autres, à ceux qui ne sont pas forcément de mon monde d’origine. Elle m’a fait apprécier les dîners en ville par exemple. Mathilde m’a appris à prendre le temps d’un bon repas entre amis, alors que j’étais plutôt un homme qui mangeait sur le pouce, debout sur un coin de table. Je pouvais m’endormir sur un fauteuil et aller bosser le lendemain. Je me suis adapté et je ne le regrette pas. Ce sont des codes de société que je n’avais pas. Ce n’était pas ma vie. Pas mon éducation. L’émotion, ce n’était pas un préalable. On privilégiait l’action à la maison. Je viens d’un milieu modeste. Sans effusion de sentiments. Ma vie tournait beaucoup autour du travail, des voyages, des treks, du sport de combat, des copains avec qui je faisais des choses un peu folles. Mathilde m’a installé une vie sociale que je n’avais pas. » Une histoire d’honneur rendu à Mathilde, d’Onor le bien nommé, en somme…
Cet article est à retrouver dans le Gala N°1553, disponible jeudi 16 mars 2023 dans les kiosques.
Crédits photos : @Delphine Ghosarossian
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