INTERVIEW – Claude Lelouch : “Pour moi, la mort est une promotion”

En marge d’une soirée-évènement* qui retracera son incroyable carrière, le cinéaste de 85 ans glisse un œil dans le rétro: ses amours, ses amis et quelques petits regrets qui n’entament pas son éternel optimisme…

Regard rieur, voix douce, « Monsieur Lelouch » nous reçoit dans son antre du Club 13 à Paris, avant son grand ciné-concert du 14 novembre. Alors que le montage des films de sa vie nous a pour le moins émus, faisant (re)vivre devant nous les plus grandes stars chéries du grand public – Jean-Paul Belmondo, Annie Girardot, Jean-Louis Trintignant – il est avant tout un cadeau du cinéaste de 85 ans, pour fêter ses 50 films en soixante ans au service du 7e art. Un bain de nostalgie ? Le réalisateur d’Un homme et une femme (palme d’or 1966) n’en ressent pourtant aucune. Il a conçu une œuvre sans paroles, universelle, qui sera projetée au Palais des congrès et accompagnée par les 80 musiciens de l’orchestre de Prague. Il y mêle des souvenirs de tournage, des scènes inédites de ses films, pour que vive à jamais la grande famille qu’il a construite à l’écran. Frissons garantis.

GALA : La musique a toujours été un personnage principal de vos films. Quand avez-vous pris conscience de son pouvoir d’évocation ?
CLAUDE LELOUCH :
Tout petit. A la maison, mon père était fan de Charles Trenet, ma mère, d’Edith Piaf. Nous avions une femme de ménage qui était folle de Luis Mariano et j’ai très vite compris que la musique me faisait du bien. Quand j’en écoute, je suis un autre homme, je passe dans une autre dimension, comme si on effaçait toutes les emmerdes. Au cinéma, je fais rire et pleurer, mais avec la musique, on file la chair de poule. C’est l’aristocratie des émotions.

GALA : Que ressentez-vous en revoyant ces images qui représentent soixante ans de cinéma, 50 films ?
C. L. :
J’ai le sentiment que tout ça est arrivé à un autre. Je suis tellement dans le présent, que je n’ai pas le temps de penser au passé. Et si on m’avait dit que je vivrais cette vie, je n’y aurais jamais cru, j’aurais pensé : « Ils en font trop au scénario ! » Vous imaginez ? Cinquante films, 7 enfants, tous de mamans différentes, 8 petits-enfants… Sur le papier, ça ne tient pas la route ! Mais en fait, si. Et ça me rend fier. J’ai une grande famille, avec des enfants qui s’adorent et se voient souvent. Il y a évidemment des hauts, des bas, certains vont mieux que d’autres, mais les dieux de la vie sont avec moi.

GALA : Quelle émotion de revoir tous ces grands acteurs, dont certains ont disparu…
C. L. :
Oui, c’est un peu ma vie qui défile devant moi. Belmondo, Girardot, qui ont joué un très grand rôle. Mais ça ne me rend pas triste parce que je suis encore là, j’ai réussi à passer entre les gouttes ! J’espère faire encore deux ou trois films, et après j’irai les rejoindre. Nous partirons vers de nouvelles aventures. Pour moi, la mort est une promotion, je ne vois pas ça comme une fin. Et j’ai envie que le jour de mon grand départ, on fasse une fête.

GALA : Qui n’a pas tourné avec Lelouch ?
C.L. :
Il y en a, comme Delon, Depardieu, mais ce sont des exceptions. J’en ai raté quelques-uns comme Gabin, ou de Funès, mais j’ai malgré tout créé une famille au cinéma. J’ai accompagné mon siècle, filmé mon époque, des hommes et des femmes, pendant soixante ans, qui ressemblaient aux vraies personnes des époques présentées. J’ai été un témoin de mon temps, à travers mes fictions.

GALA : Aujourd’hui, qui aimeriez-vous filmer ?
C. L. :
Peut-être quelques Américains, comme Bradley Cooper, qui pourrait rentrer dans mon univers. Et en France, on a toujours un vivier d’acteurs exceptionnels : Dujardin, Magimel, Catherine Deneuve, qui n’a jamais été aussi bien que maintenant. Mais le monde a changé, et je trouve plus difficile de trouver un acteur, ou une actrice, grande star qui incarne parfaitement son époque. A l’instar de Brigitte Bardot qui était un miroir de son temps ou Michèle Morgan après-guerre…

GALA : D’où vous vient cette philosophie, ce regard que vous portez sur la vie ?
C. L. :
Depuis que je suis tout petit, les gens sollicitent mon avis : « Claude, que penses-tu de ça? » Et pour tout dire, je ne sais pas vraiment pourquoi. J’ai compris peu à peu que mes observations intéressaient les autres. Peut-être parce que je suis positif. Pour moi, le oui l’emporte toujours sur le non, tout ce qui nous fait du mal finit par nous faire du bien, toutes les catastrophes se sont révélées positives. Même si les mauvaises nouvelles ont toujours meilleure presse…

GALA : Vous parlez du hasard comme de votre meilleur allié en tant que metteur en scène. Quels ont été les plus beaux hasards de votre vie ?
C. L. : Le hasard fait des miracles. Quand notre intelligence, qui a peur de tout, nous freine, le hasard est un accélérateur. Il nous donne envie de faire des choses incroyables, nous rend immortels. Les scènes que je préfère sont celles qui ne figurent pas au scénario, celles qui ont valu des César à Belmondo, à Girardot… Et c’est aussi vrai dans ma vie. Je pourrais vous citer ma rencontre avec ma femme Valérie Perrin.

GALA : Racontez-nous ?
C. L. :
Nous ne nous sommes pas cherchés, mais trouvés. Elle m’avait fait passer une lettre en la signant simplement de son prénom et j’ai aimé son écriture avant d’aimer la femme ; avec cette impression de se connaître sans jamais s’être rencontrés. Je l’ai retrouvée parce qu’une Valérie avait donné son numéro à un de mes meilleurs amis, en lui demandant le DVD du seul de mes films qu’elle n’avait pas vu. Il m’a dit : “c’est peut-être la Valérie de la lettre ?” Un hasard intéressant, n’est-ce pas?

* Claude Lelouch, d’un fil à l’autre, ce 14 novembre, à 20 heures au Palais des congrès de Paris.

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Crédits photos : Action Press / Bestimage

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