INTERVIEW Arthur Jugnot président du Festival International Mont-Blanc d’Humour : « C’est dur d’être artiste en 2021 »

Malgré la crise sanitaire, la 37ème édition du Festival International Mont-Blanc d’Humour a pu avoir lieu à Saint-Gervais, du 21 mars au 26 mars. Son président, Arthur Jugnot, dresse pour Voici.fr un résumé de cet événement. Son plus grand souhait ? Que les spectacles reprennent le plus tôt possible.

Arthur Jugnot

Voici.fr : Vous avez été pour la seconde année consécutive directeur artistique du festival international Mont Blanc d’humour, malgré la crise sanitaire. C’était important pour vous que cet événement soit maintenu ?

Arthur Jugnot : Oui, car la première édition a été annulée. Ça devait être en mars dernier et elle a été reportée à la Toussaint. Et là les annonces n’étaient pas très claires. On a fermé les théâtres depuis longtemps et on ne savait pas il y a un mois et demi si on aurait le droit d’ouvrir ou pas. Il y a un moment où on s’est posé la question de se demander « qu’est-ce qu’on fait ? ». On a espéré il y a quelque temps de pouvoir ouvrir quand même, et vu que tout est annulé de partout, on s’est dit avec le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peilleix, qu’on va essayer quand même de soutenir les artistes. Donc la décision a été prise de faire ça en streaming, mais quand même depuis Saint-Gervais. Pour plusieurs raisons, déjà pour faire prendre l’air aux artistes. Et c’est vrai qu’eux étaient très heureux de revenir, de jouer, de gagner un peu de sous. Et même localement ça a fait travailler les hôtels pour loger les artistes, les techniciens qui ne travaillaient pas beaucoup depuis longtemps. Ça a fait travailler les intermittents du coin, parce que toute l’équipe de streaming est une équipe locale. C’était pour soutenir la culture et le moral des troupes, mais aussi faire travailler des gens ici à Saint-Gervais.

Cela fait des mois qu’il n’y a plus de spectacles et là c’est le premier festival qui reprend depuis le confinement. Dans quel état d’esprit étaient les participants ?

Ils étaient très, très, heureux. Ils avaient un peu le trac parce qu’on est dans l’humour, donc ils ont joué dans un théâtre sans vrais spectateurs. Il y avait un jury pour leur décerner un prix et quelques techniciens qui travaillaient sur le projet, mais ça fait des toutes petites salles ! Leur grande crainte, c’était de se dire que d’habitude c’est un ping-pong avec le public, ils rebondissent… Donc c’était ça leur plus grande crainte, mais ils étaient tous très heureux. Hier il y avait Cartman qui jouait et il était en larmes à la fin. Il était tellement ému de jouer en vrai, d’avoir un peu d’applaudissements, un peu de rires… C’était très chouette de se dire qu’on avait réussi à faire vivre ça à des artistes.

Ça fait quel effet de revoir des artistes sur scène, après des mois sans spectacle ?

On se dit qu’on est très privilégiés, surtout qu’on était qu’une quinzaine dans la salle. Et on se dit que ça manque et qu’il faut que ça reprenne vite. Même si ce n’est pas à l’ordre du jour, on ne va pas se mentir.

Vous espérez une reprise pour quand ?

J’aimerais bien que demain il y ait 50 millions de doses de vaccins et que tout le monde soit vacciné et qu’on rouvre dans trois semaines. Mais je suis assez pessimiste sur ça. J’espère au moins que Avignon et les festivals d’été s’en sortent parce que ça crée tellement d’emplois ! Il y a tellement d’intermittents qui font leurs heures sur place. Si le Festival d’Avignon est encore annulé cette année, ça sera vraiment une catastrophe pour le secteur. J’espère de tout mon cœur qu’il y aura au moins Avignon.

Dans une situation comme celle-ci on essaye de garder espoir ou on est démoralisé de voir que tous les spectacles continuent d’être annulés ?

C’est assez démoralisant. Quand on commence à mettre des numéros sur des confinements comme des saisons de série Netflix, c’est un peu lassant quoi. On a cru que ça s’arrêtait… Et puis maintenant on ne croit plus rien. On attend. Ce Festival a heureusement été une petite bulle d’air. Et en plus à Saint-Gervais qui est un endroit sublime. Même s’il n’y a pas de remontées mécaniques, les artistes l’après-midi vont faire un tour de raquette, d’autres du ski de fond, d’autres du vélo… On ne parle pas trop de la catastrophe sanitaire dans laquelle on est. On est dans une petite bulle, on oublie tout ça et c’est chouette. On a vécu un petit peu dans le monde des Bisounours pendant une semaine et ça fait du bien.

Le Festival International Mont-Blanc d’Humour a été retransmis en streaming, quelles sont les autres conditions sanitaires qui ont été mises en place ?

Toutes les personnes qui ont participé, même les chauffeurs qui sont allés chercher les artistes ont été testés en PCR. Il y avait les gestes barrières comme partout avec du gel hydroalcoolique de partout. Ca aurait été tellement catastrophique qu’on soit un cluster et qu’au bout de trois jours tout s’arrête parce que tout le monde est malade ! La salle a une capacité de 300 places, nous le jury on était à trois mètres les uns des autres avec un masque, donc on n’avait pas très peur. Mais après c’est toujours pareil, on va à la pharmacie acheter du dentifrice et on va revenir en croyant avoir choppé un truc ! Donc on fait encore plus attention que la normale.

« Il faut vacciner le plus possible et le plus vite possible »

Beaucoup d’artistes nous ont quittés récemment, comme Guy Bedos, Claude Brasseur ou Jean-Pierre Bacri pour ne citer qu’eux. Ce festival, c’était un moyen aussi de leur rendre hommage ?

On a rendu hommage à Claude Brasseur parce que la salle a été rebaptisée la salle “Claude Brasseur”, parce que justement Claude a été plusieurs fois Président du jury du Festival. Il était très attaché à la ville et le maire l’aimait beaucoup. Mais c’est surtout un hommage pour dire à tout le monde que c’est important, qu’il faut que ça existe. Mais on ne fait pas du théâtre pour rendre hommage, on fait du théâtre pour vivre, pour oublier, pour voyager.

Le Festival se termine ce soir, pouvez-vous me dire qui sont les gagnants ?

Il y a eu trois prix. Le Prix Coup de Coeur et le Prix du Jury. Julien Santini et Karine Dubernet ont gagné le Prix du Jury. Et Tristan Lucas a gagné le Prix du Public. D’habitude les spectateurs votent avec un petit papier dans la salle, et là les spectateurs qui ont acheté en streaming le pass du Festival ont pu voter.

Qu’aimeriez-vous dire à Roselyne Bachelot, qui est critiquée pour son manque d’actions envers les artistes ?

Avant tout, bon rétablissement ! Elle ne va quand même pas très bien… Donc bon rétablissement et après on en discute.

Les décisions du gouvernement, vous les comprenez ?

Non, mais personne ne comprend ! Je ne veux surtout pas être polémiste, et je n’aimerais pas du tout être à la place des gens tout en haut… Mais c’est sûr que c’est incompréhensible. Mais les chiffres sont là, les hôpitaux sont vraiment saturés donc c’est sûr qu’il faut faire quelque chose. En tout cas en communication c’est un peu compliqué. C’est compliqué de prendre le métro et de voir les gens collés les uns aux autres alors que les théâtres sont fermés. Mais ça on le dit depuis un an, donc c’est comme ça. Ces choix-là ont été faits donc maintenant il faut assurer, il faut vacciner le plus possible et le plus vite possible.

Est-ce que c’est dur d’être un artiste en 2021 ?

En 2021 il y a beaucoup de choses qui sont dures. Moi je dis souvent à mes partenaires, mes associés, mes collègues : « vous avez entendu la bonne nouvelle ? », ils me disent : « non », et je dis : « et bien moi non plus ! ». Être artiste en 2021 c’est très dur, mais être étudiant en 2021 c’est très dur aussi. On vit à distance des années où on doit se mélanger, se rencontrer. Donc c’est dur d’être médecin, c’est dur d’être infirmier. Oui, c’est dur, mais comme pour beaucoup.

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