La terrible « Affaire Grégory » a fait un retour fracassant depuis le 20 novembre et la diffusion, sur Netflix, d’une série documentaire consacrée au célèbre infanticide survenue dans les Vosges au milieu des années 80. Un documentaire dans lequel l’ancien commissaire en charge de l’enquête a tenu des propos qui ont choqué les parents du petit garçon assassiné.
Depuis le 20 novembre, les abonnés de la plateforme Netflix peuvent découvrir une excellente série documentaire en cinq épisodes réalisée par Gilles Marchand, sobrement intitulée Grégory, et qui se concentre sur la terrible affaire du petit Grégory Villemin – assassiné en 1984 – et toujours non élucidée après trente-cinq ans d’une enquête parsemée de nombreux autres drames.
Produit et réalisé avec les codes efficaces des procedurals américain (narration chronologique, images d’archives, interviews récents des protagonistes, twists réguliers, à l’instar de réussites comme Capturing the Friedmans ou Making a Murderer), et remarquablement documenté, cette série consacrée à l’histoire de l’infanticide qui fascine la France depuis les années 80 est une grande réussite. Cependant, un témoignage à particulièrement « choqué » Jean-Marie et Christine Villemin, les parents du petit Grégory.
« Pour un homme, elle est pas mal, quoi ! »
Retour en arrière. Le 16 octobre 1984, après des années de coups de fil émanants d’un mystérieux corbeau et menaçant la famille Villemin, le corps de Grégory Villemin, 4 ans, est retrouvé ligoté et sans vie dans la Vologne, une rivière des Vosges. Les gendarmes héritent de l’enquête dirigée par le juge Lambert (dit « le petit juge », qui bâclera le début des investigations et se suicidera des années plus tard, en 2017, fatigué de servir de bouc-émissaire à ce fiasco judiciaire qu’il avait pourtant initié). Rapidement, leurs soupçons se portent sur Bernard Laroche, le cousin de Jean-Marie Villemin, directement mis en cause par sa belle-soeur Murielle Bolle (qui n’en a pas fini avec la justice). Mais celle-ci change complètement de version quatre jours plus tard et innocente Laroche (qui finira tout de même assassiné par Jean-Marie Villemin, convaincu de sa culpabilité). L’enquête patinant pendant des semaines, la gendarmerie doit laisser sa place à la police judiciaire qui va reprendre l’enquête à zéro. C’est dans ce schéma qu’intervient le commissaire Jacques Corazzi, qui va être en charge des investigations à partir de février 1985, et qui va rapidement soupçonner cette fois… Christine Villemin, la propre mère du petit Grégory.
« Elle porte un petit pull extrêmement moulant »
Interrogé aujourd’hui dans le documentaire, l’ancien commissaire s’est souvenu de cette période et de cette enquête, mais en tenant des propos qui ont fortement perturbé les époux Villemin. Dans le troisième épisode de la production Netflix, Jacques Corazzi se rappelle en effet du moment où il a récupéré l’enquête et qu’il a rencontré pour la première fois la maman du petit Grégory (qui est pour lui toujours la coupable), et notamment de ses vêtements : « Elle a une tenue, bon », laisse-t-il d’abord plané. « Elle est en noir, d’accord. Mais elle a une tenue… plaisante, disons. Elle a un petit pull extrêmement moulant. Dans d’autres circonstances… on serait presque là, à lui faire la cour… Je me dis : ‘Tiens, elle est presque agréable à regarder’. Pour un homme, elle est pas mal, quoi. » Mais l’ancien commissaire, trente-cinq ans après les faits, poursuit sur sa lancée et donne même son avis sur le comportement que Christine Villemin aurait dû avoir lors de son audition : « Moi, j’aurais pensé voir quelqu’un d’éploré, de pas coiffé, habillé de manière négligée, et c’était pas le cas », avant d’y aller encore plus franco et de donner son avis général sur la jeune femme qui venait de perdre son fils de 4 ans, la qualifiant carrément d’« excitante ».
Pour ceux qui adorent le documentaire @NetflixFR sur l'affaire du petit Gregory je n'oublierais pas les propos indécents et sexistes et non professionnels du commissaire Jacques Corazzi à propos de la mère pic.twitter.com/12a6bJbKA8
Si ces propos déplacés n’ont pas tardé à faire réagir des spectateurs du documentaire (comme sur le tweet ci-dessus), les principaux concernés ont eux aussi été particulièrement abasourdis par cette sortie improbable, sexiste et libidineuse qui n’a rien à voir avec l’affaire, comme l’a confié leur avocate Marie-Christine Chastant-Morand ce 27 novembre au site du journal Le Parisien : « Ils ont été choqués de ces propos tenus tant d’années plus tard. Comme si la justice dépendait d’une façon de s’habiller… Monsieur Corazzi s’arrête à son enquête, qui a pourtant été remise en cause depuis. »Christine Villemin bénéficiera en effet d’un non-lieu en 1993, elle sera totalement blanchie et réhabilitée par une décision unique dans toute l’histoire de la justice française qui « juge qu’en l’état il n’y a pas de charges contre elle d’avoir assassiné son fils ».
Mais les propos de l’ancien policier n’ont laissé personne de marbre, puisque Maître Thierry Moser, lui aussi conseil des époux Villemin, a décrit, toujours dans Le Parisien, la consternation du couple devant les propos « honteux et indignes » de Jacques Corazzi, avant de tirer cependant du positif de la diffusion de ce documentaire : « Je leur transmets les témoignages de soutien que je reçois et ils sont satisfaits et soulagés de voir que des gens honnêtes et raisonnables ont des réactions saines. Ce documentaire remet les pendules à l’heure sur le rôle odieux que M. Corazzi a tenu dans cette affaire. »
Si, trente-cinq après la mort de Grégory, le mystère plane toujours au-dessus de la Vologne, cette série documentaire, extrêmement bien documentée, permet malgré tout de s’immiscer totalement dans cette tragédie, et d’avoir aujourd’hui sa petite idée sur la question.
La bande-annonce de Grégory, disponible sur Netflix :
https://youtube.com/watch?v=Ac_afF6P5Po%3Frel%3D0%26showinfo%3D1
Crédits photos : Bestimage
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