Quelques jours avant le procès de Nordahl Lelandais, le livre Maëlys, ma fille tuée à 8 ans et demi est paru aux éditions Robert Laffont. Jennifer de Araujo, la mère de la fillette enlevée et assassinée en août 2017, y raconte l’indescriptible. Un récit bouleversant écrit à quatre mains avec la journaliste Tiphaine Pioger. Rencontre.
La vie de Jennifer de Araujo bascule une soirée d’août 2017. Sa petite fille prénommée Maëlys, âgée de 8 ans et demi, disparaît lors d’une fête de mariage. Ce drame fait la Une des médias. La France entière retient son souffle pendant des mois. Où est la fillette ? Jusqu’au dénouement insoutenable. Maëlys a été assassinée par Nordahl Lelandais. Son corps sans vie a été retrouvé dans le Massif de la Chartreuse, le 14 février 2018.
Quatre ans plus tard, et à l’approche du procès de celui qu’elle nomme « l’autre » – il a été condamné à la perpétuité le 18 février 2022 – , Jennifer de Araujo s’est livrée sur son histoire dans le livre Maëlys, ma fille tuée à 8 ans et demi publié aux éditions Robert Laffont. Grâce à la journaliste Tiphaine Pioger, la mère de Maëlys a pu donner une dimension humaine à son calvaire. Mais aussi rendre hommage à la prunelle de ses yeux, sa fille. Rencontre avec la co-auteur de ce récit poignant.
Gala.fr – Avec Jennifer de Araujo, la maman de Maëlys, vous avez rédigé le livre Ma fille. Tuée. À 8 ans et demi. Comment est né ce projet d’écriture ?
Tiphaine Pioger – J’ai initié le projet. J’ai commencé à travailler pour LCI quelque temps avant la disparition de Maëlys. Depuis, j’ai toujours eu à cœur de raconter cette histoire. Quatre ans plus tard, en juillet dernier, j’ai eu envie de faire ce livre avant le procès. Je souhaitais prêter ma plume à cette maman.
Gala.fr – Que lui avez-vous dit pour la convaincre de raconter son histoire ?
Tiphaine Pioger – Je lui ai dit comment je voyais les choses. J’avais vu une femme qui, progressivement pendant l’enquête, avait pris de l’épaisseur. Plus femme peut-être et plus solide. J’avais envie de raconter ça. Et je me disais que son histoire pouvait peut-être aider d’autres parents. C’est ce point-là qui lui a donné envie de témoigner.
Gala.fr – Comment s’est déroulé le processus d’écriture ?
Tiphaine Pioger – Je suis allée chez elle. Je pense que c’était vraiment important que je puisse voir les lieux. On a réussi à créer une bulle, vraiment juste à nous. Quand on se retrouvait, on s’asseyait à sa table de salle à manger pour prendre un café. Et ça y est, on était dans la bulle. Et quand on en sortait, il y avait presque une sorte de gêne, un peu de pudisme. On a travaillé ainsi presque tous les jours, pendant près de dix jours.
Gala.fr – Pouvez-vous nous décrire Jennifer de Araujo ?
Tiphaine Pioger – Elle dit tout le temps : “Moi, je vivais dans le monde des bisounours.” Pas Maëlys, mais elle oui. C’est vrai. Jennifer était une femme qui faisait confiance. Je pense que comme beaucoup de femmes, elle faisait passer les autres avant elle. Elle se pliait en quatre pour que tout le monde autour d’elle soit heureux. Vivre ce drame, l’a complètement transformé. Elle a perdu foi en l’humanité. Elle s’est dit qu’il fallait qu’elle arrête de penser aux autres. Elle devient matriarche !
Gala.fr – Quelles émotions primées lors de vos sessions de travail ?
Tiphaine Pioger – Il y a eu des pleurs des deux côtés. On est passé par toutes les émotions, je pense. Il y a eu de la joie, parce qu’on s’est replongé dans des souvenirs heureux.
Gala.fr – Et quand vous évoquiez Nordahl Lelandais ?
Tiphaine Pioger – Dès que l’on parlait de lui, c’était la colère qui était associée. Une colère très vive, très forte. C’était difficile pour moi d’amener le sujet, mais il le fallait. Je voyais bien que c’était hyper douloureux. Je voyais bien qu’elle en avait marre, mais elle a tenu bon.
Gala.fr – Jennifer de Araujo a-t-elle voulait mettre un terme à vos conversations ?
Tiphaine Pioger – À aucun moment. Les rares fois, c’est moi qui sentais qu’on avait traité de quelque chose de trop douloureux. Par exemple, le 14 février, le jour de la découverte du corps de Maëlys. Cet après-midi là, j’avais prévu de travailler plusieurs heures, et en fait, on a travaillé une heure et demie. Elle ne pouvait plus rien me donner.
Gala.fr – Quel sujet était le plus dur à aborder pour la mère de Maëlys ?
Tiphaine Pioger – On termine le livre en écrivant qu’elle demande pardon à Maëlys régulièrement. À chaque fois qu’on a évoqué le sujet de la culpabilité, elle pleurait. Systématiquement. C’est le sujet qui déclenche son émotion. Je crois qu’elle n’arrivera jamais à se pardonner. Jamais.
Gala.fr – Avez-vous discuté avec le père de Maëlys, Joachim ?
Tiphaine Pioger – On ne s’est pas vus. Je lui ai proposé d’écrire la lettre à la fin du livre. Mais c’était vraiment l’histoire de Jennifer que je voulais raconter. Et d’ailleurs, je lui souhaite le meilleur, mais on sent que le papa de Maëlys a du mal à reprendre sa vie en main contrairement à Jennifer.
Gala.fr – Et Colleen, la soeur aînée de Maëlys ?
Tiphaine Pioger – Je l’ai vu, presque tous les jours. Parfois, elle était dans le salon. Parfois, elle passait puis ressortait. Elle faisait sa vie. Mais elle ne m’adressait pas trop la parole, juste ‘bonjour’. Colleen a vraiment perdu foi en les journalistes. Il y a des choses qu’on n’a pas racontées dans le livre. Par exemple, elle a été suivie à la sortie du collège par des journalistes. C’était impossible qu’elle me fasse confiance, alors elle ne me disait rien.
Gala.fr – Colleen est une jeune fille discrète, pourtant pendant le procès, elle a pris la parole dans les médias.
Tiphaine Pioger – Je pense que, grâce au procès, il y a eu un déclic chez Colleen. C’est un peu la ‘magie’ du processus judiciaire. Le fait qu’elle parle aux médias après le réquisitoire, je trouve que c’est assez symbolique d’où elle en est de son processus. Mais aussi de son ouverture à l’autre, qui était impossible quelques mois en arrière.
Gala.fr – Le procès est fini. Nordahl Lelandais a été condamné à la perpétuité. Pensez-vous que c’était la fin qu’imaginait Jennifer de Araujo ?
Tiphaine Pioger – Oui. On a un peu discuté après le verdict, elle m’a dit qu’elle était satisfaite même si c’est jamais suffisant. C’est un verdict qui est entouré d’une grande tristesse parce que c’est la fin d’un processus qui n’aboutira jamais au retour de Maëlys.
Crédits photos : Pascal Fayolle / Bestimage
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