INTERVIEW – Marlène Schiappa : son mari, son retour au gouvernement… Ses confidences sans filtre

Marlène Schiappa a fait son grand retour au gouvernement en tant que secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale en juillet dernier. À l’occasion de la sortie de son livre C’est une bonne situation ça ministre ? (éd. L’Observatoire), l’ancienne ministre de la Citoyenneté s’est confiée sur les coulisses de sa récente nomination auprès de Gala.fr.

Membre du gouvernement depuis 2017, en tant que secrétaire d’État chargée de l’égalité hommes-femmes puis ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa avait quitté l’exécutif après la réélection d’Emmanuel Macron. Mais à peine quelques semaines plus tard, elle a fait son grand retour en tant que secrétaire d’État pour l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative. Une surprise y compris pour elle : malgré son statut de figure de la macronie, elle ne s’attendait pas à être de nouveau appelée. Pour preuve, la Marcheuse de 39 ans a publié un livre C’est une bonne situation ça ministre ? (ed. L’Observatoire) en juin et envisageait même une reconversion dans les médias. Après ces quelques mois mouvementés, pour elle comme pour son mari Cédric et ses filles, celle qui jongle entre ses casquettes d’auteure, de femme politique et de mère de famille attentive a accepté de se livrer à Gala.fr sur ce come-back et les conséquences de celui-ci pour sa vie de famille.

Gala.fr : Lorsque vous avez écrit votre livre C’est une bonne situation ça ministre ?, étiez-vous dans l’expectative d’être de nouveau appelée au gouvernement ?

Marlène Schiappa : Pas du tout ! D’ailleurs le livre a un ton très libre, ce n’est pas du tout celui de quelqu’un qui cherche à être nommée au gouvernement, au contraire c’est un livre cash et direct que j’ai écrit librement. Je dévoile beaucoup de choses dont les gens n’ont pas idée.

Avez-vous été surprise que l’on vous propose ce poste ?

Oui, car après un quinquennat entier, et des responsabilités importantes, j’étais en train de passer à autre chose… Je venais de rentrer de New York où j’avais travaillé avec les statisticiens de l’ONU pour créer une entreprise sociale dans le champ de l’égalité femmes hommes en entreprises. Je ne m’attendais pas à être nommée une nouvelle fois pour une sixième année ! Le Président et la Première ministre m’honorent de leur confiance répétée.

« J’ai eu la Première ministre au téléphone, puis le Président « 

Comment l’avez-vous appris ?

J’étais chez ma sœur dans son village en Bourgogne, pour son anniversaire de mariage. Je me lève tous les jours très tôt le matin. Là, vers 6 heures je me lève, je prends mon téléphone et je vois des appels en absence et des SMS de Matignon et de l’Élysée…! Ensuite, j’ai eu la Première ministre au téléphone, puis le Président. La suite reste entre nous…

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas été rappelée au gouvernement ? Vous avez discuté d’un projet avec Cyril Hanouna…

Avec Cyril, nous discutons tout le temps de médias. Je suis diplômée en communication, j’ai dirigé une agence de production presse… Les gens le savent peu, mais ça a été mon métier pendant des années. Cyril, c’est un producteur qui a mille idées à la minute et je suis aussi un peu comme ça. Regardez les débats qu’il a animés lors de la présidentielle, personne n’y croyait mais ça a cartonné, et Face à Baba a créé l’évènement. Cyril et moi avions réfléchi à une émission de radio spécifique orientée vers les femmes, pour les aider dans leur quotidien ! J’aurais adoré faire ça et peut être qu’un jour, qui sait…

Vous a-t-on demandé à la dernière minute de revenir au gouvernement ?

Non, c’est juste que je sais bien garder les secrets… Je dévoile ce que je veux et quand je le veux. Même mes parents ne savaient pas que j’allais être nommée. Seuls mon mari et ma sœur étaient au courant. Ça a été une surprise de le découvrir sur BFM pour mes amis !

Est-il vrai que Gérald Darmanin, avec qui vous avez longtemps travaillé en tant que ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, a œuvré pour votre retour ?

Je ne suis pas dans les discussions personnelles entre le Président et le Ministre de l’Intérieur… Mais c’est vrai que j’ai travaillé deux ans avec Gérald, et je pense qu’il a pu constater que je suis une personne sérieuse qui travaille énormément, dont la loyauté pour le président est sans faille et qui a souvent des idées nouvelles ! Gérald sait que je ne corresponds pas du tout à l’image médiatique que certains se font de moi. Il sait que je ne lâche rien. J’ai d’ailleurs beaucoup appris à ses côtés !

Certains de vos confrères ont estimé que votre retour à un simple secrétariat d’État était loin d’être une promotion. Que répondez-vous à cela ?

Quelle blague. Je ne peux pas croire qu’un ministre utilise son temps à baver sur ses collègues anonymement… Je n’ai pas fait l’ENA, j’ai passé tous mes diplômes en cours du soir avec un bébé sous le bras, j’ai monté ma boîte et mon association, j’ai écrit trente livres et été la femme politique la plus invitée dans les médias des années de suite. Je suis la seule femme, avec la Première ministre, à être au gouvernement depuis 2017. J’ai choisi de ne pas être candidate aux législatives, de partir faire autre chose et on me rappelle pour revenir auprès du Président… Je conçois que ça suscite des jalousies. Ma liberté et le fait que je ne raisonne pas en termes de carrière me rendent singulière et ceux qui s’enferment ne comprennent pas cela. Ce serait peut-être mieux pour eux de se concentrer sur leur propre vie.

Vous expliquez dans votre livre que les salaires des ministres ainsi que leurs avantages sont assez relatifs. Ce statut a-t-il, selon vous, perdu de sa superbe ?

Les Français éprouvent un sentiment paradoxal par rapport aux responsables politiques : ils les veulent mystérieux mais transparents, à l’abri du besoin mais pas avec l’argent public… Aujourd’hui, un chef d’entreprise, un haut fonctionnaire chevronné ou un bon footballeur gagne mieux sa vie qu’un ministre. Beaucoup refusent de rejoindre le gouvernement ! C’est une fonction exposée et difficile. Ceci étant, je répète aussi que c’est évidemment plus difficile d’être infirmier ou enseignant que ministre. On ne travaille pas à la mine, il ne faut pas exagérer !

Vous parlez dans votre livre de commentaires désobligeants de la part de consœurs. Observez-vous un manque de soutien entre les femmes du pouvoir ?

Clairement ! Les femmes peuvent être cruelles entre elles et surtout contre les plus jeunes qui n’ont pas grandi dans les beaux quartiers… Il y a un vrai mépris de classe dans les sphères du pouvoir. Mais nous sommes plusieurs à avoir décidé d’essayer d’impulser un esprit de sororité au gouvernement, notamment Sarah El Hairy ou Olivia Grégoire. Et puis ça dépend des personnes : Roselyne Bachelot m’a par exemple donné les meilleurs conseils politiques ! Elle a toujours été adorable et très bienveillante. Elle me manque beaucoup dans les événements ministériels.

Que pensez-vous de la récente polémique sur les tenues des députés ?

Je pense que les gens s’en fichent complètement. Il n’y a pas un Français qui ai vu sa vie s’améliorer suite à un débat sur la cravate à l’Assemblée. C’est l’Assemblée nationale, pas le Met Gala. Concentrons-nous sur les vrais sujets.

Avez-vous été révoltée par les critiques sur la robe de Raquel Garrido ?

Je lui ai écrit un message de soutien immédiatement ! C’est du sexisme, car ça vise à essayer de ridiculiser le corps des femmes. Elle remet sa robe en place et alors ? On en est là, du débat politique ? Raquel Garrido est une femme politique chevronnée qui porte des convictions et c’est pour ça qu’elle est attaquée. On tolère les femmes en politique si elles ne prennent pas trop d’espace. Harceler les femmes politiques sur leurs tenues, leurs cheveux, leur poids, c’est un message politique pour leur dire : « Ce n’est pas votre place. Ayez honte, soyez complexées, cachez-vous, n’existez pas. »

« Brigitte Macron m’a conviée à l’Élysée quand je n’étais plus ministre »

Vous précisez dans votre ouvrage avoir fait exprès de ne pas trop parler de Brigitte Macron, mais que vous l’admirez et la respectez énormément. Continue-t-elle de vous soutenir ?

Brigitte a eu la gentillesse de me convier à l’Élysée quand je n’étais plus ministre. Je l’admire sincèrement. Elle porte un engagement fort pour protéger les enfants et notamment ceux qui sont hospitalisés. C’est aussi quelqu’un qui a beaucoup de recul sur la comédie du pouvoir et je pense, un pilier pour le Président. Mais je sais aussi qu’elle est pudique et je n’ai pas voulu écrire le « chapitre Brigitte » pour respecter cela.

Être considérée comme sa « favorite » a été un avantage ou un handicap ?

Ça crée évidemment des jalousies… et de plus je ne pense pas être une favorite.

Que pensez-vous de la nomination d’Elisabeth Borne à Matignon ou de l’élection de Yaël Braun-Pivet au Perchoir ?

C’est formidable ! Je suis tellement heureuse de voir ces femmes de talent exercer des fonctions importantes à la tête du pays. Revenir dans le gouvernement dirigé par la première femme depuis Edith Cresson, c’était une immense émotion. Elisabeth Borne est une personne que j’admire beaucoup. L’histoire de sa famille est bouleversante et intimement liée à l’histoire de la France. Une femme pupille de la Nation qui devient préfète, cheffe d’entreprise, et aujourd’hui dirige le gouvernement, c’est un signal magnifique. Emmanuel Macron a cette audace de nommer des gens différents. Soyons vigilantes à éviter un retour de bâton, ceci étant…

Gérer à la fois votre fonction de ministre, votre vie de famille, l’écriture de vos livres… Comment faites-vous ?

Comme toutes les mères qui travaillent : je galère ! (Rires). Je refuse de jouer un rôle de mère parfaite qui réussit tout. Je veux décomplexer les femmes. Personne ne peut tout réussir ou exceller partout. Parfois, on amène un gâteau tout prêt à la kermesse ou on oublie les affaires de piscine… Et ce n’est pas si grave. Essayer d’être heureuse est un défi plus grand que d’essayer d’être parfaite.

N’êtes-vous pas épuisée, parfois ?

Si. J’ai vécu une année un peu difficile, j’ai eu l’occasion d’évoquer ma fausse couche, dont j’ai parlé pour que ce soit un sujet moins tabou… Mais j’ai la chance d’être très entourée et d’avoir toujours une amie disponible pour me soutenir. Je trouve que plus on vieillit plus c’est important d’avoir des amies autour de soi.

Vous racontez vos six minutes de retard à l’Assemblée fin 2020, alors que votre fille était malade le matin. Avez-vous l’impression de sacrifier du temps passé auprès de vos enfants pour votre métier ?

Oui, mais heureusement elles ne m’en veulent pas, au contraire, elles sont fières. Je trouve en revanche que la société tolère assez mal les mères qui travaillent, et les culpabilise beaucoup. C’est pour ça que j’ai créé Maman travaille il y a 15 ans ! L’allongement du congé paternité porté par Emmanuel Macron permet quand même de mieux souligner l’engagement des pères, et le partage des responsabilités parentales !

« Avec mes filles, je suis protectrice et vigilante »

Quelles sont vos relations avec vos filles ? Maman poule ?

Maman poule, je suis angoissée tout le temps. Mais je me soigne ! (Rires). Je mets énormément d’énergie et d’amour dans l’éducation de mes filles et j’essaye de trouver la bonne ligne de crête pour leur laisser de l’autonomie. Mais je suis protectrice et vigilante. Et très exigeante sur la politesse, les principes, le respect des autres…

Vous avez posté il y a peu, une très rare photo de votre fille de 15 ans sur Instagram, expliquant qu’elle vous a elle-même demandé de ne plus la « cacher ». Comment elles vivent-elles votre statut de ministre ?

Ministre ou pas, beaucoup de parents se demandent s’ils doivent poster des photos de leurs enfants sur Instagram ou Facebook… Depuis toujours, chez nous, la règle est simple : c’est non. La sécurité avant tout. Quand elles seront majeures, elles posteront des photos si elles veulent. Mais j’ai vu tellement de malveillance sur les réseaux que je les en protège.

https://www.instagram.com/p/Cgi8o87Mn29/

A post shared by Marlène Schiappa (@marleneschiappa)

Ont-elles déjà manifesté un intérêt pour la politique ?

Oh que oui ! On parle politique sans cesse, au sens noble du terme. L’écologie, la lutte contre le racisme et le féminisme sont leurs grands combats. Elles demandent des comptes à notre génération. Ma fille a un grand-père trotskiste, historien Mélenchoniste et un grand-père ancien militaire qui a vécu à l’étranger. Elle a souvent des débats avec eux. Ma fille cadette, elle, ne supporte pas les injustices et traque les gaspillages d’eau. La grande rêve d’être avocate spécialiste des droits des femmes et la petite a surtout des rêves d’égalité et de justice. Mais je pense que c’est commun à beaucoup d’enfants !

Vous expliquez que votre mari, Cédric Bruguière, a souvent répondu présent pour les urgences concernant vos filles. Être ministre et maman investie, c’est presque incompatible si l’on n’est pas épaulée ?

En tout cas, je n’aurais jamais pu devenir ministre si mes filles n’avaient pas un père impliqué dans leur éducation.

Comment votre mari a-t-il réagi à votre retour au gouvernement ?

« Quoi que tu décides, on va gérer »… Mais ce n’est évidemment pas simple car le deal était qu’après 5 ans au gouvernement, c’est à son tour de travailler beaucoup. Il a plein de projets, il est très sollicité sur les sujets de transformation RH, c’est un expert dans son domaine. Mais on va s’organiser. Les filles ont grandi en plus et aspirent à plus d’autonomie, ça tombe bien…

« Avec mon mari, nous nous sommes séparés pendant une année »

Vous parlez dans votre livre du « syndrome de l’oscar » (toute femme récompensée pour sa carrière risque de voir son couple mis en péril). Votre carrière a-t-elle déjà menacé votre couple ?

Oui, parce que lorsqu’on consacre toute son énergie à son travail et à ses enfants, il n’en reste parfois plus pour son couple. Avec mon mari, nous nous sommes séparés pendant une année avant de finalement être réunis de nouveau, mais désormais nous communiquons beaucoup plus. Si le couple passe en dernier, il ne faut pas s’étonner qu’il vacille. Au soir de nos vies, il ne restera ni nos titres, ni nos carrières prestigieuses, mais plutôt les gens que nous avons aimés, et qui nous aiment.

Vous avez souvent été la cible de critiques dans les médias. Comment vous protégez-vous, ainsi que votre famille ?

Être critiqué, c’est le jeu de la démocratie ! C’est sain. Ce qui l’est moins, ce sont les critiques sexistes qui visent à toujours sous-entendre que les femmes sont stupides. Pécresse, Hidalgo, on ne débat pas du fond de leur propositions : on fait des montages vidéos de phrases sorties du contexte pour dire qu’elles sont incompétentes. C’est sexiste ! Je suis en désaccord avec elle, mais personne ne peut penser que Valérie Pécresse serait stupide. J’ai publié mon premier livre à 23 ans, monté une entreprise à 24 ans, j’ai été ministre à 34 ans… Le tout en venant d’un milieu modeste. Ça perturbe certains. C’est comme voir un Président de la République à 39 ans, toute proportion gardée…

Est-ce la dernière fois que vous acceptez un poste de secrétaire d’État ou bien de ministre ? Ou souhaitez-vous poursuivre encore longtemps dans la politique ?

Il ne faut jamais dire « fontaine je ne boirai pas de ton eau » ! Je me suis engagée à 18 ans en étant candidate sur une liste associative à Paris. Je suis une activiste dans l’âme, ça c’est clair. Mais il y a mille manières de s’engager aujourd’hui…

Crédits photos : DICOM – Ministère de l’Intérieur

A propos de


  1. Marlène Schiappa

Autour de

Source: Lire L’Article Complet