Tout l’été, Gala.fr part à la rencontre de ces ex-figures du JT qui ont connu la lumière avant de s’éclipser. Premier volet avec Bruno Masure (75 ans), visage familier de l’info sur TF1 puis France 2 dans les années 80 et 90.
« Pouvez-vous m’appeler avant 15h ? J’aimerais suivre le débat sur les retraites à l’Assemblée ». Même 25 ans après avoir rangé son costume de journaliste, la politique n’a pas vraiment quitté Bruno Masure. Sauf que c’est sur Twitter, et depuis sa maison à Paris, qu’il commente désormais l’actualité de ceux qui nous gouvernent. Avec un ton vachard forcément éloigné de celui du présentateur de JT qu’il a été sur TF1 (1984-1990) et sur France 2 (1990-1997), où sa décontraction et ses bons mots ont marqué. Une époque faste qu’il regrette ? « Ce milieu ne me manque pas du tout, je l’ai quitté volontairement« , nous arrête celui qui incarnait l’anti-PPDA, loin de courir après le vedettariat. Ce qui ne l’a pas empêché d’accepter de retracer sa carrière pour Gala.fr : relations avec les politiques, éviction après la mort de Diana, révélation de sa bisexualité… Bruno Masure raconte les bons et mauvais moments de son histoire avec la télé, entre deux confidences sur sa vie actuelle.
Gala.fr : Plus de 20 ans après avoir quitté l’antenne, à quoi ressemble votre vie aujourd’hui ?
Bruno Masure : Je voyage, je tweete, je m’occupe de mes chats… Tout va bien ! Quand on la chance d’avoir une retraite convenable, être payé à rien faire est absolument génial.
Cela représente combien dans votre cas ?
Je préfère ne rien dire ! Mais je ne suis vraiment pas à plaindre. J’ai eu la chance d’être bien payé une grande partie de ma vie. À TF1, j’ai d’abord gagné 60 000 francs (12 800 euros) puis 80 000 francs (17 000 euros) par mois. Ensuite, j’ai voulu retrouver le service public, donc je gagnais 60 000 à nouveau sur France 2. Aujourd’hui, les présentateurs gagnent beaucoup plus !
Avez-vous gardé contact avec vos anciens collègues journalistes ?
Non, plutôt avec des techniciens. Je n’ai pas envie de revoir des confrères pour dire que c’était mieux avant. Quand on arrête, il faut vraiment tourner la page.
Comprenez-vous les journalistes de votre génération encore à l’antenne ?
Je ne trouve pas ça normal de voir quelqu’un comme Jean-Pierre Elkabbach à l’antenne à 85 ans. C’est un vrai problème ! Il faut que ça se renouvelle. Même chose pour Alain Duhamel : il écrit un livre par an, n’a pas besoin d’argent et de passer à la télé pour vivre. Il prend la place d’une personne de 30 ans.
Tout va bien également sur le plan de la santé ?
Parfaitement ! Bien mieux que mon ami Michel Drucker avec qui je faisais Vivement dimanche.
Avez-vous de ses nouvelles ?
On s’envoie régulièrement des bêtises par SMS. Il a un grand sens de l’humour, on s’entend toujours bien. Mais en ce moment, il est encore un peu secoué par ses problèmes de santé.
« Je n’aimais pas interviewer les politiques »
Revenons en arrière. Quel moment ou interview retenez-vous de votre carrière ?
Je me souviens surtout des politiques qui étaient dans un rapport presque physique. Comme Georges Marchais ou Bernard Tapie, très durs à interroger. Je n’aimais pas interviewer les politiques au JT. C’était mon grand problème.
Pour quelle raison ?
C’était frustrant car cela durait 5 minutes, on ne pouvait pas faire le tour d’un sujet et ils étaient très langue de bois. Je me transformais en porte-parole.
Vous receviez aussi des comédiens.
De très mauvais souvenirs ! Ils venaient souvent faire la promotion d’un film produit par la chaîne. Avec Alain Delon, cela a été dur : je ne voulais pas voir Le retour de Casanova en raison des mauvaises critiques. Il a beaucoup insisté et organisé une projection pour moi. Comme prévu, le film n’était pas bon. Je m’en suis tout de même sorti lâchement, en l’interrogeant sur les décors et les costumes.
Quels sont vos bons souvenirs ?
De 1977 à 1984, quand je suivais le PS en tant que reporter pour TF1. J’ai connu François Hollande qui avait déjà un humour ravageur. Cela se passait mieux qu’avec Ségolène Royal, très imbue d’elle-même. Ensuite, ça a été un plaisir de travailler avec Nicolas Sarkozy car il était très cash. J’ai un souvenir assez original : un jour, il est venu dans un restaurant avec Cécilia, que personne ne connaissait, pour l’un des déjeuners qu’organisait notre groupe de journalistes. Ils n’arrêtaient pas de s’embrasser et de se tripoter. On a cru qu’ils allaient faire l’amour sur la table ! En plus, le restaurant faisait hôtel, donc on a failli lui dire de prendre une chambre (rires). On ne s’ennuyait jamais avec lui.
Ces déjeuners ne posent-ils pas un problème de connivence avec les politiques ?
On nous reproche souvent d’être copains mais c’est faux ! Ce qui est vrai, c’est qu’on se fréquente beaucoup. Mais c’est obligatoire pour avoir des infos. Il faut être proche sans être trop proche. Reste que ce n’est pas parce qu’on partage une bonne bouffe avec quelqu’un qu’on est obligé de le trouver génial.
Comment était François Mitterrand avec les journalistes ?
Selon son humeur, il pouvait être très charmant comme très glacial, au point de dire « vous m’emmerdez ».
Mazarine était-elle déjà un sujet ?
Non, je l’ai appris en même temps que le public. Certains se vantent après d’avoir su, mais c’est faux, une poignée de gens était au courant. Sur le cancer aussi. Le Docteur Gubler ne lâchait jamais le moindre indice.
Quels étaient vos rapports avec Danielle Mitterrand ?
À Latche, dès que la discussion ne tournait pas autour de ses activités caritatives, elle se fermait comme une huître. On ne pouvait pas déconner avec elle ! Avec François Mitterrand, on savait que c’était plus vraiment un couple. Ils s’entendaient bien parce qu’ils avaient chacun leur vie.
Le PS, c’était aussi DSK à votre époque.
Il n’était ni très sympathique, ni chaleureux. Un politique très sérieux et techno, obnubilé par ses dossiers et sans empathie.
« Yves Montand m’a traité de conn*rd »
Cela se passait mieux avec Anne Sinclair, votre ex-collègue de TF1 ?
Oui, on avait la même passion de la politique. Mais on a eu un clash qui m’a marqué. À sa demande, j’avais fait la promotion d’une émission spéciale avec son ami Yves Montand, qui devait annoncer sa candidature à la présidentielle. Sauf qu’il n’a rien annoncé ! J’envoie dans la foulée une lettre à Anne Sinclair et Yves Montand disant que je regrette d’avoir fait de la pub pour une émission sans intérêt. Je reviens de vacances et j’ai un message sur mon répondeur d’Yves Montand qui me traite de conn*rd (rires) ! J’aurais dû le garder car ce n’était pas tous les jours qu’on se faisait injurier par Yves Montand.
Anne Sinclair vous en a-t-elle voulu ?
On s’est expliqué dans son bureau : « Au prix de la pub sur TF1, vous me devez 300 000 ! ». C’est là qu’elle a craqué et a pleuré. Elle a senti que je tapais juste car l’émission n’avait aucun intérêt. Je ne l’ai pas beaucoup revue depuis.
À la fin des années 80 sur TF1, PPDA faisait le JT la semaine et vous le week-end. Étiez-vous en concurrence ?
Non, pas vraiment. On ne se voyait pas souvent.
Valait-il mieux ne pas le croiser ? Beaucoup de choses ont été dites sur son comportement ces derniers mois.
Concernant l’affaire, tout le monde savait qu’il recevait des jeunes femmes après le JT dans son bureau. Mais entre ça et violer, il y a une marge. C’était un dragueur lourd pour nous. Ce qui se passait dans le bureau, personne ne pouvait l’imaginer. Je ne savais rien donc je ne pouvais pas parler.
Son comportement avec Claire Chazal a également été dénoncé. Il aurait été jusqu’à uriner sur son canapé.
À l’époque, j’avais entendu qu’il avait plutôt déféqué sur son canapé ! Quoi qu’il arrive judiciairement, il est humilié. Il a une très haute estime de lui-même donc tout ça doit l’anéantir.
Être journaliste politique, c’était déjà s’intéresser aux Premières dames ? Comme Bernadette Chirac ?
Je n’étais pas du tout fan. Elle était extrêmement désagréable avec le personnel de l’Élysée. Je l’ai rencontrée lorsque l’équipe de Vivement dimanche a été invitée à déjeuner au Château. Michel Drucker était amoureux de Bernadette ! Moi, je n’ai jamais compris le concept de Première dame, car on n’est pas aux États-Unis. Cela ne m’intéresserait pas d’interroger Brigitte Macron. Quand je vote pour Macron, je ne vote pas pour sa femme. Même chose quand je vote pour Hollande.
La politique, ça ne vous a jamais tenté ?
J’ai eu des propositions. Du PS, notamment. Ils avaient bien senti ma sensibilité politique et que j’aimais beaucoup Mitterrand. J’ai refusé car le quotidien des politiques ne me fait pas rêver. Ils n’ont pas de vie privée ! D’ailleurs, leur niveau a beaucoup baissé aujourd’hui.
« Pour moi, la mort de Diana n’avait aucun intérêt »
La mort de Diana vous a-t-elle vraiment coûté votre place ?
Je savais que j’allais être débarqué un mois après. Ce qui s’est passé c’est qu’à 6h du matin, on me prévient par téléphone. Sauf que je réponds que c’est triste pour sa famille, je raccroche et me rendors. Pour moi, ça n’a aucun intérêt, d’autant qu’elle a quitté la royauté. Le dimanche matin, j’arrive à la rédaction et je vois Arlette Chabot dévastée et quasi en pleurs. Je trouvais ça idiot ! J’ai vite compris que Daniel Bilalian, qui lui était venu à 6h, allait présenter le 13h à ma place. Donc je suis rentré chez moi. Ils m’ont toutefois laissé le 20h.
Comment ça s’est passé ?
On a parlé que de la mort de Diana. C’est mon plus mauvais souvenir de JT. On a été plus que nul, en interrogeant des passants qui n’avaient rien vu. J’étais d’une humeur exécrable. Plus rien n’existait, plus aucune guerre. TF1 avait été moins mauvais que nous. L’audience n’a pas été bonne et j’en étais très content. J’ai lâché à Arlette Chabot : « On a fait la p*te et on n’a pas été payés ! » Elle se disait, ce mec est un cinglé ! J’ai été évincé pour ça, je n’étais pas dans le mood. Je passais pour un mauvais journaliste. Mais je n’ai aucun regret. On n’est pas obligé de céder à l’émotion. C’est ce qui m’a fait quitter ce métier.
Votre carrière a aussi été marquée par une émission où vous avez révélé votre bisexualité.
J’ai été complètement piégé par Mireille Dumas. Elle me contacte d’abord pour une nouvelle émission, sur le thème des regrets. En plateau, je suis surpris : on est quasiment dans le noir. Au bout d’1h, elle me demande ce que je pense de la bisexualité. Elle insiste lourdement et naïvement, je finis par craquer. « J’ai toujours été bisexuel et ça n’a jamais posé problème à mes partenaires et mes proches ». Elle n’avait évidemment gardé que les passages sur ma vie sexuelle. Ce n’était pas correct donc je lui veux encore.
Lui en avez-vous parlé ?
Je lui ai dit qu’elle m’avait bien baisé ! Elle savait ce qu’elle faisait. C’était un piège dès le départ. D’ailleurs, PPDA n’avait pas été sympa du tout non plus. À la fin de son JT, il avait fait de la pub pour l’émission en sachant très bien ce qu’il y avait dedans. Avec un œil vicieux : « Ne manquez pas les confidences de mon ami Bruno Masure » !
Comment votre femme Cathy a-t-elle réagi ?
Elle s’en foutait, heureusement. Elle s’est dit que si j’en avais parlé, c’est que j’en avais eu envie. Elle était déjà au courant. Cathy a travaillé dans la société de production de Mireille Dumas ensuite et elle en a un très mauvais souvenir : en plus de ne pas être une patronne sympa, elle payait mal !
Votre carrière en a-t-elle subi les frais ?
Mon patron, Patrick Le Lay, était catholique pratiquant. Mais je m’entendais bien avec lui car il était très franc. Ce qui l’intéressait, c’était que je continue à faire de bonnes audiences. Finalement, il n’y a pas eu beaucoup de réactions. J’ai reçu plutôt des lettres de jeunes qui vivaient à la campagne et me remerciaient d’avoir parlé, car c’était très caché à l’époque.
L’autre célèbre moment a été le strip-tease de Nagui et Michel Serrault durant votre JT, qui vous a empêché d’annoncer la mort d’un Casque bleu tué en Bosnie. Lui en avez-vous voulu ?
Pas du tout ! La séquence me fait rire aujourd’hui. J’aime aussi quand c’est le bordel ! L’une des dernières fois où j’ai croisé Nagui, il m’a dit qu’il envisageait de demander à l’INA de bloquer la diffusion de la vidéo car il ne supportait plus de la revoir. Cela lui posait problème.
Quel journaliste appréciez-vous aujourd’hui ?
J’aime bien Thomas Sotto. Mais je l’ai perdu de vue car je n’allume jamais la télé le matin. Je vais vous étonner mais je ne regarde plus les JT aujourd’hui, car je sais à l’avance ce qu’ils vont raconter. Je me tiens plutôt au courant avec la radio et Twitter.
Sur Twitter, vous n’hésitez pas à tacler sévèrement vos anciens confrères.
C’est le jeu. Ce que je déteste, c’est qu’on me réponde que je suis aigri. J’ai quitté la télé volontairement, alors qu’on m’avait proposé de reprendre le 13h par exemple. Mais je connais mieux les journalistes que les twittos, pour les avoir fréquentés, donc je m’agace d’assister à leur comédie parfois. Gérard Miller est un bon exemple : je connais bien son côté bobo gauchiste mondain donc je ne me prive pas.
Portez-vous toujours des charentaises ?
Toujours ! J’ai des pieds mal foutus. Donc je mettais des charentaises car je n’étais pas à l’aise dans mes chaussures. De toute façon, mes pieds n’étaient pas filmés !
Vous reconnaît-on encore dans la rue ?
Cela arrive, mais maintenant, ce sont les gens de plus de 55 ans ! C’est toujours sympa mais je n’ai vraiment pas fait ce métier pour ça.
Crédits photos : Holubowicz Gerald/ABACA
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